L’international malien, Moussa Marega, a été victime de cris racistes dimanche 16 février 2020 lors d’un match de championnat contre Guimarães au stade Afonso-Henriques. L’attaquant des Aigles du Mali venait d’inscrire le deuxième but du FC Porto, lui offrant la victoire (2-1) et le retour à un point du leader (Benfica), quand l’incident a éclaté. L’international malien a été soutenu un peu partout à travers le monde. Au Mali, le ministre de la Jeunesse et des Sports, la FEMAFOOT et surtout le sélectionneur Mohamed Magassouba ont tenu à lui adresser des mots forts pour le réconforter. Tout comme ses coéquipiers de l’Equipe Nationale du Mali. En Europe, notamment au Portugal, les condamnations ont été également nombreuses. Mais, elles ne suffisent plus face à un humiliant fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans presque l’indifférence des instances du football.
«Le racisme n’est pas un tout, mais l’élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments le plus grossier d’une structure donnée», disait Ibrahim Frantz Fanon (20 juillet 1925-6 décembre 1961). Le psychiatre et essayiste français, impliqué dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et dans un combat international dressant une solidarité entre «frères» opprimés, aurait pu ajouter le sport dont les valeurs (Loyauté, respect de soi et de l’autre, don de soi, contrôle ou dépassement de soi, solidarité, esprit d’équipe, tolérance et persévérance…) sont pourtant des fondamentaux de l’humanité.
Des valeurs de plus en plus ignorées ou éclaboussées pas la bêtise humaine à travers un déferlement de haine ; des banderoles, des injures et surtout des «cris de singe» comme ceux qu’on a attendu le 16 février 2020 dans le stade Afonso-Henriques de Guimarães du Portugal contre l’international Moussa Marega. Ce dernier a eu la dignité de quitter le terrain pour protester contre ces individus qui ne méritent aucun qualificatif du bas de l’échelle de la bêtise humaine pour les dénoncer.
Et bien naturellement, que l’international malien a bénéficié du soutien unanime de vrais passionnés du sport, du football. «L’étalon universel de mesure des meilleurs pratiquants du football a un nom : le Roi Pelé, un homme de couleur, un symbole, un exemple, une référence… Le football est beau et fédérateur parce qu’il est tout simplement multiculturel. Ceux qui viennent au stade pour évacuer leur angoisse n’ont jamais aimé le football et ne le servent point», a rappelé Mohamed Magassouba à son attaquant. «Courage, courage, courage Marega, je te sais brave», a poursuivi le coach des Aigles du Mali et expert mondial du football.
Une famille menacée par la haine de ceux qui ne comprennent rien au sport
Même si certains coéquipiers ont tenté de l’empêcher de sortir (au lieu de le rejoindre tous dans les vestiaires), le FC Porto a fait bloc derrière son joueur. Quelques minutes après la fin du match, Sergio Conceiçao (le coach) a fait part de son indignation en conférence de presse en tenant un discours fort. «C’est une honte», a-t-il condamné. Et d’ajouter, «nous sommes une famille, sans distinction de nationalité, de couleur de peau ou de couleur de cheveux. Nous sommes humains et nous méritons le respect. Ce qui s’est passé est lamentable».
De nombreuses personnalités du football ont posté des messages de soutien au buteur sur les réseaux sociaux. La Fédération portugaise de football a estimé que «les insultes à l’encontre de Moussa Marega doivent être sévèrement punies». Le Premier ministre portugais, Antonio Costa, a réagi aussi en rappelant que «nous devons tous exprimer notre solidarité envers lui et le refus total de ce type de comportement».
Le Comité exécutif de la Fédération malienne de football (FEMAFOOT) a apporté «son soutien et sa solidarité» à Moussa Marega tout en condamnant «avec la dernière énergie ces actes ignobles qui n’honorent pas le football. Ces abus n’ont pas leur place dans nos stades qui doivent demeurer des lieux de communion, de joie et de respect».
Le Comité exécutif de la FEMAFOOT a aussi exhorté la Fédération portugaise de football, la FIFA, l’UEFA et la CAF à «éradiquer toutes les formes de discrimination, d’exclusion et d’inégalité qui touchent les gens, quelles que soient leur origine et leur condition» ! En effet, comme l’a si pertinemment rappelé M. Magassouba, sélectionneur du Mali et expert mondial du foot, «Marega, aujourd’hui ; hier bien d’autres acteurs ; demain à qui le tour» ?
Aller maintenant au-delà des condamnations et des sanctions dissuasives
Quant à Marega, il a posté sur Instagram après le match, «je voudrais juste dire aux idiots qui viennent au stade pour pousser des cris racistes… allez vous faire f… Et je voudrais aussi remercier les arbitres qui ne m’ont pas défendu et m’ont adressé un carton jaune parce que je défendais ma couleur de peau. J’espère ne jamais vous revoir sur un terrain de football ! Vous êtes une honte» !
«Je me suis vraiment senti comme une m***. C’était vraiment une grosse humiliation. Ça m’a vraiment touché. Mais bon, le match est passé, je suis rentré et du moment où j’ai revu mon fils, j’ai retrouvé le sourire», a-t-il confié à la presse en remerciant au passage toutes les personnes l’ayant soutenu. La police portugaise a indiqué qu’elle étudie les images de surveillance du stade Dom-Afonso-Henriques pour identifier les personnes qui ont insulté Moussa Marega.
