Le chef de l’ONU a exprimé mardi sa préoccupation concernant la situation sécuritaire et humanitaire dans la région du Sahel. « Je crois que l’on fait face dans la région du Sahel à une situation extrêmement difficile et extrêmement tragique », a déclaré mardi le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, lors d’une conférence de presse à Genève, en marge du Forum mondial sur les réfugiés.
La région du Sahel – en particulier le Mali, le Niger et le Burkina Faso, est désormais visée par des attaques de plus en plus répétées, ciblées et meurtrières de groupes djihadistes. La région est également confrontée aux conséquences du changement climatique qui a aggravé « le rapport traditionnel entre éleveurs, en général peuls, et agriculteurs », mais aussi entre groupes ethniques et religieux différents, créant ainsi un contexte aggravant les conflits et facilitant l’implantation du terrorisme. Une situation qui s’est traduite naturellement par « une croissance tragique du déplacement interne et externe avec des difficultés croissantes de réponse », a dit le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. « C’est une grande préoccupation », a-t-il insisté.
De son côté, le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a fait savoir que l’insécurité se traduit déjà dans une augmentation des déplacements. « C’est clair, c’est comme le baromètre de ces crises », a martelé M. Grandi. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a fait état de beaucoup de déplacements à l’intérieur des pays du Sahel tels que le Burkina Faso. « On a déjà vu des réfugiés qui vont vers les États côtiers, pas beaucoup, mais c’est déjà un symptôme et c’est pour ça que c’est important que cette crise soit traitée en priorité », a souligné le Haut-commissaire.
Fin novembre, le HCR avait fait part de sa préoccupation concernant les 500.000 personnes déplacées au Burkina Faso suite à la recrudescence d’attaques violentes commises par des milices à l’encontre des militaires et des civils. Selon l’agence onusienne, environ 300.000 personnes ont été déplacées dans le pays rien qu’au cours des quatre derniers mois. Le nombre de personnes déplacées au Burkina Faso pourrait atteindre 650.000 d’ici la fin de l’année.
Au Mali voisin, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a indiqué que le nombre de personnes déplacées a plus que doublé depuis le début de l’année. Près de 200.000 personnes déplacées ont été enregistrées dans le pays. Ils étaient environ 80.000 personnes l’année dernière. En outre, environ 139.000 Maliens se sont réfugiés dans les pays voisins. Selon OCHA, cette augmentation des déplacements forcés est due à l’insécurité persistante liée aux conflits dans la région Mopti et au Liptako Gourma, région frontalière du Niger et du Burkina Faso. Plus de 60% des personnes déplacées internes sont installées dans les régions de Gao et Mopti.
Les organisations humanitaires assistent non seulement « à une dégradation du point de vue sécuritaire », mais également à un manque d’investissements en matière de développement. « Et l’action humanitaire devient de plus en plus difficile pour des raisons de sécurité », a souligné M. Guterres.
Par ailleurs, du point de vue strictement sécuritaire, c’est évident que la capacité sur le terrain – avec la combinaison de la MINUSMA, qui est une force de maintien de la paix au Mali, du G5 Sahel et de l’opération française Barkhane – est insuffisante face à la menace du terrorisme dans la région.
« Je me suis battu pour que le G5 Sahel puisse avoir été conçu avec un mandat plus fort et avec un financement garanti. Malheureusement, le G5 Sahel dépend de contributions volontaires et a des vulnérabilités qui sont évidentes à ce moment-là », a fait valoir le chef de l’ONU.
Face à l’expansion du conflit dans la région du Sahel et la menace qu’elle pose aux régions côtières d’Afrique de l’Ouest, M. Guterres espère que la capacité de réponse puisse être revue avec « un système sécuritaire renforcé », soulignant, à cet égard, la « contribution positive annoncée par les pays de la CEDEAO». Mais le Secrétaire général de l’ONU a indiqué que la réponse sécuritaire ne suffit pas. Avant d’ajouter qu’il faudra « un plus grand investissement pour le développement et une action humanitaire renforcée».
K. Komi LE COMBAR