vendredi 22 novembre 2024
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Pour avoir refusé de conserver le statut d’esclavage : 4 Hommes ont été battus à mort dans le village de Djandjamé, région de Kayes

« L’être humain est, au fond, un animal sauvage et effroyable. Nous le connaissons seulement dompté et apprivoisé par ce que nous appelons la civilisation », Arthur Schopenhauer.

Youssouf cissoko âgé de 72 ans, le coordinateur anti-esclavagiste, Mountaga Diarrisso 72 ans et deux frères de la même famille, Gossi Cissoko et Djané Cissoko ont été battus à mort à leurs domiciles respectifs dans la nuit du 1er septembre 2020 à Djandjamé dans la région de Kayes pour la simple raison qu’ils refusent de porter le statut d’esclavage. 

Incroyable, mais vrai ! Au 21e siècle, au Mali, prendre la vie de quelqu’un parce qu’on croit dans un esprit tordu, supérieur à ce dernier dépasse l’entendement. C’est tout simplement hallucinant. Même la religion qui rend l’homme humain n’a pas servi à ces terroristes, d’enlever leurs boubous d’animaux sauvages.

En effet, les faits se sont déroulés dans la nuit du 1er septembre 2020, à Djandjamé, dans la région de Kayes. Quatre hommes ont été lynchés à mort à leurs domiciles tués par des hommes qui n’acceptent pas que leur autorité de maître d’esclaves soit sapée par ceux qu’ils considèrent comme des sous-hommes. Aberrant !!!

Selon un premier témoin, Oumar Cissoko, ils ont été attaqués à leurs domiciles avec des bâtons, des cailloux et des machettes. Certains comme Moutaga et son frère ont été battus, ficelés puis trainés par terre, pour après finalement être jetés comme des déchets dans un cours d’eau. Et pour cause; ils n’ont pas voulu se soumettre à leurs maîtres et ainsi continuer avec ce statut d’esclavagiste que leurs ancêtres leur ont légué. Des hommes qui se   prennent pour des « Nobles », donc supérieurs à d’autres. Une histoire de dingue !

« C’est une histoire d’esclavagiste. On travaillait pour ces personnes de Kagnakounda depuis 188 ans. Mais il y a trois ans de cela que nous avons arrêté de cultiver. Tout à commencer le 26 octobre 1998, où ils sont venus chez nous, et ont démoli nos habitations. Puis, ils nous ont poursuivis  jusque dans la mosquée en proférant des menaces de mort contre nous. Ce jour, notre coordinateur Mountagua DIARRISSO était absent. Mais les faits se sont déroulés devant Youssouf Cissoko et moi. N’eût été le chef de Brigade qui nous a protégés et conduits par la suite à Nioro du Sahel, ces hommes allaient nous tuer. Et par la suite, nous n’avons plus cultivé », raconte Oumar.

Ensuite, il révèle qu’ils (les esclaves)  doivent venir travailler tous les jeudis sous peine de payer une amende de 1000 francs CFA. D’habitude, la religion musulmane veut qu’une veuve reste chez elle durant quatre mois et 5 jours, ce que les maîtres n’autorisent pas. Ils ne nous accordent que deux mois et cinq jours. « Mon frère est décédé l’an dernier et sa femme n’a pas pu faire le deuil convenablement, comme le demande la tradition en respectant les quatre mois et 5 jours. Donc on est allé voir Yatabari, un des Maîtres, pour dénoncer ces règles qu’ils nous imposent». Cela n’a pas été du goût du maître. Et depuis, nos ennuis ne font qu’aggraver », témoigne-t-il.

Pour en venir aux quatre meurtres, il explique : « Cette affaire dramatique est la suite d’un jugement rendu à Nioro où nous, les esclaves ont gagné contre les Maîtres. Avant ils avaient interdit à deux de nos frères de cultiver leurs champs. Donc le juge a fait savoir que les terres sont les propriétés de l’État qui les donne à qui il veut. Donc personne ne peut nous spolier de nos terres. Et ceux qui étaient à la base de cette affaire sont restés en prison. Il s’agit des dénommés Batouguiné Sylla et Hamet Sylla. »

Il poursuit : « Mohamadou Badjagua a fait un prêche dans lequel il disait que les procureurs prenaient l’argent des gens ainsi que les juges. Ces paroles en langue sarakolé ont été traduites en Bambara par quelqu’un  qui par la suite les a fait écouter au procureur. Dans la foulée, l’ordre a été donné au Chef de Brigade pour aller cueillir le prêcheur. Voilà, tout le problème.

Les femmes ont reproché aux époux de ne pas être de vrais hommes à Badjagua, ce qui les a incités à aller tuer. Ça été le commencement de l’horreur.

