jeudi 12 décembre 2024
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GUINGUIN GRIN : Jeunesse, un espoir noyé dans l’alcool et le sexe

Un samedi soir sur terre. Bamako ne semble se réveiller véritablement qu’après minuit. Débranché (nous sommes de la génération Evasion, Hexagone, Tempo, Djembé…) depuis que les discothèques sont devenues des espaces de débauche à ciel ouvert, nous avons décidé de prendre la température de notre capitale.
En bon cinéphile, nous avons débuté la soirée au Magic Cinema où un fantastique film d’aventure (Fast & Furious 8) était à l’affiche.
Sur les conseils des Guinguins (hiboux, sobriquet des noctambules), nous nous rendons ensuite au Temple des délires (un nom d’emprunt) à l’ACI-2000, l’un des night-clubs les plus branchés avec une ambiance d’enfer où l’alcool coule à flots, les filles branchées et très entreprenantes.
Visiblement, nous étions parmi les premiers arrivés. A peine assis à une table vide dans la pénombre, qu’une serveuse se pointe avec comme argument un body sur le point d’exploser pour libérer ses obus, pardon ses seins, une mini-mini jupe qui cache à peine sa croupe à faire basculer la foi d’un Ayatollah.
Elle a l’impression d’avoir en face un extraterrestre quand nous lui demandons… juste une Malta. Elle met une demi-heure à nous servir, car elle a certainement dû prendre d’autres commandes dehors. Ici, ce sont les vins, du champagne, du Whisky et surtout de la bière de toutes les marques et de tous les goûts qui sont servis.
A notre arrivée, les Roses du pavée (professionnelles du sexe) étaient visiblement les plus nombreuses. Comment les reconnaître ? Maquillage outrancier et look extravagant, provocateur et souvent bon marché. Sur les pistes de danse, elles se trémoussent à se briser les reins pour attirer l’attention des chasseurs. Elles disparaissent et réapparaissent comme dans conte de fée. Et quand on les approche de près, on voit que certaines d’entre-elles ont vécu des jours meilleurs.
L’une d’elle ne tardera pas à nous approcher, presqu’une gamine qui, à cette heure, aurait dû dormir les poings fermés dans son lit au lieu d’être là à racoler les mecs au moins deux fois plus âgés qu’elle. Ayant essayé d’attirer notre attention par tous les moyens, elle prit finalement son courage à deux mains pour nous aborder. Un homme seul dans ce genre d’endroit doit être sans doute une proie facile à leur entendement.
– Bonsoir. Tu es seul ?
La politesse n’est pas dans son jargon.
– Non
– Tu attends un ami ?
– Une amie !
– Ta copine
– …
Elle décode le message, s’éloigne mais reviendra plusieurs fois à la charge au cours de la soirée. Visiblement, elle avait du mal à se faire des clients ce soir. Elle n’était pas pourtant mal. Sans être une déesse de la beauté, elle pouvait rivaliser avec des candidates de Miss ORTM. Elle était habillée sobrement, mais avec goût, un teint bien soigné sans pousser à la dépigmentation. Safi devait être lycéenne selon nos informations.
La dernière fois qu’elle s’est présentée, elle n’a pas demandé notre permission pour s’asseoir à notre table que personne ne voulait visiblement partager. Ici, un client qui ne boit pas, suscite la méfiance.
-Je veux m’asseoir en attendant que ta copine arrive.
Elle n’attendit pas la réponse. Par élégance nous lui offrons à boire.
– Je vous offre une boisson…
– Une bière, rectifie-t-elle.
Nous avons ensuite causé de tout et de rien.
– Si ton amie ne vient pas, je peux m’occuper de toi ce soir.
– Ce n’est pas une bonne idée. Elle est très jalouse.
– Elle ne doit pas pourtant t’aimer pour te laisser seul tout ce temps dans une discothèque, insiste-t-elle.
Elle est loin de se douter que la conscience est la maîtresse jalouse dont nous parlons.
– C’est parce qu’elle a eu un malaise en début de soirée…
– Elle ne viendra pas donc ?
– Non.
– On peut donc passer la soirée ensemble dans un coin discret près d’ici.
– Ce n’est pas une bonne idée, car tu dois être encore mineure…
Nous avions pris soin à ce qu’elle voit un bout de notre carte de presse, surtout la partie vert-jaune-rouge. Elle prit peur et s’est éloignée prétextant aller aux toilettes. Quelques minutes après, l’un des gérants vint nous voir, sans doute alerté par la fille qui nous a visiblement confondus à un flic des mœurs. Il nous proposera une place au VIP-Lounge. Malgré notre refus, il insista. Nous l’avons finalement suivi pour ne pas le frustrer.
– Commandez tout ce que vous voulez, c’est la Maison qui offre, nous assura-t-il avant de céder la place à une sublime hôtesse, une de ses créatures visiblement nées avec le diable dans le corps.

