vendredi 4 octobre 2024
Accueil | Société | Communiqué de Presse Conjoint : CAD-Mali et CADTM Afrique

Communiqué de Presse Conjoint : CAD-Mali et CADTM Afrique

Moratoire du service de la dette malienne pour faire face au Covid-19 et ses conséquences sur l’épanouissement économique et social

En réponse à la diffusion du Premier Ministre, Ministre de l’Economie et des Finances, du montant obtenu par le Mali dans le cadre du moratoire (suspension temporaire du service de la dette) à l’initiative du G20 d’un montant de 23 milliards de francs CFA sur environ 470 milliards de francs CFA pour les échéances de 2020 dont les intérêts s’élèvent à 120 milliards de francs CFA; la CAD-Mali (Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement) et le CADTM Afrique (Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes) reviennent par le présent communiqué, d’attirer l’attention de l’opinion publique malienne que ce moratoire constitue une arnaque, une fois de plus puisque quand on vérifie, on se rend compte que le FMI sera bel et bien remboursé! Les pays africains bénéficiaires devront puiser dans un fonds créé par le FMI et alimenté par certains pays riches, comme les Pays-Bas. Le FMI ne renonce donc pas à recevoir l’argent. Cet accord ne réduit pas le stock ou le fardeau de la dette.
Ce moratoire ne va donc pas permettre au Mali de faire face à la situation sanitaire – pour acheter du matériel médical et embaucher du personnel notamment – mais il va servir à rembourser le FMI. C’est une méthode utilisée par le FMI avec les pays africains depuis très longtemps. Se faire rembourser grâce à la contribution d’autres pays afin de maintenir le lien débiteur-créancier qu’impose le FMI. Cela lui permet de continuer depuis 40 ans à dicter le même type de politiques aux pays concernés.

L’annulation pure et simple, sans condition, de la dette africaine en général et celle du Mali en particulier, est économiquement tout à fait possible mais il n’y a aucune volonté politique pour aller dans ce sens. A titre d’illustration, le montant global de la dette des pays éligibles à l’initiative du G20 est estimé à un peu plus de 750 milliards de dollars, et le moratoire accordé ne représente que 3, 6% de ce montant  soit 1 % du PIB du G20 de 2019 (78 286 milliards dollars), moins que le plan d’aides adopté par le parlement allemand (1100 milliards d’euros) ou que celui des États-Unis (2000 milliards de dollars) pour faire face à la crise du Covid-19 dans leur pays… une goutte d’eau dans l’océan de la finance !

Ce moratoire est en réalité un report octroyé sur une partie du service de la dette malienne pendant 8 mois dû entre le 1er mai et le 31 décembre 2020. Enfin, la période de remboursement sera de 3 ans, avec un délai de grâce d’un an (4 ans au total) ; en d’autres termes, le remboursement prévu en 2020 pourra être reporté jusqu’à 2022 et échelonné sur trois ans, majorés des intérêts accumulés sur la période ! En 2022, 2023 et 2024, le Mali devra rembourser le service de la dette de l’année en cours plus celui de l’année 2020 étalée sur les 3 ans. Les paiements reportés seront majorés d’intérêts et de pénalités de retard dont on ne connait d’abord le montant pour le Mali mais pour toute l’Afrique, les pénalités et les intérêts varieront entre 12,3 milliards de dollars, passant de 23 milliards à 35,3 milliards !»

Par leur politique, le FMI et la Banque mondiale, où la France tient une place importante, alimentent la faible captation des ressources fiscales. Le FMI préfère imposer la TVA plutôt que des impôts progressifs sur les revenus et les entreprises. La Banque mondiale empêche également toute redistribution équitable des richesses en favorisant des investissements sauvages avec le Doing Business notamment leur influence sur la définition/révision des codes miniers, des investissements, pétroliers, forestiers, etc, très favorables aux grandes entreprises. Le remboursement de la dette est un prétexte pour brader les matières premières. Au nom du remboursement de la dette, l’Afrique brade ses ressources et est forcée par les créanciers de céder les exploitations aux multinationales étrangères.

Au Mali, par exemple, le montant total des exonérations s’élevait à 203,4 milliards de francs CFA en 2015, soit trois fois et demi le budget de la santé et de l’éducation. Au Mali toujours, dans un rapport d’enquête publié en 2007, la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), a constaté que 890 sur 900 grammes d’or disparaissent dans les mines d’or. Cela veut dire que la quantité réellement produite n’est pas déclarée.

Si on se focalise sur la France, elle détient sur les pays africains, détient 45 milliards de créances sur 41 pays africains soit 10 % de la dette extérieure publique du continent. Mais dans le même temps, elle et ses entreprises présentes sur le continent, jouit d’accords fiscaux avantageux signés de longues dates.  Si les sociétés françaises paient des impôts normaux, cela fera plus de ressources pour les budgets africains. L’après Covid-19 devra être celle d’une véritable réforme fiscale international, avec une annulation complète des avantages fiscaux, qui ne rendent pas les pays compétitifs, et exportent des ressources financières importantes.

 

Le système dette et ses conditionnalités ont entraîné une énorme dégradation du secteur de santé et des services publics, et les désarme face à l’épidémie actuelle. Alors que les résolutions du Conseil des droits de l’homme de l’ONU du 23 avril 1999 affirment que « l’exercice des droits fondamentaux de la population des pays débiteurs aux services sociaux de base ne peut être subordonné à l’application des réformes économiques liées à la dette » L’expert indépendant de l’ONU sur la dette externe, Cephas Lumina, précise en 2009 que « les textes internationaux de protection des droits humains s’imposent non seulement aux Etats mais également aux institutions financières internationales».

Ainsi, pour permettre au Mali de pouvoir faire face au Covid-19 et d’éviter une crise de la dette post Coronavirus, la CAD-Mali et le CADTM Afrique exigent :

  • Annuler totalement et de façon inconditionnelle, l’ensemble de la dette extérieure publique malienne tout en accordant la primauté des droits humains sur tout autre droit ;
  • Soutenir la mise en place d’un audit de la dette malienne avec la participation des citoyens afin de procéder à l’annulation pure et simple des parties jugées illégales, illégitimes et odieuses ;
  • Suspendre le paiement des prêts bancaires et des microcrédits sans majoration d’intérêts et de pénalités de retard jusqu’à la disparition définitive du coronavirus ;
  • Remplacer les institutions des microcrédits par des coopératives autogérées par les populations locales et par un service public de crédit octroyant des prêts à taux zéro ou très bas.
  • Financer les pays du Sud, hors aide publique au développement, par des prêts à taux zéro, remboursable en tout ou partie dans la devise souhaitée par le débiteur.
  • Exproprier les « biens mal acquis » par les gouvernants et les classes dominantes du Sud et les rétrocéder aux populations concernées et sous leur contrôle.
  • Affirmer le droit à des réparations et/ou compensations aux peuples victimes du pillage colonial et de la spoliation par le mécanisme de la dette.
  • Source : CAD-MALI et CADTM-AFRIQUE

Djibril Coulibaly

Voir aussi

TRANSPORTS PUBLICS AU MALI: De nouvelles mesures adoptées pour faire face à la recrudescence des accidents de la circulation routière

  Le ministre des Transports et des Infrastructures et son homologue de la Sécurité et …

Laisser un commentaire

Aller à la barre d’outils