La Constitution malienne du 25 février 1992, en déterminant le domaine de la loi en son Article 70, n’a pas prévu un statut autonome pour les enseignants. En effet, le statut des officiers ministériels (Notaires, Huissiers), le statut des professions juridiques et judiciaires, le statut du personnel des forces armées et de sécurité sont les seuls statuts autonomes prévus par la Constitution. Contre toute attente, SYNESEC, SYNEB, SYLDEF, SYNEFCT, SYPESCO, FENAREC ont décrété une grève de 216 heures au motif que le Gouvernement a refusé, conformément à la Constitution en vigueur dans notre pays, un statut autonome pour les enseignants.
Depuis le lundi 13 mars 2017, à travers les syndicats (SYNESEC, SYNEB, SYLDEF, SYNEFCT, SYPESCO, FENAREC), l’éducation des enfants est perturbée sur toute l’étendue du territoire national du Mali. Il n’y a plus de cours jusqu’au jeudi 23 mars 2017.
Dans une note d’information, le Département de l’Education a donné des précisions de taille par rapport à cette cessation de travail des enseignants. Il s’agit d’informer l’opinion nationale sur le point des négociations entre le Gouvernement et les syndicats de l’éducation nationale signataires de l’accord du 15 octobre 2016.
Historique
Dans le cadre de la gestion du préavis de grève de 216 heures déposé par les syndicats signataires du protocole d’accord du 15 octobre 2016 (SYNESEC, SYNEB, SYLDEF, SYNEFCT, SYPESCO, FENAREC), la Ministre du Travail et de la Fonction publique, chargée des Relations avec les Institutions, a mis en place une commission de conciliation suivant l’Arrêté n°2016-4810/MTFP-SG du 29 décembre 2016.
Les points de revendication contenus dans le préavis des enseignants sont au nombre de cinq. Il s’agit de l’adoption d’un statut autonome de l’enseignant ; de l’harmonisation des salaires des enseignants maliens sur ceux de la sous-région ; de l’augmentation de l’indemnité spéciale de responsabilité pour les enseignants des catégories A, B et C ; de la régularisation de la situation administrative et financière des camarades sortants de l’ENSUP (nouvelle formule) au même titre que ceux de l’ENI et de l’IPR-IFRA et de la conformité de la relecture de l’Arrêté n°3282 du 11 août 2016 avec les recommandations de la Lettre de protestation des différents syndicats.
A l’issue des négociations, les deux parties ont convenu de la mise en place d’un cadre de concertation (Gouvernement, syndicats, société civile et conciliateurs). Une commission chargée d’examiner la question du statut des enseignants ainsi que les primes et indemnités allouées aux personnels enseignants. Des propositions devraient ainsi être soumises au Gouvernement pouvant permettre de prendre une bonne décision.
Le forcing des syndicats à l’encontre de la Constitution malienne
En effet, la Commission mise en place par Décision n°2017-000686/MEN-SG du 8 février 2017 a tenu deux réunions au cours desquelles des divergences sont apparues entre les deux parties au sujet de la nature du statut.
Ainsi, les syndicats d’enseignants revendiquent l’adoption d’un statut autonome. Alors que, pour cela, il faut d’abord procéder à une révision de la Constitution en vigueur dans notre pays. Car, la Constitution malienne du 25 février 1992, en déterminant le domaine de la loi en son Article 70, n’a pas prévu un statut autonome pour les enseignants.
En effet, le statut des officiers ministériels (Notaires, Huissiers), le statut des professions juridiques et judiciaires, le statut du personnel des forces armées et de sécurité sont les seuls statuts autonomes prévus par la Constitution. Et ce sont les arguments que la partie gouvernementale a avancé en réponse à cette revendication.
Aussi, faut-il noter que la mise en œuvre de la politique de décentralisation, conformément à la Constitution, prévoit que la gestion des enseignants fonctionnaires des Collectivités Territoriales relève de la compétence des Présidents des organes exécutifs desdites collectivités. En application du Décret n°2015-0678/P-RM du 20 octobre 2015 fixant le détail des compétences transférées de l’Etat aux Collectivités en matière d’éducation, l’enseignement fondamental relève des Communes ; l’enseignement secondaire général relève du Conseil de cercle et les enseignements technique, professionnel et normal reviennent au Conseil régional. Ce qui revient à comprendre que l’attribution d’un « Statut autonome » à ce personnel serait, donc, un recul dans l’esprit de la politique de décentralisation.
Par ailleurs, l’adoption d’un « Statut autonome » au profit des enseignants contribuerait à vider le statut général des fonctionnaires et le statut des fonctionnaires des Collectivités Territoriales.
Les prétextes des syndicats
Aux arguments de la partie gouvernementale, les syndicats opposent un certain nombre d’éléments. Selon eux, un statut autonome leur avait été accordé par le Gouvernement en 1998 avant d’être abrogé en 2002 pendant que la Constitution était toujours en vigueur. Mieux, ils soutiennent toujours qu’un statut autonome est accordé aux Professeurs de l’enseignement supérieur, aux chercheurs, aux agents de la protection civile, aux agents de la Police nationale et aux agents des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée.
Pourtant, les syndicats devraient savoir, selon les textes, que l’enseignement supérieur est un corps hiérarchisé et autonome dans tous les pays de la Sous-région. Le Mali étant membre du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES) ne peut être en marge des dispositions prévues par cette organisation scientifique.
Force est, cependant, de faire remarquer que le qualificatif du « Statut » a été la principale cause de l’échec des négociations du premier préavis déposé au mois de novembre 2016. Ainsi, dans la perspective des dernières négociations, les deux parties ont convenu d’abandonner le qualificatif du « Statut » et de se référer aux conclusions des travaux du cadre de concertation. Toute chose qui a permis la signature d’un procès-verbal de conciliation dans lequel il est précisé que: «Le Gouvernement s’engage à donner un statut aux enseignants. Aucun aspect, dont la grille, ne sera occulté lors des travaux de la commission qui sera mise en place à cet effet au plus tard le 31 janvier 2017 ».
Cette commission a pour mission de réfléchir à tous les aspects liés au statut et de faire des propositions aux autorités compétentes.
Malheureusement, après deux réunions de la commission, les syndicats ont conditionné la poursuite de leur participation aux travaux du cadre de concertation à l’adoption d’un « statut autonome ». Ainsi, pour traduire cette volonté, les syndicats ont déposé un préavis de grève allant du lundi 13 au jeudi 23 mars inclus, avec rétention de notes, cela en violation des dispositions relatives à la loi n°87-47/AN-RM du 10 août 1987 axée sur l’exercice du droit dans les services publics.
Des éclaircissements de taille
Contrairement aux arguments avancés par les syndicats lors de leur meeting d’information du jeudi 2 mars 2017, le Gouvernement ne s’est jamais engagé à donner un statut autonome aux enseignants. Il a plutôt proposé de ramener les discussions d’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel enseignant dans le cadre des statuts particuliers existants. Mais les syndicats n’ont pas adhéré à cette proposition.
Par ailleurs, il est important de signaler que deux des syndicats (le SYNEB et le SYPESCO), dans leurs préavis de grève respectifs du 18 avril 2016 et du 10 octobre 2016, ont demandé la relecture et l’amélioration des statuts particuliers existants. Ce qui est pourrait conforter la proposition de la partie gouvernementale.
Oumar Diakité : LE COMBAT