Ce qui avait été envisagé comme l’évènement politique majeur de ce mois de mars n’aura été au mieux qu’une fausse alerte. Ce vendredi 6 mars 2020, sera calme, un jour ordinaire de la semaine. Lorsque Moussa Kaou Djim, le porte-parole de Mahmoud Dicko, a dit haut et fort que Ibrahim Boubacar Keïta doit démissionner et que d’ailleurs les légions de citoyens qui sortiront ce vendredi suffiront à prouver que le pouvoir actuel est vomi par les Maliens, nul ne pouvait imaginer que, dans la foulée, la fracassante déclaration sera battue en brèche incognito.
En effet, en moins de 24 heures, sinon dans les heures qui ont immédiatement suivi, c’est Mahmoud Dicko lui-même qui annonça publiquement l’annulation de la manifestation programmée, au motif que le Chérif de Nioro le lui avait expressément demandé. Le coup que la C.M.A.S (Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de Mahmoud Dicko) a semblé avoir préparé avec une minutie qui sied aux grandes guerres venait de faire long feu. Un flop magistral qui a laissé plus d’un sur sa faim. La perplexité a gagné les coeurs, les esprits et les membres de tous.Par naïveté ou par enthousiasme patriotique, beaucoup avaient en effet cru en la détermination de Mahmoud Dicko pour déclencher une bataille épique qui ne pouvait se terminer que par la chute du pouvoir d’IBK, jugé coupable de tous les maux qui gangrènent la vie de la nation malienne. Les raisons avancées par l’ancien président du Haut Conseil Islamique du Mali avaient tellement convaincu l’écrasante majorité de nos concitoyens à se lever, enfin, pour écourter la durée d’un régime qui a tant échoué. Moussa Kaou Djim n’a d’ailleurs pas manqué de prolonger les échos des propos tenus par son mentor au palais de la culture le 29 février, à savoir que l’échec de la gouvernance d’IBK a mis le Mali à terre, qui est même devenu la risée dans la sous-région.Le peuple était donc conséquemment entré en ébullition, dans une quasi-transe, dans la perspective que ce vendredi sera le départ du compte à rebours pour la fin du pouvoir d’IBK. Les réseaux sociaux et toutes les plateformes qui se prêtent au relayement des messages citoyens ont vibré à une allure vertigineuse. Certaines personnes, croyant déchiffrer les messages codés des dieux, remuaient les fatidiques moments du mois de mars : 26 mars 1991, 12 mars 2012…et 06 mars 2020. Autant en a emporté le vent! Mahmoud Dicko apparaissant sur les écrans de l’Ortm dans la nuit du 4 mars, après l’annulation de sa convocation au tribunal de la commune V pour menaces à l’autorité de l’État et incitation à la violence, tiendra en plus des propos déroutants, s’efforçant de justifier ses dérapages verbaux lors du meeting du 29 février, en disant que ses propos ont été sortis de leur contexte pour des fins qu’il n’a nullement envisagées. Manifestement, même avec des efforts, on le sentait gêné aux entournures. Cette déclaration a été en tout cas mal reçue par l’opinion publique nationale, tant à l’intérieur que hors de nos frontières, qui se demandent toujours qui a bien pu extrapoler les paroles de Dicko, paroles choisies proférées par lui-même après des préparatifs minutieux de sa conférence de presse. L’avis général est que le Champion de la C.M.A.S a tout simplement capitulé pour des raisons inavouables. L’argument de M’Bouillé demandant de surseoir à une manifestation citoyenne et patriotique est pour beaucoup un raccourci trompeur. Sur les réseaux sociaux, les opinions sont plutôt à la fâcherie. Que Mahmoud Dicko ait obéi ou pas à M’Bouillé ou à Allah, peu importe ! Qu’il ait battu en retraite pour quelque chose de pourri au royaume…du Mali, voilà qui ne surprendrait pas outre mesure. Dicko a trop longtemps cheminé dans les allées du pouvoir où ses traces sont encore visibles. Mais tenir en haleine tout un peuple de cette façon et se défausser brusquement des prétentions mises en avant avec force arguments, cela peut souvent amener les évènements à prendre des tournures inattendues.
Bogodana Isidore Théra