Interrogé par jeune Afrique, le Président français, Emmanuel Macron s’est expliqué sur plusieurs sujets. Entre autres, la restitution du patrimoine africain, fin du franc CFA, lutte contre le terrorisme, relations entre la France et l’Afrique. Même s’il tente de montrer les bonnes intentions de la France, celles-ci n’ont jamais convaincu les Africains qui vivent toujours l’impérialisme français sous d’autres formes qui rappellent le passé colonial de la France.
À la question de savoir qu’est-ce qui a changé trois ans après son discours prononcé à Ouagadougou. Il répond : « J’ai lancé plusieurs chantiers. Le premier était un tabou : la restitution du patrimoine africain. Nous avons fait des gestes très concrets à l’égard du Sénégal, du Bénin ou de Madagascar notamment.
Mais surtout un texte de loi qui, pour la première fois, permet non pas simplement de transférer momentanément une œuvre, mais de la restituer, et cela grâce au travail intellectuel, artistique et politique profond demandé à Bénédicte Savoye et Felwine Sarr. Les générations contemporaines africaines ont besoin de comprendre, de toucher, de posséder leur histoire, de se la réapproprier. Le rapport Sarr-Savoye a été extrêmement ambitieux, et il a ouvert beaucoup de débats partout en Europe et dans le monde. Ils ont fait un travail remarquable, qui nous a permis d’avancer.
Le deuxième était la fin du franc CFA. Cette réforme importante, conclue par un accord signé lors de mon dernier voyage en Côte d’Ivoire, met fin à un marqueur très symbolique qui alimentait beaucoup de fantasmes et de critiques. Nous voulons également impulser une nouvelle dynamique dans la relation économique qui unit la France et le continent, à travers la plateforme Digital Africa, mais aussi grâce au sommet des financements pour l’Afrique que nous organiserons en mai, à Paris ».
Sur le sentiment anti-français qui se développe au sein des pays francophones. Il l’explique par des attaques aux autres puissances, selon lui, qui seraient derrière cette manœuvre. « Pendant des décennies, nous avons entretenu avec l’Afrique une relation très institutionnelle, en passant par les chefs d’État en fonction et par des entreprises bien installées. Ce faisant, le ressentiment a pris une certaine place.
Mais il y a également une stratégie à l’œuvre, menée parfois par des dirigeants africains, mais surtout par des puissances étrangères, comme la Russie ou la Turquie, qui jouent sur le ressentiment postcolonial. Il ne faut pas être naïf sur ce sujet : beaucoup de ceux qui donnent de la voix, qui font des vidéos, qui sont présents dans les médias francophones sont stipendiés par la Russie ou la Turquie », affirme Macron. Ce dernier estime qu’« entre la France et l’Afrique, ce doit être une histoire d’amour. Notre pays a été présent sur le continent à la fois à travers le commerce triangulaire, des conflits dès le début du XIXe siècle puis des guerres coloniales. Cette histoire est là. Nous en sommes les héritiers. En avons-nous été les acteurs ? Non. Cette histoire a-t-elle été reconnue ? Oui, même s’il y a encore un travail historiographique en cours. Mais nous ne devons pas rester prisonniers de notre passé. Ce serait terrible ». Et d’ajouter : « Moi, j’ai toujours eu un discours de vérité, pleinement assumé, à l’égard de cette histoire. Partout où la France a été présente, elle s’est mêlée. Elle a aussi été le pays de la créolisation, du métissage, des mariages mixtes ».
Sur la stratégie militaire française au Sahel et l’opération Barkhane qui sont de plus en plus critiquées, Macron n’est pas pour un dialogue avec les terroristes. Mais aussi, pense-t-il qu’il faut une rencontre semblable à celui de Pau en tenue en janvier dernier. « Je le dis et le redis : l’opération Barkhane a été, après Serval, une demande explicite des pays souverains de la région. La France n’est là que parce que le Mali, le Niger, le Burkina Faso l’ont demandé, avec le soutien du Tchad et de la Mauritanie – soit les cinq États membres du G5 Sahel.
En janvier dernier, à Pau, nous avions réorienté les choses, en affirmant que nos priorités opérationnelles étaient la zone des Trois frontières et l’EIGS [État islamique dans le Grand Sahara]. Cette stratégie a eu des résultats puisque nous avons réussi à très fortement affaiblir ce groupe et à neutraliser plusieurs de ses dirigeants. Encore récemment, nous avons mené des opérations à fort impact dans la zone des Trois frontières et plus au nord, au Mali.
Nous avons plusieurs objectifs. D’abord, nous recentrer vraiment sur nos ennemis, l’EIGS et les groupes strictement terroristes. Ensuite, accélérer la montée en puissance des armées du G5 Sahel. Enfin, internationaliser notre présence – ce que nous faisons avec la task force Takuba et ce que nous avons constamment fait avec nos partenaires européens.
Dans les prochains mois, j’aurais des décisions à prendre pour faire évoluer Barkhane. Mais j’ai besoin d’une réitération claire du souhait de nos partenaires de voir la France rester à leurs côtés.
Le président Ibrahim Boubacar Keïta a été renversé en août dernier. Les nouvelles autorités maliennes vous semblent-elles à la hauteur ?
Cela n’a échappé à personne : la transition en cours est militaire, pas démocratique. Notre rôle a été, en lien avec les dirigeants africains, de tout faire pour qu’elle soit la plus courte possible avec un engagement d’élections. C’est ce qui a été acté.
Il y a désormais au Mali un président, un Premier ministre et un gouvernement de transition, ainsi que des échéances qui paraissaient acceptables pour tout le monde. Je n’ai donc pas de jugement à porter. Je constate simplement que les autorités de transition ont réitéré leur volonté de lutter avec efficacité contre le terrorisme ».
Sur les troisièmes mandats de Alpha Condé, Alassane Ouattara… suite à des modifications constitutionnelles, Macron explique le silence de la France par le fait que son pays « n’a pas à donner de leçons. Notre rôle, c’est d’en appeler à l’intérêt et à la force qu’a le modèle démocratique dans un continent de plus en plus jeune. L’Afrique a intérêt à construire les règles, les voies et les moyens pour avoir des rendez-vous démocratiques réguliers et transparents ».
« Après, ce n’est pas à moi de dire : « La Constitution doit prévoir x ou y mandat ». Je rappelle que la France elle-même, jusqu’il y a douze ans, n’avait pas de limitation du nombre de mandats dans sa Constitution ».
La Rédaction