Ces deux jours de heurts ont été déclenchés par une énième arrestation du populaire chanteur Bobi Wine, candidat à la présidentielle de janvier 2021.
Seize personnes ont été tuées en Ouganda dans deux jours de heurts déclenchés par une énième arrestation du candidat à la présidentielle de janvier 2021, le populaire chanteur Bobi Wine, et la situation restait tendue et chaotique, jeudi 18 novembre, à Kampala.
« Le bilan est désormais de 16 morts et 45 blessés, certains grièvement », a déclaré le chef de la police de la métropole de Kampala, Moses Kafeero. Un précédent bilan policier faisait état de sept morts. « Environ 350 personnes ont été arrêtées pour des actes de violences, tels que pillages, destructions de biens, perturbation de la circulation, vols et vols avec violence durant les émeutes », a-t-il ajouté.
Jeudi soir, des détonations continuaient d’être entendues à Kampala, selon un correspondant qui a vu dans certains quartiers de la capitale des pillards dérober les affaires d’automobilistes avant que la police n’intervienne en ouvrant le feu.
La police tire « des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes » pour disperser « des émeutiers [qui] allument des feux dans les rues, dépouillent ceux qui circulent et s’attaquent à des magasins », a expliqué dans la soirée M. Kafeero.
Des habitants de Kampala ont raconté s’être fait voler téléphones portables, argent et sacs à main, après avoir été arrêtés à des barrages par des hommes masqués réclamant de l’argent, prétendument pour payer les frais d’avocats de Bobi Wine.
La campagne électorale bat son plein avant un scrutin présidentiel où le député d’opposition et star de la chanson de 38 ans sera le principal adversaire de Yoweri Museveni, 76 ans, au pouvoir depuis 1986.
La Croix-Rouge avait indiqué, tard mercredi, avoir traité des dizaines de blessés, dont 11 par balles après plusieurs heures d’affrontements à Kampala entre policiers et jeunes manifestants fous de colère après avoir appris l’arrestation de leur champion.
Robert Kyagulanyi, de son vrai nom, a été arrêté mercredi à Jinja (Est), où il faisait campagne, pour avoir, selon la police, violé les mesures de lutte contre le coronavirus lors de ses rassemblements. Les heurts ont également touché cette ville ainsi que, fait notable, d’autres centres urbains du pays.
Evanoui en prison
Fortement déployée jeudi à Kampala, la police a dispersé dans la journée, par des tirs de gaz lacrymogène, tout début de rassemblements. Dans certains quartiers, des tirs sporadiques ont résonné et des habitants restaient cloîtrés. A Jinja, un groupe de supporteurs de Bobi Wine restait campé devant la prison de Nalufenya, où l’opposant était toujours détenu jeudi soir.
Le leadeur de ce groupe, Muhammad Ssegirinya, candidat à la députation en 2021 sous la bannière de la Plate-forme d’unité nationale de M. Wine, a été arrêté jeudi après avoir publié un enregistrement audio affirmant que l’opposant se serait évanoui en prison et allait être transféré à l’étranger pour traitement.
Patrick Oboi Amuriat, un autre des 11 candidats à la présidentielle prévue le 14 janvier, a également été arrêté mercredi à Gulu (Nord), puis relâché le soir même, sans être poursuivi.
Jeudi, 33 personnes ont été déférées et inculpées pour « incitation à la violence contre la police » et placées en détention provisoire, à l’exception de deux mineurs, libérés sous caution, selon les services judiciaires.
Appel aux « bonnes volontés »
Deux candidats, Henry Tumukunde et Gregory Mugisha Muntu, ont suspendu leur campagne électorale pour protester contre ce qu’ils ont qualifié de violence policière contre l’opposition. M. Museveni n’a pas commenté les manifestations mais a posté, jeudi matin, le programme de sa journée de campagne électorale dans la région de Karamoja (nord-est).
Le quotidien gouvernemental New Vision a publié sur Twitter une vidéo montrant de très nombreux partisans du chef de l’Etat se rassemblant pour l’accueillir, sans respect des consignes sanitaires.
Le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, a rappelé jeudi « la nécessité de fournir aux gens un espace d’expression, que ce soit par des manifestations ou un processus démocratique ».
Il a appelé « les institutions étatiques, particulièrement les forces de sécurité, à agir dans le respect des droits humains » et toutes les parties « à faire en sorte que les élections soient pacifiques ».
Le régime du président Museveni a montré, ces derniers mois, de nombreux signes de nervosité à l’encontre de Bobi Wine, arrêté ou assigné à résidence à de nombreuses reprises depuis 2018. Il avait ainsi été arrêté une énième fois début novembre, immédiatement après avoir déposé sa candidature à la présidentielle, au motif qu’il projetait un rassemblement illégal.
Elu député en 2017, Bobi Wine est devenu le porte-parole d’une jeunesse ougandaise urbaine et souvent très pauvre qui ne se reconnaît pas dans le régime vieillissant du président Museveni.