Décidemment, c’est la saison des lettres au Mali. Après celle de la Cour Constitutionnelle adressée au Président de la République, c’est au tour de l’ex première Dame, Adame Ba Konaré, de jeter des cailloux dans le jardin du Comité Exécutif, C.E, de l’ADEMA-PASJ. Elle a réagi au communiqué du Comité Exécutif consécutif aux malheureux événements qui ont occasionné la mort d’au moins 23 personnes. Madame Adame Konaré, en sa qualité de membre fondatrice, de Présidente d’honneur et de militante tout court de l’ADEMA PASJ, a non seulement condamné l’attitude de ses camarades, mais aussi et surtout, s’est désolidarisée de ce communiqué qui ne semble pas être à la hauteur de la gravissime crise sociopolitique et surtout des graves bavures des forces de l’ordre qui ont tiré à balles réelles sur des manifestants aux mains nues.
Les membres du CE ne devraient-ils pas tirer tous les enseignements de cette lettre pour changer de fusil d’épaule ? Mme Adame Bah Konaré n’a-t-elle pas eu l’audace de dire plus haut ce que l’opinion nationale et même les militants et cadres du parti murmurent plus bas ?
Chacune des rares sorties de cette ex première dame est un cours de science politique, de morale et d’éthique aux cadres et militants de son parti, mais aussi à toute la jeunesse consciente du Mali. Dans sa lettre du 17 juillet 2020, adressée au CE, elle s’est non seulement désolidarisée du communiqué fait par ses camarades, mais aussi et surtout leur a rappelé les sacrifices qui ont été ceux du vaillant peuple malien pour l’avènement de la démocratie. L’épouse d’Alpha Oumar Konaré s’est indignée et a du mal à cautionner qu’un régime qui se dit démocratique puisse tirer à balles réelles sur des manifestants. Pour elle, cette attitude devrait être condamnée avec la dernière énergie au lieu de se scandaliser pour les dégâts matériels. Elle semble dire en filigrane que la démocratie est en passe d’être confisquée avec la complicité de ses camarades.
Pour Adame Bah Konaré, les manifestations des 10, 11 et 12 juillet 2020 qui ont été réprimées dans le sang par le régime, avaient un caractère pacifique et démocratique et il est inconcevable qu’on puisse utiliser des balles réelles face à des manifestants aux mains nues. Pour l’ex première dame, l’ADEMA qui devrait être la vitrine de la démocratie ne devrait pas faire un tel communiqué qui est à la limite un soutien au régime IBK qui tue son peuple. Elle ne voudrait pas que le parti ADEMA continue à être la risée des autres partis par la faute de ses cadres. Au-delà de l’indignation, elle en appelle au patriotisme et au sens élevé de la responsabilité.
Au lieu de s’inspirer des sages conseils contenus dans cette lettre, d’un style combien de fois soigné, et d’une grande richesse en vocabulaire, les perroquets du régime et du parti s’adonnent à des invectives, souvent sans même comprendre la quintessence de cette correspondance écrite de mains de maître. A-t-elle réellement menti sur ses camarades ? La réponse est non, rien qu’à en juger par la posture prise par l’ADEMA depuis 2002 avec Amadou Toumani Touré. En effet, au lieu d’élaborer un minimum de programme commun avec ATT avant tout soutien à son régime, l’ADEMA s’est plutôt remis au nouveau prince pieds et mains liés sans garde fous ni préservation des acquis du parti. Les conséquences ont été l’affaiblissement du parti et sa perte de popularité, malgré le bilan élogieux de 10 ans de gouvernance, faute de porteur. La suite est connue, l’ADEMA a fini par payer un lourd tribut quand le régime ATT a chuté à la suite d’un coup d’Etat. C’est à l’ADEMA que l’opinion a attribué tous les errements du régime ATT, au point que le candidat du parti a été sanctionné en 2013 avec seulement 9 %. Cette déculottée au lieu de servir de leçon aux abeilles pour aller à l’opposition avec les autres partis du Front pour Sauvegarde de la Démocratie et de la République, FDR, front anti putsch, elles sont allées rasées le mur encore avec IBK. Sans un minimum de vision ou de programme commun de gouvernance comme cela sied bien dans toute bonne alliance, le parti de l’abeille a suivi encore comme du temps d’ATT, IBK moyennant quelques porte feuilles ministériels et directions. Si avec ATT le parti avait encore gardé une certaine aura et jouissait d’un certain respect et d’une certaine considération, avec IBK c’est le mépris et surtout la course pour le poste et pour cela on est prêt à toutes les compromissions pour y parvenir d’où la grande frustration au sein de la ruche.
En somme, Adame Bah Konaré invite ses camarades du CE ADEMA à regarder dans le rétroviseur de l’histoire, tout en se rappelant des martyrs qui ont accepté le sacrifice ultime pour qu’il y ait la démocratie. Elle demande enfin aux membres de la CE de faire leur introspection et surtout de prier pour les victimes des manifestations des 10, 11 et 12 juillet 2020, qui sont des martyrs de trop pour notre démocratie chèrement acquise.
Youssouf Sissoko