Avant la découverte des premiers cas positifs au coronavirus au Mali (le 25 mars 2020), elle était déjà à pied d’œuvre avec une seule ambition : aider les plus démunis à se protéger ! En effet, Awa Méité van Till fait partie de groupes de personnes qui font un formidable travail de sensibilisation en distribuant gratuitement des masques griffés «So Kadi», des savons, des bouilloires… aux familles démunies, aux enfants de la rue pour freiner la propagation du Covid-19 dans notre pays.
«On demande aux gens de se laver fréquemment les mains avec du savon. C’est ignorer que même payer un morceau de savon est un sacrifice énorme pour de nombreuses familles à cause de revenus presqu’insignifiants. Que vont faire ces gens ? Comment les enfants vivant dans la rue vont-ils faire pour se protéger contre cette terrible maladie» ? Ainsi s’interrogeait la styliste Awa Méité van Till quand la menace du Covid-19 est devenue imminente pour notre pays. Une inquiétude loin d’être feinte pour qui connaît l’engagement social de cette jeune et talentueuse dame à la créativité fascinante.
Et en plus de ses propres initiatives, elle avait aussi sonné l’éveil de la conscience citoyenne des artistes, des artisans… «Rap, soul, reggae, didadi, hip-hop, griot… Nous avons besoin de vous aujourd’hui pour sensibiliser sur le coronavirus. Il ne sert à rien de céder à la panique quand on peut prévenir en transmettant les bons messages aux populations dans nos langues. Faites le de chez vous et mettez le en ligne. Cela ne coûte rien et peut sauver nos vies», avait lancé Awa comme appel en début mars 2020.
Et naturellement le groupe «Chœur de Femmes», qui se produit fréquemment au «Festival Daoulaba» de la jeune styliste, a été le premier à répondre à cet appel citoyen. Et cela à travers des voix majeures connues et respectées comme celles de Mian Diarra (langue bwa), Kadidiatou Bah (peule), Kadi (dogon)… la rappeuse Ami Yèrèwolo, etc. Une mobilisation citoyenne contre le COVID-19 qui se veut aussi un trait d’union pour l’unité d’action et l’union des cœurs afin de tisser la paix entre Maliens de toutes les ethnies et de tous les bords.
Outiller les démunis et promouvoir le «Made in Mali»
Parallèlement, Awa Méité fabrique des masques avec des chutes de tissus. Ce qui lui permet de faire d’une pierre deux coups : aider les plus pauvres, donc les plus désarmés face à la pandémie, à se protéger tout en transformant le coton malien. Ce qui lui permet également de faire travailler et de faire vivre des artisans à travers la production de cache-nez et des masques en coton. Une autre manière pour la jeune dame de promouvoir le «Made in Mali». L’objectif étant de permettre à tous les Maliens de se protéger contre le Covid 19.
«Sauver des vies n’a pas de prix. Nous distribuons gratuitement nos masques réutilisables en coton made in Mali et demandons aux bonnes volontés de contribuer. Ces précieuses contributions, en plus de la production des masques de protection, nous permettent d’acheter du savon et des bouilloires pour permettre de se laver les mains autant que possible», nous explique-t-elle.
Son atelier produit quotidiennement 50 à 80 masques en coton qui sont ensuite distribués gratuitement aux populations depuis quelques semaines. Face à la difficulté des populations locales de se doter de masques chirurgicaux et de les changer régulièrement, elle a donc décidé de fabriquer des masques en coton qui peuvent être lavés, donc être réutilisés.
«Nous avons commencé à recycler les chutes de tissus en coton de mon atelier, à les laver et à en faire des cache-nez», explique Awa. Et d’ajouter, «comme le nombre était insuffisant, j’ai acheté du tissu en coton en gros pour que l’on puisse confectionner davantage de cache-nez… Il ne s’agit pas de masques chirurgicaux, mais de cache-nez en coton qui évitent à la personne, lorsqu’elle tousse ou éternue, de contaminer son entourage».
L’esprit «So kadi» perpétué
En plus de distribuer les masques, Awa et ses équipes interpellent également les populations au respect des mesures d’hygiène pour contrer le Covid19, dans le cadre d’une initiative citoyenne de sensibilisation baptisée «So Kadi» (se sentir mieux chez soi), une manière de les conseiller de rester à la maison.
«So Kadi» comme son film documentaire (So Kadi : «paroles de migrants, porteurs d’espoir») qui donne la parole aux migrants en rapportant leurs témoignages souvent émouvants et choquants. Mais, cette fois, «So Kadi» se décline en «actions locales et citoyennes» de lutte contre le COVID-19. «Toutes ces actions doivent contribuer à atteindre l’objectif qui est So Kadi, se sentir mieux chez soi», nous confie Awa Méité.
«A ceux qui n’ont pas de moyens, nous donnons, en plus des masques, du savon et une bouilloire pour leur permettre de se laver régulièrement les mains. Nous leur précisons aussi qu’ils doivent laver régulièrement leurs masques à l’eau très chaude avant de les réutiliser», confie la styliste engagée. Cette campagne d’information et de sensibilisation est également relayée par de petites vidéos de bonnes pratiques d’hygiène dans les langues locales du Mali (comme mentionné plus haut). Des réalisations qui sont ensuite partagées sur les réseaux sociaux.
Par cette initiative, Awa Méité van Till veut contribuer à contrer «les inégalités frappantes qui existent non seulement au Mali, mais dans plusieurs pays subsahariens, quand il s’agit de respecter les mesures d’hygiène contre le Covid19». En effet, en cette période de crise financière, il est difficile pour la grande majorité de la population de nourrir décemment sa famille à plus forte raison de respecter des mesures qui ne peuvent que grever les revenus.
Et surtout que, comme un peu partout dans le monde, notre pays a été vite confronté une pénurie (une rétention planifiée) des masques chirurgicaux dans les pharmacies entraînant du coup une flambée des prix sur le marché. Avec ses pertinentes initiatives contre le Covid-19, Awa Méité van Till est en train de restituer à la solidarité sa vraie valeur socioculturelle. Et la dynamique Awa ne se fatiguera jamais de nous rappeler que «la discipline est le secret de la réussite. Respectons les consignes données pour stopper le Covid-19». Et, elle nous rappelle une dernière fois avant de raccrocher, «n’oublions jamais de garder la distance barrière» !
Moussa Bolly