C’était au lendemain d’une assise à Bamako que les Experts du comité provisoire de coordination des États généraux du franc CFA et des alternatives ont jugé nécessaire de rencontrer les médias afin de faire passer leur message sur l’inconvénient de l’usage de cette monnaie pour les pays africains. Un bilan avait été dressé à cet effet pour être soumis à l’appréciation des plus hautes autorités maliennes.
À travers la présente démarche de taille, les Experts du comité provisoire de coordination des états généraux sur le franc CFA à Bamako, ils étaient convaincus que la souveraineté d’un pays se mesure à plusieurs paramètres dont celui lié à sa monnaie. C’est pourquoi feu le Président Modibo Kéïta accordait, à son époque, une importance capitale à la souveraineté monétaire nationale du Mali nouvellement indépendant. Le bilan du CFA : «Cette monnaie n’a pas permis la transformation structurelle des économies des pays qui l’utilisent et les échanges intracommunautaires dans les zones CFA demeurent de l’ordre de 15% contre plus de 60% dans la zone euro. Arrimée à l’euro, elle est trop forte pour les économies qui utilisent le franc CFA ; car, elle agit comme une taxe sur les exportations et une subvention sur les importations. Elle nourrit la double répression monétaire et financière, du fait de la prééminence de l’objectif de défense du taux de change fixe avec l’euro, au détriment du financement de l’économie intérieure en zone franc », ont déclaré les membres de ce d’Experts. Les réserves de change déposées au Trésor public français, censé en théorie assurer la stabilité du système monétaire africain, empêchent nos États de réinvestir dans leurs propres économies dont nombre sont défaillantes. Ainsi, les pays qui utilisent le FCFA sont aujourd’hui en queue de peloton des indicateurs de développement humain (IDH) même si certains affichent des taux de croissance au-delà des 5%. Les billets et pièces CFA sont fabriqués exclusivement en France, nourrissant ainsi la persistance d’une sujétion vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale qui réduit fortement l’Indépendance de facto des États qui utilisent cette monnaie. La décision de l’Europe du 23 novembre 1998, exigeant d’être informée par la France de toute modification substantielle intervenant au sein de la zone franc, ajoutée à la tutelle française, celle de l’Europe, rend pratiquement impossible l’aboutissement heureux de toute initiative africaine en matière de gestion du dispositif monétaire relatif au CFA. La convertibilité du franc CFA avec le seul euro favorise les entreprises européennes, notamment les grands groupes français au détriment d’autres entreprises qui souhaiteraient investir en Afrique. Ce qui en soi constitue un frein à la concurrence libre et non faussée dont se targue pourtant régulièrement la Commission de Bruxelles. Enfin, cette convertibilité permet à une classe de nantis africains de déposer leurs pécules amassés plus ou moins légitimement dans les Banques européennes, sans réinvestir dans l’économie de leurs propres pays, traduisant un manque de confiance dans l’avenir de leurs pays tout en se préparant, en catimini, un parachute doré dans les pays occidentaux. C’est ce qui a pu être appelé à juste titre : «la servitude volontaire ».
Pourtant, le franc CFA n’est pas le seul frein au développement des pays qui l’utilisent. D’autres obstacles peuvent être identifiés. Sa suppression ne mettra pas un terme à l’ensemble des difficultés que ces 14 pays rencontrent. Et, en espèce, il ne saurait y avoir de grand soir. «Néanmoins, nous souhaitons pouvoir disposer d’un droit régalien souverain, légitime et subséquemment être en capacité de décider des politiques publiques à mener pour le Bien-être des populations, sans tendre la sébile tandis que des réserves demeurent disponibles dans les caisses du Trésor public français », justifie un Spécialiste.
La nécessité des états généraux
Au regard de la pauvreté endémique des 14 pays utilisant, aujourd’hui encore, le franc CFA, au regard du sang versé par les héros africains qui se sont insurgés contre cette monnaie servile, au regard de la jeunesse qui s’embrasse de Lomé à Douala en passant par Dakar, Bamako ou Abidjan, le temps est venu de se réunir et établir un bilan sérieux de cette monnaie. «Donc, pour que les débats contradictoires soient féconds, nous invitons les Économistes, les historiens, les membres de la société civile et les acteurs politiques qui auront le courage de nous rejoindre à la table des négociations. Chacun à sa part de responsabilité. Toutes les bonnes volontés sont interpellées afin d’élaborer, dans un premier temps, une méthodologie rigoureuse puis, dans un second temps, dégager les différents scénarios prospectifs permettant de savoir quel dispositif monétaire pourrait se révéler demain le plus pertinent, pour décider du nom de cette nouvelle monnaie ainsi que de différentes étapes à suivre en établissant un échéancier précis pour sortir progressivement, mais sûrement de l’ornière de cette monnaie qui nous tire vers le bas afin d’envisager rationnellement un changement des paradigmes économiques au niveau régional », ont conclu les Experts du comité provisoire de coordination des états généraux sur le franc CFA, réunis ici à Bamako, courant semaine dernière.
Mohamed BELLEM : LE COMBAT