Longtemps réclamée par les partis de l’opposition et finalement admise par le Président de la République pour lui en avoir instruit une commission préparatoire, la conférence d’entente nationale, prévue pour le mois de mars prochain, comporte en soi une ambiguïté non des moindres. Face au risque de voir la charte qui en sera issue s’enchevêtrer dans les clauses de l’Accord de Paix et de Réconciliation nationale, signé le 25 mai et 15 juin 2015, force est de constater que ces assises nationales à venir s’apparentent fort aux pourparlers d’Alger ayant débouché sur le document qui peine dans sa mise en œuvre.
Une chose est d’en arriver au principe acquis de la tenue de cette conférence d’entente nationale en laquelle l’opposition au régime d’IBK trouve le salut du litige malien. Une seconde chose est de lui assurer les garde-fous nécessaires devant lui permettre de se démarquer de l’Accord de Paix déjà titubant de par ses clauses qui se sont avérées difficiles à mettre en application.
Une charte élaborée de toutes pièces
Le Chef de l’Etat, le Président Ibrahim Boubacar Kéïta, ayant fini par donner son aval à l’organisation de cette rencontre, a implicitement montré aux yeux de l’opinion nationale et internationale que nombreux sont désormais les décideurs maliens qui semblent jeter leur dévolu sur cette conférence d’entente nationale ; ce, au détriment de l’Accord d’Alger, surtout par ces temps où celui-ci ne cesse d’encaisser de nouveaux coups préjudiciables au cours normal de sa mise en œuvre. Plus les jours mauvais passent pour cet Accord, de plus en plus d’esprits se tournent vers la consommation d’une charte exclusivement élaborée de toutes pièces par des méninges nationaux et entièrement à l’interne sans le moindre détour par l’Extérieur. Telle se résume la situation actuelle marquée par peu de foi accordée au document impacté par une main étrangère en sa qualité de médiation internationale. Est-ce là une manière aux Politiques de notre pays de se dérober astucieusement de certaines concessions qu’ils ont eu à faire sous l’impulsion des puissances étrangères s’ingérant dans la crise malienne et qui ont participé aux pourparlers d’Alger ? On ne saurait l’affirmer ou le réfuter ; mais, toutefois, s’il s’agit là de leur véritable intention, donc voilée, il ne serait pas superflu d’attirer l’attention des tenants de cette conférence d’entente nationale sur les contours de leur l’initiative afin de lui éviter des risques de stérilité.
En effet, si, au niveau de sa forme, tout semble être concocté de manière à faire la différence par rapport aux assises d’Alger, un détour sur le fond de la rencontre dont la Commission préparatoire est présidée par Baba Akhib Haïdara, et l’on se rend compte combien on peut lui en redouter l’inefficacité.
Une rencontre l’image d’un autre Alger ?
Dans un entretien qu’il a accordé à l’ORTM, le mercredi dernier, le Président de la Commission préparatoire de la Conférence d’entente nationale, Baba Akhib Haïdara, a donné des précisions concernant l’organisation de cette rencontre. Il a, notamment, insisté sur le caractère inclusif de la rencontre et annoncé un vaste programme de consultation de personnalités à titre individuel et institutionnel. Allusion est ainsi faite à la forme qui se veut à l’écart d’Alger de par les composantes qui devront constituer son ossature. Il s’agit de la classe politique des deux bords, des forces vives de la nation, des organisations de la société civile, des syndicats officiels, etc. Nulle part aucune place ne sera visiblement faite à une quelconque organisation internationale; les Diplomates accrédités dans notre pays, s’ils devaient y être invités, devront répondre en simples spectateurs et non en acteurs disposant de voix à cette tribune. En cela, la forme semble être à l’abri de toute critique dans la mesure où la rencontre est dite nationale.
Cependant, le fond comporte les germes susceptibles de conférer à la rencontre l’image d’un autre Alger. Le fait que cette conférence d’entente nationale soit censée déboucher sur une Charte qui sera élaborée sur une base très consensuelle, d’après le Président Baba Akhib Haidara, est de nature à donner libre cours aux interprétations. En référence à la réalité sociopolitique de notre pays, caractérisée par des représentations ethnico-politiques, chacune des entités qui auront à participer à l’élaboration de cette Charte serait libre de l’interpréter plus tard comme elle l’entend ; selon qu’elle soit séparatiste ou unioniste. «En nous référant à l’actualité que nous vivons, cette Conférence d’entente nationale va endiguer le scepticisme quasi général qui entoure la mise en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Ce faisant, si on arrive à endiguer ce scepticisme, on relancera alors la dynamique de la stabilité et de l’apaisement», a indiqué Baba H. Haïdara.
S’appuyer sur les passé pour bien appréhender le futur
Du coup, l’on se demande en quoi on est en train de recourir au consensuel à l’issue d’une rencontre cuisine interne censée servir d’occasion pour les Maliens et les Maliennes de discuter sans tabous sur les causes qui ont affecté et touché l’âme de leur pays depuis 2012. Et si la priorité se limitait à l’étalage des origines lointaines de la crise, des blessures profondes l’ayant exacerbé, toutes choses que l’on pourra éventuellement soumettre à la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) pour un accomplissement adéquat de sa mission, on n’éviterait pas par là une quelconque inutilité de la conférence liée aux interprétations post-assises ? Tâchons dans tous les cas de nous appuyer sur les erreurs du passé pour bien appréhender le futur. C’est en cela que nos décideurs ne tomberont pas dans le jeu de mots entre Charte et Accord !
Katito WADADA : LE COMBAT