Quand j’ai eu écho de cette histoire, je me suis  rendu chez Sylla et effectivement sa maison était en ruine. Je lui ai demandé de me suivre et nous avons pris la moto pour quitter le lieu. Nous nous sommes dirigés vers la maison de Diane, une des victimes qui a été tuée avec son frère, pour l’informer de la situation et nous avons aperçu beaucoup de monde chez lui. Arrivés, on entendait les agresseurs dire de commencer par tuer Mountagua Diarrisso. Après avoir fini avec ce dernier ils ont pris la direction de ma concession où ils ont trouvé sur place mon frère Youssouf Cissoko qui a été tué malheureusement.  J’ai été quand même blessé parce qu’ils m’ont attaché les yeux et jeté dans un trou puis rebroussé chemin en me laissant là-bas.

« Nous déplorons quatre morts; Youssouf cissoko âgé de 72 ans, le coordinateur Mountaga Diarrisso 72 ans, Gossi Cissoko 42 ans, et son frère Djané Cissoko 40 ans».

 Notre deuxième témoin vient de Djadjoumé. Il s’appelle Mahamadou Sylla.

Voilà ce qu’il dit : Ce jour-là, à 20 heures, ils se sont réunis et l’ordre du jour était centré sur le problème des esclaves rebelles qui refusent de se soumettre à leur dictat. Pour eux, ça fait quatre ans que ces sous-hommes enferment leurs maîtres en prisons et qu’il est temps de mettre fin à cela. C’est ainsi qu’après la réunion, ils se sont dirigés dans la concession de Mountaga Diarrisso vers les 21 heures. J’étais présent. Ils ont dit « nous sommes venus pour vous tuer ». Mountaga faisait ses ablutions devant la porte et sans s’attendre à une barbarie de ce genre, il a été surpris. Donc, il a été asséné de coups jusqu’à ce que la mort s’ensuit. Moi, j’ai décidé de rester pour garder les femmes de la famille quoiqu’il puisse m’arriver. Mais celles-ci m’ont supplié d’aller chercher de secours sinon nous serons tous tués. C’est ainsi que j’ai téléphoné aux autorités qui sont arrivées par la suite. Les tueurs sont rentrés dans la maison,  par coup de chance, ils ne m’ont pas vu et c’est de cette façon que j’ai pu échapper à la mort.

Pourtant depuis le crépuscule, j’ai alerté le Chef de Brigade de ce qui va se passer. Je lui avais annoncé que ces gens sont en train de se préparer pour nous attaquer, mais il n’a rien fait pour.  Et c’est aux environs de minuit qu’il est arrivé au lieu des massacres.

Gossi Cissoko 42 ans, Djané Cissoko 40 ans ont été tous deux attachés et jetés dans la rivière. Moi j’ai continué à appeler jusqu’à l’arrivée des militaires. Et avec eux, nous nous sommes rendus à l’endroit où ils ont jeté ces deux hommes. Nous avons pu les secourir et les emmener à l’hôpital. Mais ils n’ont pas survécu à leurs blessures.

Personnellement, ils m’accusent de traitre du fait que je m’associe avec des esclaves. En réalité, je ne suis pas l’un des leurs, mais je trouve cela absurde, car nous sommes tous esclaves du Bon Dieu, mais pas des hommes. Ils m’interdisent d’aller chez les esclaves étant donné qu’eux les nobles sont du même côté et que  cela doit être ainsi.

C’est à cause de ma fréquentation avec ceux-ci qu’ils appellent les esclaves qu’en 2017, ils ont saccagé toute ma maison. Ils ont été arrêtés et enfermés en prison. Mais trois  mois plus tard, ils ont bénéficié de liberté provisoire et sont sortis de prison. Ça fait la deuxième fois qu’ils s’attaquent à mon domicile. Le jour du drame, ils se sont rendus chez moi, ils ne m’ont pas trouvé, mais tout ce qui est panneaux solaires,  téléviseurs, toutes mes affaires de valeurs ont  été détruites ». Quelle triste histoire !

Selon les dernières informations, les gens du village n’ont pas voulu que les rituels funéraires soient pratiqués sur les quatre victimes.

Pour rappel, dans le monde, l’esclavage a été aboli en 1833 dans les colonies britanniques, en 1860, dans les colonies Néerlandais, en 1865 aux États-Unis d’Amérique et en France, définitivement en 1848.

Pourtant, selon des anthropologues de l’université de Bamako, au Mali, 300 000 personnes sont considérées comme esclaves et en plus de 850 000  incluant les descendants et les affranchis, le plus souvent méprisés.

Par ailleurs, les associations qui luttent contre l’esclavage disent avoir crié sur tous les toits pour dénoncer cette pratique, mais rien n’a été fait pour que ce genre d’atrocité n’arrive. En tout cas, les médias maliens en ont aussi parlé sans effet. Il est impératif que cela revienne dans le débat politique et que ce fléau soit combattu avec énergie.

Bathily Sadio

 

Djibril Coulibaly

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