Les négociations enclenchées par l’Etat malien avec le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA), à la suite du report sine die de l’installation des autorités intérimaires de Tombouctou, confirme la position de faiblesse dans laquelle les décideurs de notre pays sont cloitrés depuis des lustres déjà. La contrainte qui fait du Gouvernement malien, la partie condamnée à ne jamais taper du poing sur la table, expose toute la crise malienne à un risque d’enlisement sans fin. On peut entrevoir, du coup, un échec dans les missions à venir que les autorités intérimaires sont censées remplir: celles relatives à l’organisation des prochaines élections et du retour des Refugiés maliens dans leurs zones.
Les imperfections de l’Accord de paix et de réconciliation nationale, signé par les acteurs de la crise malienne, se font de plus en plus perceptibles par ces blocages à répétition. Le dernier en date venant du CJA qui s’oppose militairement au parachutage «de Représentants de ces nouvelles autorités intérimaires venues de Bamako», la partie gouvernementale malienne ayant signé l’Accord doit se mordre les doigts pour n’avoir pas pu gagner le désarmement des ex-rebelles avant toute autre étape de la marche vers la paix. Toute situation qui se veut règlement pacifique d’une crise à la suite d’une médiation ayant mis aux prises des belligérants, doit disposer d’une structure de persuasion en prévision d’éventuels actes de violation des clauses de l’Accord obtenu. Tel n’a pas été le cas dans la résolution de la crise malienne où ni la médiation, ni les forces étrangères ; notamment, la MINUSMA et les forces Barkhane n’ont rien prévu de ce genre pour des situations à l’image du spectacle qu’offre ce fameux CJA à Tombouctou. Et, aujourd’hui, c’est ce mouvement dit congrès pour la justice dans l’Azawad qui montre ses muscles ; demain il peut s’agir d’un autre groupuscule qui monte aux devant de la scène pour se faire entendre pour un argument qui n’aurait peut-être même pas de sens. Ce, parce que tous se seront déjà rendus compte qu’avec des armes sur la tempe des acteurs en charge de la mise en œuvre de l’Accord, c’est le Gouvernement malien qui se plie d’une manière ou d’une autre à leurs exigences via des négociations au préalable. Nul n’ignore comment la Société Des Nations (SDN), créée au lendemain de la première guerre mondiale a lamentablement échoué dans sa mission de paix. Cela, c’était aussi par manque de force de persuasion devant éviter les violations des accords de paix qui ont fini par déboucher sur le second conflit mondial. Le bourbier malien s’apparente fort à ce cas de figure ; car, sur le chemin épineux vers la paix, chacun des groupuscules communautaires du Nord Mali se dit désormais qu’il peut donner de la voix pour se faire entendre sur n’importe quelle réclamation que ce soit.
Avec la certitude qu’on ne saurait jamais passer sous silence aucune de leurs doléances et tant qu’elles seront soutenues par les armes il y a de quoi se résoudre à narguer pour mieux profiter du gâteau en partage, quitte à faire perdurer les situations de blocage. Cette réalité, le Représentant de l’ONU, membre de la Délégation officielle qui n’a pas pu décoller, hier lundi, pour Tombouctou, en raison de la reprise des tirs là-bas, semble avoir du mal à l’admettre. A la sortie d’une mini-réunion de crise convoquée dans les salons de l’Aéroport de Bamako, le Représentant de l’ONU n’a pas caché sa déception. Un tel comportement est « inacceptable. On ne peut pas négocier et on ne négociera pas avec un pistolet sur la tempe». C’est loin d’être évident qu’il soit étranger à ces genres de situation dans le contexte malien. Il a beau être déçu mais la caravane de la négociation s’est encore ébranlée. Car, le Gouvernement malien paraît encore prêt à lâcher un peu de terrain. «Il n’est pas question de modifier la composition des autorités intérimaires, mais il est possible de compenser la représentativité à des niveaux inférieurs», a glissé un membre de la médiation, cité par RFI. En clair, les autorités intérimaires, déjà nommées, le sont au niveau régional. Celles-ci vont être investies, sans aucun doute, mais il y aura aussi des Représentants au niveau des cercles et des communes. Donc, en dessous du niveau régional. Ce qui permettrait de donner plus de Représentants au CJA contestataire et, donc, de compenser. Ce n’est, pour l’instant, qu’une piste de négociations. Négociations qui sont toujours en cours entre le Gouvernement et ce fameux groupe armé. Ce dernier peut d’ores et déjà se taper la poitrine d’avoir su utiliser une stratégie gagnante. Pour preuve, il y’aura des concessions de la part du Gouvernement ; il y en aura à coup sûr. Ainsi va cet Etat malien qui s’affaiblit au fil du temps sur l’autel de l’intégrité de son territoire.
Katito WADADA : LE COMBAT