Le soutien unanime comme celui don bénéficie en ce moment Moussa Marega est un immense réconfort moral et psychologique. Et c’est bon de soutenir, de condamner… Mais, aujourd’hui, il est temps que les instances du football (CAF, UEFA et FIFA) réagissent, sévissent. Contraindre une équipe à jouer dans un stade vide, lui imposer des amendes… ne sont que des mesures dissuasives qui ont montré leur limite. En effet, ce fléau nauséabond ne cesse de prendre de l’ampleur dans les stades de foot aussi bien en Europe que progressivement dans le reste du monde.
La première Journée mondiale de la FIFA contre la discrimination et le racisme dans le football a été célébrée le 7 juillet 2002, sur décision du Congrès extraordinaire 2001 à Buenos Aires (Argentine). Qu’est-ce que cela a changé ? C’est pourquoi, comme l’a souhaité Marega, «il faudrait un geste fort de la part des arbitres, de la ligue… Je vais parler franchement, tout ce qui est slogan comme No to racism, c’est du n’importe quoi. C’est juste des photos. Tu rassembles deux équipes, c’est beau, on partage ça sur les réseaux sociaux… Ça sert à quoi ? Ça ne sert à rien du tout», pense-t-il.
Les années passent et le fléau du racisme met toujours à mal le football et ses acteurs. Il entache depuis plusieurs années le monde du football. Le racisme dans les stades de football se manifeste de différentes manières : agressions, chants, cris, insultes, pancartes diffamatoires et les traditionnels cris de singe et lancers de banane qui visent les joueurs noirs ou métis. Les joueurs ne sont pas seulement ciblés en raison de leur couleur de peau, mais aussi du fait de leur religion et de leur nationalité.
Passer une autre échelle des sanctions après des mesures inefficaces
En mai 2013, la FIFA a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre le racisme dans ce sport. Quant à l’UEAFA, elle conseille aux arbitres d’arrêter les matches en cas d’incidents racistes. Et, en 2009, elle a une procédure en trois étapes pour arrêter un match. Dans un premier temps, le match en question sera d’abord arrêté et une mise en garde sera adressée au public.
Dans un deuxième temps, la rencontre sera suspendue pendant une certaine durée. Lors d’une troisième étape, après consultation des responsables de la sécurité, le match sera arrêté définitivement si les comportements racistes persistent. Dans un tel cas, une défaite par forfait sera prononcée contre l’équipe responsable.
Il faut maintenant passer à une autre échelle de sanctions avec des mesures répressives qui vont contraindre les imbéciles qui ne comprennent au sport, notamment au foot, de réfléchir deux fois avant de s’attaquer aux joueurs. Non seulement, il faut une sanction financière lourde, mais retirer des points dans un premier temps et relégué en cas de récidive. Ainsi, pour une première infraction ou une infraction mineure, les sanctions que sont l’avertissement, l’amende et/ou le huis clos doivent être prononcées.
Pour une récidive ou une infraction grave, les sanctions que sont la déduction de points, l’exclusion d’une compétition ou la relégation devraient être prononcées. La Confédération africaine de football doit mener ce combat d’autant plus que ce sont des footballeurs africains ou d’origine africaine qui sont les plus touchés par ce fléau qui fait honte à l’humanité. Avec ses 54 associations nationales (sur les 211 associations affiliées à la FIFA à la date du 13 mai 2016), elle doit peser de tout son poids électoral pour éradiquer le racisme dans les stades.
Ses responsables doivent mener le plaidoyer voir le lobbying afin que la FIFA puisse aujourd’hui prendre des mesures énergiques contre le racisme. L’instance suprême du foot doit agir et contraindre les confédérations à les suivre. Et il ne faut pas se voiler la face, le racisme ne vise pas par les footballeurs qu’en Europe. Dieu seul sait ce que certains footballeurs de l’Afrique subsaharienne endurent dans des pays maghrébins.
Et nous sommes d’accord ave notre confrère Patrick Juillard (Journaliste à Foot365 et consultant international) qui rappelle qu’un «tas de messages comme ceux reçues aujourd’hui par Marega ne fera pas changer les comportements. Il est alors temps d’instaurer des sanctions sportives. Le jour où un club descendra en D2 à cause de cris de singe, cela fera réfléchir les gens et évoluer les choses bien plus vite que toutes les campagnes FIFA NO TO RACISM» !
L’incident de Guimarães relance une nouvelle fois le débat sur la conduite à adopter en cas d’injures racistes dans les stades. Quelle sera maintenant l’attitude des instances du foot, notamment l’UEFA et la FIFA ? Sauront-elles faire pour une fois preuve de fermeté après cette énième agression raciste dans le football européen ?
En attendant, l’attitude responsable de Moussa Marega hantera longtemps le football portugais. En effet pour la première fois dans l’histoire, un joueur a quitté une pelouse de la Liga en raison des injures racistes dont il était l’objet.
Moussa Bolly