Alors que la force conjointe militaire du G5 Sahel peine à devenir opérationnelle faute de financement, l’annonce de l’Arabie Saoudite de contribuer à 100 millions d’euros, représente une véritable bouffée d’oxygène. L’annonce fut faite le mercredi 13 décembre dernier lors d’un sommet pour l’opérationnalisation de la force militaire, présidée par le président Macron. Riyad, entend par là, se refaire une virginité sur la plan diplomatique et démontrer à la face du monde que les accusations de financement du terrorisme dont est victime le royaume, ne sont que pures diffamations.
Ils sont aux anges, comme dirait l’ancien président du Bénin Boni Yayi, les Chefs d’Etat des pays du G5 Sahel. Car, grâce au parrainage de la France, la force militaire conjointe est prête pour ses premiers pas sur le théâtre des opérations. Et l’Arabie Saoudite y est pour beaucoup. Avec ses 100 millions d’euros mis dans la cagnotte, le puissant Etat du Golfe devient le premier bailleur de la Force. Egalement, les Emirats Arabes Unis participent à la forte impulsion donnée en octroyant 30 millions d’euros.
Le royaume Wahhabite, présent au Sahel depuis de nombreuses années, vient donc là de renforcer davantage sa présence dans la région, tout en montrant au monde entier qu’il est innocent de toutes les accusations dont il est victime. Notons, tout de même, qu’il y a plus d’une trentaine d’années, la présence de l’Arabie Saoudite au Sahel se limitait essentiellement dans des projets caritatifs et de construction de lieux de culte. Et ce, dans le but de répandre sa vision de l’Islam, le wahhabisme, tout en contrecarrant l’Islam soufie, très largement implantée en Afrique de l’ouest. Aussi, rappelons que durant de nombreuses années, l’influence du royaume était telle au Mali, qu’il arrivait parfois qu’il se substitue à l’Etat central. Les fonctionnaires maliens sous la présidence de Moussa Traoré, auraient été payés, à de multiples reprises, par des capitaux saoudiens.
Une offensive sur le plan de la géopolitique et de la diplomatie
En réalité, cette contribution hautement salutaire, rentre dans la droite ligne de la nouvelle politique de l’homme fort du royaume : le prince héritier Mohamed Ben Salman, surnommé par la presse occidentale, MBS. Il est le porte-drapeau d’un plan visant à « révolutionner » les mentalités, d’abord dans son propre pays, et ensuite sur le plan international. Désormais, l’Islam prôné par l’Arabie Saoudite n’est plus le Wahhabisme, mais un Islam modéré ouvert aux religions. Déjà, sur le plan local, des traces sont visibles. En juin 2018, pour la première fois dans l’histoire du pays, les femmes seront au volant des voitures tout comme les hommes. Et, très bientôt, le cinéma fera son grand retour, après qu’il ait été interdit au début des années 1980, avec l’éclatement de la vague extrémiste dans le pays. Ainsi, une centaine de salles vera le jour dans mois à venir.
Mais, cette ouverture n’est pas sans résistance. D’ores et déjà, le clergé saoudien s’insurge face à de telles « dérives ». Le grand Mufti, autorité religieuse suprême, invite la famille royale à « ne pas ouvrir les portes du diable ». Une dizaine d’années auparavant, les prémices d’une telle ouverture se sont faits sentir, quand le défunt Roi Fahad eut un geste de clémence envers ceux qui sont tombés dans l’escarcelle du terrorisme. En échange d’une reddition, le terroriste était gracié, l’on lui trouvait un emploi digne et aussi, une bonne femme à marier.
En conclusion, cette « ouverture » est, tout de même, le signe d’une certaine prise de conscience de la part du royaume. Car, le pays est aussi victime du péril terroriste depuis 2003, année où Al Qaida lui déclara la guerre. Aujourd’hui, le royaume est plus que jamais menacé ; par les rebelles houthis du Yémen et par le terrorisme à l’interne. L’équation est simple, plus ils ont des alliés à l’international, plus vite ils arriveront à vaincre leurs ennemis.
Ahmed M. Thiam
thiam@journalinfosept.com
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