Pourrions-nous s’attendre à une trahison de leur part avec l’application de l’accord d’Alger ? Sans vouloir être trop pessimistes, le gros travail d’Hercule qu’attend ce gouvernement, celle de la mise en œuvre des recommandations de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger 2015, sera téméraire.
Qu’en est-il au fond de l’accord ?
L’accord de 2015 recèle beaucoup de dysfonctionnements qui rendent difficile son application à moins que les autorités Maliennes acceptent de monnayer l’unité nationale et l’intégrité du territoire national. On nous parle dans l’article 1er que, « les parties dans l’esprit de la feuille de route réitèrent leur attachement aux principes ci-après ». (L’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger 2015) : respect de l’intégrité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’état du Mali ainsi que de sa forme républicaine et de son caractère laïque. L’accord d’Alger est un mauvais accord bâclé par l’Algérie. L’accord a été mal négocié par le gouvernement malien qui a refusé d’écouter la population en éluant sur « les dangers mortels » de cet accord. En plus, nous verrons de multiples violations de la constitution dans cet accord. Il recèle des dispositifs qui, s’ils sont appliqués, vont précipiter la partition du pays. Il s’agit d’une régionalisation extrême. Un état central faible comme celui du Mali n’est pas en mesure de garantir l’unité nationale et l’unité territoriale avec ce dispositif. Surtout même si les nouveaux maitres du pays ont promis de mettre en œuvre cet accord ce qui a fait que la CMA a accepté de rentrer dans l’équipe gouvernementale de la transition. Or, il ne faut pas qu’on se leurre, les groupes armés de Kidal l’ont dit et redit à plusieurs reprises, et, ils continuent d’ailleurs à le dire : pas question pour eux, que l’on touche même à une seule virgule dans l’accord ! L’accord d’Alger a été un échec patent pour tout observateur averti et sincère, et il est allé droit dans le mur dès le début des négociations. Même le secrétaire général de l’ONU le savait en marge de l’Assemblé générale des Nations unies, le 25 février 2019. Ensuite, l’article 5 de l’accord d’Alger stipule que : « L’appellation de l’Azaouad recouvre en réalité la socioculturelle, mémorial et symbolique partagée par les différentes populations du nord du Mali » (L’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger 2015). Il révèle aussi dans son article 6 que : « la région est dotée d’une Assemblé régionale élue au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert de compétences, de ressources et jouit des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés ». (L’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger 2015). Prenant acte de cet accord pourrait-il garantir l’intégrité nationale et l’intégrité territoriale ? Mais non ! C’est d’ailleurs pourquoi les Maliens ont, dans une quasi-unanimité, opté pour sa révision lors du Dialogue National Inclusif (DNI). Comment donc concilier la mise en œuvre des résolutions et recommandations du DNI et celle dite intégrale de l’accord d’Alger ? Voilà toute la question ! Ce rejet se fonde plutôt sur des raisons évidentes qu’aucun peuple sérieux ne saurait accepter, lesquelles ont d’ailleurs justement été connues des Maliens en la faveur du Dialogue National Inclusif grâce à la révélation des 15 exigences qui rendent l’Accord d’Alger inapplicable. Des exigences contenues dans un document appelé « Avenant », dont l’acceptation par l’État a été la condition de participation de la CMA à la signature de l’accord à Bamako, le 20 juin 2015, et qui était jusqu’alors inconnu du grand public. Que dit ce document ?
1- L’Accord du 15 mai est reconnu fondamentalement insuffisant, au regard des revendications du peuple de l’Azawad.
2- L’Azawad est reconnu comme entité politique, juridique et territoriale.
3- Le Mali s’engage à reconnaître et à réparer les crimes qu’il a commis depuis 1963 dans l’Azawad.
4- La CMA est appelée à demeurer dans sa mission primordiale de défense et de lutte pour les aspirations du peuple de l’Azawad.
5- Il est décidé la création d’une Assemblée Régionale regroupant les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni dont les prérogatives relèvent des domaines spécifiques de l’Azawad.
6- Le Mali accepte de surseoir à l’organisation de toute élection jusqu’au retour des réfugiés et jusqu’à la mise en œuvre du nouveau découpage.
7- Le Mali accepte de prévoir et déterminer le quota qui sera affecté à l’Azawad pour les départements de souveraineté, les grands services de l’État, les représentations diplomatiques et les organisations internationales.
8- Les forces de défenses et de sécurité à l’intérieur de l’Azawad seront composées à 80% de ressortissants de l’Azawad ainsi qu’au niveau des postes de commandement.
9- Pendant la période intérimaire, mettre en place des unités spéciales mixtes comprenant 80% de ressortissants de l’Azawad.
10- Les zones de défense et de sécurité seront sous le commandement d’un ressortissant de l’Azawad.
11- La CMA définit elle-même la liste des combattants et détermine leur grade dans le cadre de leur intégration dans l’armée reconstituée.
12- Considérer la création et l’utilisation des milices comme un acte criminel.
13- Le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) sera présidé par la MINUSMA et coprésidé par les deux parties (Mali et CMA).
14- Affectation d’un fonds spécial pour l’Azawad sur le budget de l’État à hauteur de 40% sur une période de 20 ans en vue de résorber un retard de plus de 50 ans.
15- Exploitation des ressources minières et énergétiques de l’Azawad soumise à l’autorisation préalable de l’Assemblée interrégionale. Après un avis de l’Assemblée Régionale, un quota de 20% de la production sera affecté à l’Azawad avec priorité à la région concernée.
Entre nous, cela est-il acceptable par un Malien digne de ce nom ? Comprenez maintenant, pourquoi les Maliens sont réticents à la mise en œuvre de cet accord
Karamoko DIallo