vendredi 29 mars 2024
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Ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu intitulé « Les relations entre l’UE et la Turquie sont tendues, mais nous avons un terrain d’entente sur lequel nous pouvons construire» publié dans « Politico Europe », 13 juillet 2020.

[Traduction informelle en français du texte original en anglais]
En tant que candidat à l’adhésion à l’Union européenne (UE), la Turquie partage de nombreux intérêts et objectifs stratégiques de l’union. Nos frontières sont les frontières extérieures de l’Europe et de celles de l’OTAN, et nous aussi nous voulons renforcer la résilience de l’État et de la société.
La Turquie assume une grande partie du fardeau de la séparation des étendues occidentales de la masse terrestre eurasienne de l’écosystème volatile entourant l’Europe. Notre présence diplomatique et sécuritaire défend l’Europe depuis des générations. A l’avenir également, l’Europe sera en sécurité et prospère grâce aux contributions de la Turquie.

Cependant, ce n’est pas une tâche qui nous revient à nous seul. Nous avons tous la responsabilité historique et morale d’aider à stabiliser notre voisinage commun et à le mettre sur la voie de la paix, de la stabilité et du développement durables.
Pourtant, la rhétorique forte et les positions maximalistes de certains pays membres de l’UE sur des questions à haute pertinence stratégique réduisent le champ d’une coopération significative.
Voici trois cas concrets :
Premièrement, la situation en Libye. Cela fait plus d’un an que le chef de guerre Khalifa Haftar et ses forces ont lancé une offensive contre le gouvernement légitime du pays à Tripoli, reconnu par les Nations Unies. Divisées entre elle-même, différents pays soutenant différentes parties au conflit, l’UE a échoué à proposer une action concertée fondée sur ses valeurs fondamentales.
Ce chef de guerre, financé par les Émirats arabes unis et soutenu par l’Égypte et la Russie, sape la perspective d’une paix et d’une stabilité durables. Alors que les milices putschistes et les mercenaires continuent d’être fortement renforcés, l’opération Irini de l’UE en Méditerranée (ayant pour objectif déclaré de faire respecter l’embargo sur les armes à destination de la Libye) sanctionne dans la pratique le gouvernement légitime.
Au mois de janvier, le président de Turquie Recep Tayyip Erdoğan avait écrit dans POLITICO que la situation en Libye servirait d’épreuve décisive pour l’UE – une épreuve qu’elle est en train d’échouer. L’Europe doit se lever et crier au scandale face à la découverte choquante de charniers à Tarhouna contenant les corps de victimes prétendument tuées par les forces d’Haftar. Entretemps, le blocus sur les ressources pétrolières de la Libye prive le peuple libyen d’une ressource cruciale.
Laisser la Libye à la merci d’un chef de guerre a été et demeure une grave erreur. L’assistance technique et de formation fournie par la Turquie au gouvernement légitime de la Libye, à la demande de cette dernière, a changé l’équilibre sur le terrain et a accru la viabilité des efforts diplomatiques comme la conférence de Berlin. Sans notre assistance, Tripoli serait tombée aux mains d’une coalition putschiste et il y aurait eu une catastrophe humanitaire majeure – avec des retombées ressenties largement en Europe.
Au lieu de se ranger du côté de la Turquie, nous avons vu un allié traditionnel et partenaire européen comme la France – qui soutient Haftar – faisant de fausses déclarations sur un incident impliquant son navire de guerre et des navires turcs en Méditerranée orientale. Lorsque ces affirmations n’ont pas été vérifiées par l’OTAN, Paris s’est retiré d’une importante opération de l’alliance. D’autres jugeront si cela a été un bon choix stratégique.
Deuxièmement, en ce qui concerne la Syrie, notre présence dans la ville d’Idlib, située au nord-ouest de ce pays, a évité une catastrophe humanitaire pour environ trois millions et demi de personnes séquestrées dans un petit territoire et soumises à la violence du régime syrien et de ses partisans. Notre intervention a arrêté un massacre et la marche d’un million de personnes vers la frontière la plus méridionale de l’Europe.
Parallèlement à nos efforts pour revitaliser le processus politique, qui reste le seul moyen viable de sortir de cette crise durant depuis dix ans, nous nous attachons à préparer les conditions pour faciliter le retour des réfugiés syriens en toute sécurité et sur la base du volontariat. En tant que premier pays d’accueil de réfugiés dans le monde, nous avons dépensé plus de quarante milliards de dollars pour répondre aux besoins de trois millions six cent mille réfugiés syriens en Turquie. On ne peut pas s’attendre à ce que nous en prenions davantage. En outre, nous avons offert à 402 000 réfugiés syriens la possibilité de rentrer dans leur pays dans des régions reprises par les troupes turques de Daech et des terroristes du PKK/YPG.
Troisièmement, Chypre et la Méditerranée orientale. Lors de notre conférence de presse conjointe à Ankara le 6 juillet, Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a noté que la « Méditerranée orientale est une région clé pour l’Europe ». Elle l’est également pour nous. Nous avons le plus long littoral de la Méditerranée orientale.
Les revendications maximalistes et unilatérales de la Grèce et des chypriotes grecs violent les droits souverains de la Turquie et des chypriotes turcs. Elles sont inacceptables. A maintes reprises, nous avons exprimé notre volonté de dialogue afin de trouver une solution juste, équitable et pacifique. Les chypriotes turcs ont fait de même. Malheureusement, la réponse a été l’hostilité envers la Turquie et la République turque de Chypre du nord. Cela ne nous laisse pas d’autre choix que de poursuivre nos activités de forage et d’exploration en Méditerranée orientale afin de protéger nos intérêts nationaux et les droits égaux des chypriotes turcs.
Ces trois cas ne sont que les dernières manifestations d’une nouvelle série d’abus et d’aliénation de la Turquie à travers des politiques non durables. Nous avons également été déçus dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE et au lendemain de la tentative de coup d’État manquée en 2016.
Il existe actuellement un multiplicateur négatif potentiel de la pandémie du coronavirus, qui peut générer de nouvelles instabilités ou exacerber celles existant déjà. Nous ne devons pas être aspirés dans le tourbillon qui nous oppose les uns aux autres. L’Europe a besoin de stratégies constructives privilégiant des formules gagnant-gagnant pour la Turquie, plutôt que des mesures réactives au nom de la solidarité européenne et des attentes bornées de quelques pays.
Il y a un terrain d’entente incontestable sur lequel nous pouvons construire. A un certain niveau, des initiatives comme la Conférence sur l’avenir de l’Europe et le processus de réflexion mené au sein de l’OTAN sont des étapes utiles pour avancer. Elles nous emmènent dans la bonne direction pour nous aider à nous adapter aux perspectives géostratégiques changeantes, tout en nous respectant mutuellement en tant que partenaires indispensables.
Regardons donc vers l’avenir et construisons un cadre inclusif pour profiter du véritable pouvoir de transformation de la coopération entre la Turquie et l’UE dans notre voisinage commun. Ce serait la bonne attitude à adopter, surtout dans les eaux troubles de l’ère post-pandémique

Djibril Coulibaly

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