Situé à Siribala à 75 kilomètres de Ségou sur la route de Niono, le nouveau complexe sucrier (Nouvelle sucrerie de Kala supérieur) s’apparente bien à un camp d’Auschwitz. A preuve, les conditions difficiles imposées par la direction ont déjà coûté la vie à deux personnes de l’unité industrielle. Informée par une source proche de cette usine, notre rédaction (qui en dépit de sa bonne volonté n’a pu rencontrer aucun responsable) s’est rendue à Siribala du jeudi 5 au samedi 7 mai 2016, voici son dossier exclusif.
Les visages émaciés, des éléments de Tolo Sécurité se présentent à nous en tenues déguenillées. Postés à l’entrée de l’usine, ils renseignent sur la galère qui règne à l’intérieur de cette nouvelle sucrerie de Kala communément appelée N-Sukala par les autochtones.
Et nos craintes seront confirmées par de jeunes gens qui, ignorant les raisons de notre présence, se chahutaient à propos de l’état actuel très dégradé des W-C. En réalité, cet aspect ne constitue qu’une partie immergée de l’iceberg.
Selon nos sources, le personnel de l’unité industrielle qui a commencé à travailler depuis décembre 2012, année de démarrage des activités, à travers des essais (qui n’en finissent pas) ne sait plus à quel saint se vouer. Pourtant, il s’est battu pour décrier auprès de qui de droit ses conditions de travail presque infrahumaines.
Mais, à ce jour, rien n’a bougé positivement. Les travailleurs que nous avons rencontrés discrètement à Siribala, affirment que sur les 9 composantes de l’usine seules six personnes sont inscrites à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) sur un effectif de 700 travailleurs. Les autres ne le sont que verbalement, car ils n’ont jamais eu leur carte d’assuré social. « Par contre, au niveau de l’administration, constituée des patrons et de leurs parents, tout le monde est souscrit à l’INPS », souligne un jeune homme. « D’ailleurs, rares sont ceux qui ont un contrat », ajoute un autre.
Or, à les en croire, les cotisations au titre de la sécurité sociale sont prélevées mensuellement sur leurs salaires (dont une copie nous a été exhibée). « On nous donne ces bulletins en fonction de l’humeur d’Adama Bolézogola, le directeur des ressources humaines qui trouve toujours des excuses, arguant une pénurie de papiers », soutient notre interlocuteur qui a requis l’anonymat. « Est-ce normal ? », s’interroge-t-il, l’air hagard.
Certains travailleurs de N-Sukala, soucieux d’en savoir plus, affirment s’être rendus à la direction régionale de l’INPS et à l’Inspection régionale du travail à Ségou. « Dans ces deux structures, nous avons été traités comme une balle de ping-pong. Non édifiés, nous sommes retournés à Siribala », laissent-il entendre.
À ce sujet, M. Bolézogola que nous avons eu au téléphone, il y a environ un mois, affirmait que son usine emploie plus de 1000 personnes pour une cotisation mensuelle versée à l’INPS qui atteint 70 millions F CFA. L’INPS est interpellé ?
D’autre part, comment explique-t-on les victimes d’accidents de travail (qui ont lieu généralement à l’atelier de pressurage, à la chaudière et dans les plantations de cannes à sucre) dont les victimes ne reçoivent que les premiers soins à l’infirmerie de N-Sukala ? Pourquoi cette infirmerie aussi manque de simple alcool ?
Sans pitié
Selon toujours nos sources, il y a eu récemment deux accidents qui resteront gravés dans la mémoire des habitants de Siribala. En effet, une machine s’est renversée sur le jeune Jean Diarra qui la manipulait le tuant sur le coup.
A son enterrement auquel étaient présents un Chinois et Bolézogola, seule une enveloppe contenant 100 000 F CFA aurait été remise à son père Marcel qui, nous a-t-on raconté, avait tenté de se suicider en se jetant dans un puits n’eut été l’intervention de bonnes volontés. Aussi, Awa Sidibé, une femme enceinte, qui travaillait dans le champ de cannes à sucre (comme ramasseuse) en vue d’avoir le moyen d’acheter son trousseau de mariage a mortellement été percutée par un camion.
En dehors d’une somme symbolique, aucune victime d’accident n’a bénéficié d’une quelconque prise en charge à fortiori d’une indemnisation. Tout est camouflé ! Le hic, c’est que le maire, le député de la circonscription et les autorités administratives et sanitaires font croire qu’ils ne sont au courant de rien.
Aujourd’hui, toute la région de Ségou sait que les Chinois de N-Sukala, protégés et encouragés par leurs collègues maliens, foulent aux pieds les droits les plus fondamentaux des pauvres qui font un travail titanesque et de haut risque juste pour avoir leur pitance. C’est ainsi que cette sucrerie de Kala supérieur ressemble bien à Auschwitz, le plus grand des camps nazis édifié en 1940 sur l’ordre d’Heinrich Himmler.
Tenez-vous bien, la rotation sept jours sur sept des différentes équipes au niveau des unités de production est harassante. Les journaliers montent de 16 h à zéro heure et de 8 h à 16 h soit huit heures de travail sans pause. Tenaillés par la faim, les faibles se contentent de sucer les sucs des tiges de cannes à sucre qu’ils ramassent à même le sol. Aussi, ils ne disposent d’aucun outil de protection.
Soucieuse de livrer de l’information saine à son lectorat, notre rédaction s’est rendue à Siribala du jeudi 5 au samedi 7 mai 2016. La direction de la sucrerie n’a pas daigné accorder la moindre importance à notre démarche déontologique. Pourtant, c’est le 16 mai prochain que le conseil d’administration de cette usine doit se tenir, cette année, en Chine comme le prévoit le calendrier rotatif.
Au cours de cette séance, la nomination d’un nouveau directeur général adjoint (en remplacement de Modibo Kane Traoré) est attendue comme un messie. C’est pourquoi, celui-ci multiplie ces derniers temps ses mouvements aussi bien en brousse qu’en ville afin de se consolider.
Pourquoi Adama Bolézogola, le directeur des ressources humaines de N-Sukala a-t-il été pourchassé par les habitants de Dougabougou ? Comment Modibo Traoré (le DGA) et Bolézogola qui ne s’entendent pas, veulent-ils rouler les Chinois dans la farine en espérant prendre leur relève ?
Affaire à suivre
Dougoufana Kéita INFO SEPT | lecombat.info