L’organisation sous-régionale a certainement mené ce jeudi la médiation de la dernière chance entre les forces patriotiques et le président de la République. Le M5-RFP est demeuré sur sa position anté, à savoir la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta et son régime avec lui.
Il faut relever que durant les dernières 72 heures, le pouvoir en place a développé une communication tous azimuts qui a été contreproductive, parce que mal soignée en ce qu’elle était nourrie de désinformations et d’intoxications. C’était comme agiter des épouvantails inutiles. On a en effet distillé çà et là que la C.E.D.E.A.O., après les Nations-Unies et l’Union Africaine, s’apprêtait à adopter des sanctions punitives contre le M5-RFP s’il n’abandonnait pas sa revendication de démission du Président IBK. Faute stratégique puisqu’on ne peut pas tromper un peuple aussi éveillé comme celui du Mali avec de telles arguties, qui plus est une nation qui a d’évidentes raisons pour justifier sa révolte.
Qu’à cela ne tienne, la C.E.D.E.A.O. a elle-même connu des évolutions majeures sur les questions de bonne gouvernance. Jadis, c’est depuis son siège qu’elle décidait des mesures à prendre face à tel ou tel soubresaut dans un des pays membres, mesures qui pouvaient être des sanctions punitives aux plans économiques, de privations de liberté de voyager des acteurs politiques, voire d’envisager de vigoureuses actions militaires. L’Ecomog, son bras militaire, procédait de ses sanctions.
Mais ceci semble bien une époque révolue désormais. La C.E.D.E.A.O. a choisi dorénavant de jouer plutôt au bon Samaritain ayant certainement, constaté et admis que les peuples n’ont toujours pas tort de se soulever contre les pouvoirs qui font peu cas des vertus de la bonne gouvernance démocratique. C’est sans doute pourquoi la haute délégation, respectable à tous points de vue de l’instance, a évité, dans la crise malienne en cours, de paraître en gendarme fouettard. On pourrait même se poser d’utiles questions de savoir pourquoi elle a dépêché ses médiateurs à Bamako à la toute dernière minute, le jeudi avant la mobilisation générale du vendredi 19 juin. Très certainement, c’est parce que les analyses ont montré que la situation est désormais imparable et que le président Ibrahim Boubacar Keïta n’a plus en vérité de raisons indiscutables pour demeurer en place, voire que tous les leviers de l’État ne sont plus dans ses mains et qu’il faut donc éviter de violenter un peuple qui crie pour de bonnes raisons.
Les pourparlers qui ont réuni à l’hôtel Salam au nom fort indiqué pour la circonstance (salâm signifie paix) la respectable délégation de la C.E.D.E.A.O. et les responsables du M5-RFP ont vite montré que les positions sont trop raides pour permettre une évolution significative. Face à des interlocuteurs nationaux très au fait des problèmes de leur nation, la demande principale des médiateurs, à savoir le report de la mobilisation citoyenne du lendemain ne pouvait pas être satisfaite. Les lignes n’ont donc pas bougé.
Il fallait d’ailleurs s’attendre à un tel résultat puisque la crise de confiance entre IBK et le reste des acteurs politiques a atteint des dimensions incompressibles. Les responsables du M5-RFP ont eu beau jeu de rappeler que le chef de file de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé toujours en captivité, a toujours répondu favorable à la main tendue d’IBK qui n’a jamais respecté ses engagements. On a cru invoquer le cadre du Dialogue National Inclusif (DNI) et ses conclusions. Mais là est justement la grande arnaque du Président très abonné aux ruses dignes de Sioux. Le DNI, dans l’esprit d’IBK n’était autre chose qu’un machin à biaiser les bonnes intentions récoltées dans l’enfer pour légitimer les petits complots du locataire du palais de Koulouba. Celui-ci s’est incontestablement cru plus intelligent que tout le monde, erreur qui l’a régulièrement conduit à utiliser l’aura et la personnalité des concitoyens méritants et au-dessus de tout soupçon pour faire ses manoeuvres de trahison. Le diplomate Cheick Sidi Diarra, ancien secrétaire général adjoint de l’O.N.U., qui a organisé le DNI, a d’ailleurs récemment laissé entendre son dépit : « Il a été demandé au président de la République de mettre en place un mécanisme indépendant de suivi de la mise en œuvre des résolutions et recommandations du Dialogue. De décembre à maintenant, ce mécanisme n’a pas été mis en place. Maintenant, je comprends la raison pour laquelle il n’a pas été mis en place. Le mécanisme mis en place, s’il est indépendant, il va gêner l’exécutif. L’exécutif choisit les recommandations et les résolutions qui lui plaisent et les met en œuvre de la façon qui arrange ses intérêts. Ce n’est pas ce qu’on cherchait à travers l’organisation du DNI. Je dis mon objection au fait qu’on utilise les résultats du Dialogue pour assouvir les besoins partisans, personnels ou familiaux ». Ce n’est pas tout. Le très sérieux diplomate Diarra termine son interview par une sentence : « Personnellement, je suis outré d’avoir été abusé inutilement par l’autorité parce qu’on m’a confié une responsabilité en me promettant d’honorer les engagements. Alors que, du haut de mes 39 ans de carrière, j’aurais pu me passer de ça. J’ai été secrétaire général adjoint des Nations-Unies, je ne vais pas me compromettre dans des choses aussi basses que ça. Il faut qu’on redresse ce pays, il faut faire en sorte que rien ne soit plus comme avant… »
Ici comme ailleurs, les mots ont des sens. Il faut les lire et les entendre avec les yeux et les oreilles patriotiques. Ah, on y est : 39 ans de carrière contrariés par IBK, article 39 du personnel enseignant nié par son régime ! Rime malheureuse ou coïncidence révélatrice ?
Quel crédit peut rester à présent à IBK aux yeux des Maliens ?
Amadou N’Fa Diallo