La justice française énonce ce mercredi 6 juillet ses conclusions, dans le procès de sept jihadistes strasbourgeois. Un procès emblématique avec des réquisitions maximales : 8 à 10 ans de prison pour des prévenus qui ont passé entre deux à quatre mois en Syrie au sein du groupe Etat islamique (EI). Parmi eux, le frère d’un des kamikazes qui s’est fait exploser au Bataclan, le 13 novembre dernier.
Cette affaire est emblématique. Et pour cause : elle met d’abord en lumière l’un des modes de recrutement jihadiste en France.
Pour ce groupe, tout commence lorsqu’ils s’abonnent en 2013 à une page sur le réseau social Facebook, destinée à sensibiliser sur les exactions commises en Syrie. Cette page était administrée par un certain Mourad Fares, considéré par la justice française comme l’un des principaux recruteurs de jihadistes français.
Avec lui, les contacts sont d’abord virtuels. Viennent ensuite les premières rencontres physiques à trois reprises, en groupe dans la région de Strasbourg, puis de Paris et aussi de Lyon.
Un départ en Syrie
Selon les prévenus, Mourad Fares a incité le groupe à partir en Syrie. Lui-même part en juillet 2013, puis facilite l’arrivée des Strasbourgeois en décembre. Il leur envoie un passeur à la frontière et permet leur intégration au sein de l’EI.
Seconde raison pour laquelle cette affaire est emblématique : il s’agit d’un même groupe d’amis âgés de 24 à 27 ans partis ensemble par grappes de deux ou trois et revenus ensemble de la même façon.
Un réseau d’affinité de club de foot, de bar à chicha, de quartier, d’école… Certains sont amis depuis la maternelle. Ils expliquent avoir été sous l’emprise d’un effet de groupe, d’une logique mimétique.
Pourquoi sont-ils rentrés en France ?
Toute la difficulté pour la justice a été d’établir les vraies raisons de leur départ : qu’ont-ils fait en Syrie ? Pourquoi sont-ils revenus ? La justice se fonde essentiellement sur des écoutes et des photos du groupe postées depuis la Syrie sur les réseaux sociaux. On peut les voir tenir des armes.
Les prévenus expliquent qu’ils sont partis pour des raisons humanitaires. Seuls deux d’entre eux avouent être vraiment partis pour combattre, mais tous nient avoir combattu une fois sur place. Ils sont pourtant passés par un camp d’entrainement, où deux membres de groupe ont été tués dès le premier mois dans des combats entre rebelles. Une guerre qu’ils utilisent pour justifier leur retour volontaire.
Des écoutes laissent penser qu’au moins trois d’entre eux, rentrés en Turquie avec un document d’autorisation du groupe EI, ont été piégés par des proches ou des passeurs. Des proches ou des femmes qui leur avaient fait croire qu’ils venaient leur rendre visite en Turquie et qui ont en réalité prévenu les autorités turques pour qu’ils soient arrêtés de façon à les forcer à rentrer en France et à quitter la Syrie.
Des peines requises jugées sévères par la défense
Dans d’autres affaires, des jihadistes qui avaient passé deux fois plus de temps en Syrie ont écopé de peines bien inférieures. Ainsi, un Français a été condamné à seulement trois ans de prison après 11 mois en Syrie. Deux jeunes mineurs ont également été condamnés à six mois avec sursis ces derniers jours pour trois semaines en Syrie.
Mais les Strasbourgeois, souvent goguenards voire moqueurs pendant l’audience, n’ont pas su donner confiance au tribunal. Lorsque la juge demande par exemple à l’un d’entre eux pourquoi il porte une longue barbe, le prévenu répond qu’il est fan de rugby comme l’ancien international Sébastien Chabal.
Ancrés dans l’idéologie jihadiste
L’ombre des attentats du 13-Novembre a plané sur ce procès, en raison de la présence dans le box du frère d’un des kamikazes du Bataclan. En prison, plusieurs des prévenus sont réputés pour être encore très ancrés dans l’idéologie jihadiste.
Pas du tout repentis, avec des téléphones portables pourtant interdits en cellule, ils ont continué de communiquer avec des jihadistes français actuellement en Syrie.
Ce n’est pas le procès du 13-Novembre. La justice les juge en fonction du risque terroriste potentiel qu’ils pouvaient représenter et non pour leurs actes, a martelé la défense. Le procureur a requis des peines maximales : de 8 à 10 ans de prison qui seront sans doute suivies par le tribunal selon leurs avocats.
rfi