Connu par sa force de frappe et sa force de pénétration inégalables, Baraka reste cet avant-centre d’une rare qualité qui a fait les beaux jours de l’As Réal de Bamako et de l’équipe nationale du Mali des années 1980. De ce gaucher insaisissable doté d’une précision légendaire face au but, les souvenirs évoquent la terreur des défenseurs et des portiers qui le reconnaissent comme un renard de surface avéré. Trapu, puissant, vif, technique, précis, agile….les qualités ne manquent pas pour évoquer ce buteur à forte personnalité qui n’est pas sans rappeler, face à certaines situations, un certain Romario Da Souza Faria, le mythique avant-centre brésilien référencé comme l’un des plus grands attaquants de tous les temps.
En 1985, suite à un incident entre les dirigeants, l’encadrement et les joueurs, l’as Réal de Bamako a perdu le trésor qui a pris la relève des Salif Keïta dit Domingo, Idrissa Touré dit Nani, Ousmane Traoré dit Ousmanebléni, Bakary Bakayoko, Idrissa Maïga dit Métiou. Il s’agit de la génération de Beïdy Sidibé dit Baraka, Ousmane Doumbia dit Man, Amadou Vieux Samaké, Idrissa Tangara dit GMC, Souleymane Diakité dit Accra, Mamadou Coulibaly dit Benny, Adama Fofana dit Agni et autres. Ces jeunes ont donné en leur temps plus de renom aux Scorpions de Bamako. Malheureusement, ils se sont dispersés entre les différents clubs. Certes les Tiémoko Traoré dit Zembla, Papa Coulibaly, Vieux Diallo, Moussa Keïta dit Dougoutigui, Boubacar Fofana, Adama Traoré dit Adama boxeur ont fait de leur mieux pour maintenir le cap. Mais ont-ils égalé leurs ainés ? C’est là toute la question. Nous avons rencontré un homme de cette génération intermédiaire de l’as Réal de Bamako, qui a pris la relève après le départ des Salif Keïta dit Domingo, Nani, Ousmanebléni et autres. Il s’appelle Beïdy Sidibé dit Baraka. Tous ceux qui l’ont connu sur le terrain retiennent de lui un joueur discret, discipliné et plein de talents. Ses collègues de l’Inps se rappellent de son humanisme et surtout d’un défaut ou d’une qualité, selon l’analyse qu’on en fait, c’est à dire qu’il est moins bavard. A tort ou à raison, cela a beaucoup influé sur notre entretien. Parce que Baraka ne parle pas beaucoup et se contente de donner des réponses courtes.
Pourtant avec ses amis Sory Kourouma, Bourama Traoré dit Allah ka Bourama, Mamadou Guindo, Yacouba Diarra, Mamadou Diané, il est plus à l’aise. Et quand nous l’avons rencontré dans son domaine privé à Kalabambougou, nous avons cherché à savoir les raisons de cette timidité et cette discrétion. Baraka soutient que c’était plutôt sa stratégie, parce qu’il ne suffit pas de savoir bien jouer, mais avoir l’intelligence de bien choisir sa zone pour assommer l’adversaire au moment où il s’y attend le moins. Pour appuyer cette thèse, Baraka nous rappelle les buts anthologiques qu’il a marqués lors des finales de coupe du Mali contre le Djoliba en 1980, et contre le Stade malien en 1986. Si Baraka avoue très sincèrement qu’il doit la réussite de sa vie au football, il n’oublie pas cependant ses mauvais souvenirs qui demeurent les finales ratées en coupe du Mali contre les Rouges de Bamako en 1981 et contre le Stade malien de Bamako en 1986. Toujours précis dans ses réponses, Beïdy Sidibé dit Baraka se réserve de faire une comparaison entre sa génération et celle d’aujourd’hui. Mais il pense que les choses ont changé parce que pour réussir il faut aimer ce qu’on fait et le reste viendra après. Bref, leur secret : le vouloir et l’envie. Aujourd’hui, l’argent a révolutionné le football et le sens patriotique est parfois entravé par des revendications liées aux primes de matches. En leur temps, cela n’existait pas et leur génération a évolué dans un état d’esprit patriotique élevé. Ayant deviné le sens ou la portée de notre question relative à son éloignement des terrains après sa retraite, Baraka dit que certes il fait le même «grin» que Sory Kourouma, mais ils n’ont pas la même explication pour leur silence par rapport au milieu sportif. Comment ? Baraka s’explique «Sory a dit que son éloignement s’explique par le fait que les terrains de football sont devenus des lieux où on s’attaque à coup de machette. Pour moi, c’est depuis le temps où je jouais. Je ne partais au stade omnisports que lorsque mon équipe jouait. Cette habitude s’est cultivée en moi, donc à la fin de ma carrière, cela m’a aidé à m’effacer. C’est vrai que je n’ai pas cherché à être dirigeant, sinon je vais au stade quand mes neveux Mamadou Sidibé dit Makaye de l’as Police et Bourama Sidibé dit Flo des Onze Créateurs, aujourd’hui transféré au Stade malien de Bamako, jouent. Et cela, pour leur donner des conseils par rapport à leur façon de jouer».
Au-delà du fait qu’il soit invisible dans le milieu sportif, Beïdy Sidibé dit Baraka regrette le manque de politique des jeunes. Ce qui met les équipes en difficulté pour assurer la relève des différentes générations. Si non, lui Baraka, né en le 14 janvier 1956 à Bamako, comme tous les enfants de la capitale, a commencé à jouer au football dans son quartier. Il n’a connu qu’un seul club à Bozola, Blouson Noir, où il a passé trois ans 1972- 1973- 1974, avant de rejoindre la même année l’As Réal de Bamako. Avec les Scorpions, il a atteint le sommet de sa carrière, avec une coupe du Mali en 1980, des sélections à l’équipe nationale du Mali, et surtout un emploi à l’Institut national de prévoyance sociale (Inps). Ce qui lui a permis de tout avoir pour assurer aujourd’hui son indépendance. A l’Inps, il partageait le même bureau que Sory Kourouma dit Remetter, ex gardien de but du Djoliba. Ce qui explique d’ailleurs leur amitié, leur complicité, jusqu’au jour d’aujourd’hui où ils passent quasiment la journée ensemble. A la question de savoir si c’est cette familiarité avec Remetter qui lui permettait de le surprendre, Baraka, en bon petit frère, fait un coup d’œil à Sory Kourouma et se contente de dire qu’il savait seulement là où se placer pour marquer des buts.
C’est seulement en 1985 que Baraka a quitté son club de cœur pour le Djoliba, suite à une crise interne. Là aussi, Beïdy reconnait avoir bénéficié d’un soutien conséquent des dirigeants. Sa carrière a pris fin en 1992, après être retourné au Réal grâce aux sollicitations de Salif Keïta dit Domingo et feu Ousmane Traoré dit Ousmanebléni. Dans sa retraite dorée, l’enfant de Bozola regrette une seule chose : le fait de n’avoir jamais reçu le soulier d’or qu’il a décroché en 1988, pour avoir été meilleur joueur du championnat. Comme il le pense, c’est des aléas liés à toute activité sportive. Ce qui le convainc à prendre, au-delà de sa déception, les choses avec philosophie.
O Roger Sissoko
(Aujourd’hui Mali)
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