Un espoir noyé dans la bouteille sous les mini-jupes
Si nous avons négligé le champagne et le Whisky, la grillade (poulets braisés) à l’Abijanaise ne pouvait laisser un gourmand comme nous indifférent. Nous nous sommes éclipsés vers 3 h alors que l’ambiance était top.
Nous nous sommes retiré très inquiet. Inquiet pour l’avenir de ce pays. Nous y reviendrons à deux reprises pour les besoins de nos investigations. Le constat est amer et préoccupant : Si la jeunesse est notre espoir, elle en train de se noyer dans la bouteille (alcool) et ensevelie dans des strings sous les mini-jupes (sexe) !
De nos jours, la plupart des discothèques sont devenues des espaces de débauche à ciel ouvert une fois la nuit tombée. Si les fesses des garçons sont brouillés pour de bon avec les pantalons, les filles sont passées de l’exhibitionnisme au nudisme, ou presque. C’est à peine si certaines ne se mettent pas à poils pour se faire remarquer tant les habits portés ne cachent presque rien de leur intimité.
Avec cette génération, la bière a presque remplacée l’eau dans les habitudes. Sinon, la jeunesse dorée se saoule dans du vin, du champagne et les liqueurs fortes. Pour ce qui est du sexe, aucune pudeur désormais. Il nous est arrivé de voir des bambins se tripoter sur les pistes de danse. Et les toilettes de ces espaces de loisirs sont des baisodromes. Pas qu’ils n’ont pas les moyens d’aller ailleurs, mais parce que l’acte sexuel semble être à leurs yeux d’une banalité bestiale.
Et le plus souvent, ce sont des mineurs, des scolaires. De nos jours, les élèves et étudiantes sont en train de livrer une concurrence déloyale aux vraies professionnelles du sexe. Elles se contentent de peu, souvent juste du plaisir de s’envoyer en l’air avec plusieurs partenaires sexuels occasionnels pendant une soirée.
Pour leurs parents ou les observateurs non avertis, elles n’ont rien perdu de leur candeur, de l’innocence de l’âge. Mais, comme le dit l’un de nos rappeurs, quand tu tires le capot, elles sont pourries jusqu’à… Nombreuses sont celles d’entre elles qui ont autant de peine à se souvenir de leurs amants que des 26 lettres de l’alphabet.
Par contre, elles peuvent énumérer toutes les marques de bière, de champagne, de vin et de liqueur forte avec leur différence au niveau du goût, les prix affichés dans telle boite ou telle autre…
Comment s’appellent-ils ? Jacob, Isaac, Théodore, Patricia, Alice, Monique… Mais surtout Mohamed, Ibrahim, Ali, Nouhoum, Moussa Seydou, Fatoumata, Kadidia, Aïcha, Binta…
Donc fils de supposés musulmans. Mais, la fatiya, ils ont le temps de la bûcher, inch Allah. Pour le moment la Qibla, c’est du côté de la discothèque qui offre la meilleure musique branchée, le meilleur vin et où on rencontre des filles branchées et dévergondées qui ne demandent que d’être saoulées dans de la bière ou du champagne… pour mieux atteindre le 7e ciel !
Eskèye ! Voilà l’avenir du Mali en action dans l’indifférence presque… générale !
Bolmouss LE REFLET

Djibril Coulibaly

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