Les abus sexuels sur internet notamment sur les mineur-es ne sont pas un phénomène nouveau. Si nous ne connaissons pas directement de victimes dans notre entourage, nous en avons entendu parler à de multiples reprises, et le phénomène tend à prendre des proportions inquiétantes. A travers le monde, les services spécialisés – police, justice, ONG, associations de défense de l’enfance – ont noté une recrudescence de l’exploitation sexuelle des enfants liée à la crise du coronavirus. Selon Europol, l’agence de police européenne, « les enfants sont plus vulnérables que d’habitude à cause du confinement. Les malfrats ont élargi leurs activités sur les réseaux sociaux et le Darknet »
Europol indique que ces derniers mois, de nombreuses vidéos et images d’abus ont été partagés. Si habituellement Europol détecte 100.000 cas de maltraitance d’enfants chaque mois, au mois de mars dernier, il y en avait au bas mot un million. Déduction alarmante : « Pendant le confinement, la vie des enfants est passée de plus en plus du monde réel au monde en ligne. Les auteurs des méfaits en ont profité pour augmenter leur groupe de victimes potentielles ».
C’est ainsi que les enquêteurs d’Europol ont constaté que la demande de vidéos par webcam sur les forums de délinquants sexuels avait considérablement augmenté, laissant augurer que les abus d’enfants à la demande et les diffusions en direct de mineurs ne se multiplient. La perspective de la prolongation du confinement dans certaines régions du monde ou un nouveau lockdown en cas de seconde vague de la maladie à coronavirus fait craindre une amélioration de la stratégie des prédateurs sexuels.
Chez nous, combien de parents suivent les activités de leurs enfants sur les réseaux sociaux ? Très peu ! Soit par ignorance, par désintérêt soit pour toutes autres raisons liées à la quête de la pitance quotidienne, les parents ont la tête ailleurs. Ce qui laisse le champ libre à leurs enfants, parfois très jeunes, de s’exposer sur les réseaux sociaux. En plus créer des groupes et de se présenter aux autres, les adolescents communiquent abondamment sur les plateformes, flirtent entre eux, exposent leurs profils, photos et vidéos, créent des groupes d’intérêt, nouent de nouvelles amitiés, passent un temps fou à « mesurer » la taille de leur fan’s club et autres followers. Comme si cela ne suffisait pas, certains vont jusqu’à exposer leurs contacts – mail et téléphone- comme s’ils cherchaient à attirer davantage l’attention. Une situation qui profite aux prédateurs sexuels, lesquels s’inscrivent sur ces réseaux en vue d’entrer en contact avec des enfants et des adolescents dont ils pourraient ensuite abuser tranquillement.
En l’absence d’éducation aux médias et de surveillance des familles, les adolescents restent des proies faciles sur internet dont l’anonymat constitue un réel danger. En effet, bien malin qui pourrait deviner la personne qui se cache derrière un profil banal, et quel crédit faut-il accorder aux échanges virtuels.
Pour toutes ces raisons, les spécialistes conseillent aux jeunes et adolescents, d’une part, d’observer strictement des règles de prudences sur Internet chaque fois qu’ils font de nouvelles connaissances et, d’autre part, de s’habituer à respecter des mesures de prévention.
Quant aux parents, les attitudes ci-après sont fortement recommandées :
– se renseigner sur les communautés en ligne fréquentées par leur enfant. Un parent pourrait créer lui-même un profil sur la plateforme qu’utilise son enfant (Facebook, Instagram, Twitter…) et s’informer sur les possibilités techniques afin d’aider son enfant à préserver au maximum sa sphère privée sur le Web. Dans la pratique, toutes les plateformes offrent la possibilité de protéger l’aspect confidentiel des données dans les sous-menus « Extras » ou « Paramètres ». Les parents peuvent aller même plus loin en posant directement des questions concernant ces paramètres aux modérateurs des sites concernés.
– Discuter avec son enfant du profil qu’il a posté sur un site communautaire. En toute responsabilité, vous pourrez lui parler des informations non appropriées (nom, adresse, téléphone, âge, photos et vidéos gênants ou aguicheurs) et de la manière dont des personnes malintentionnées pourraient s’en servir pour lui nuire.
– Se montrer circonspect en cas de rendez-vous avec une personne rencontrée sur l’Internet. Si votre enfant a moins de 16 ans par exemple, il convient de lui interdire toute rencontre avec des personnes connues sur l’Internet. Pour les plus âgés, il est important de discuter avec eux et surtout d’attirer leur attention sur les dangers qu’une telle rencontre représente. On pourrait aussi, de commun accord, fixer des limites très claires à ne pas dépasser.
– Contacter les administrateurs des sites communautaires si vous avez des questions concrètes ou si vous souhaitez signaler un abus (abus sexuel, cyber-intimidation, contenus non appropriés, etc.). On pourrait tout aussi rechercher du soutien autour de soi dans la mesure où ce qui arrive à votre enfant est peut-être déjà arrivé à d’autres enfants, et la façon dont les familles ont agi pourrait vous faire gagner un précieux temps.
Si votre enfant a été victime d’un abus sexuel avéré, il est conseillé de contacter immédiatement les services compétents pour porter plainte. De plus en plus dans nos pays, les services de police et de gendarmerie disposent de sections scientifiques et de lutte contre la cybercriminalité qui peuvent entrer en jeu pour traquer les délinquants sexuels. Il ne faut pas oublier, non plus, qu’en la matière il existe une collaboration internationale entre les services de police qui donne d’excellents résultats.
En tous les cas, les parents doivent être très vigilants et être fortement concernés par les activités de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Pour leur part, les autorités devraient, d’une part, innover les curricula d’enseignement en y introduisant l’éducation aux médias et, d’autre part, étoffer les moyens des services de répression de la cybercriminalité.
Enfin, au plan international, nos pays ont ratifié de nombreux instruments juridiques tendant à protéger les enfants de l’exploitation et des abus sexuels sur internet. Il faut dépoussiérer ces instruments et les vulgariser et, au besoin, les traduire dans nos langues pour faciliter leur compréhension et leur utilisation.
Serge de MERIDIO