mardi 10 décembre 2024
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UNE PAGE DE L’HISTOIRE DU MALI : LES ACCORDS DE TAMANRASSET

Dans la nuit du 29 au 30 juin 1990, avec la bénédiction de François Mitterrand, Iyad Ag Ghaly déclenche la seconde rébellion touarègue. Il avait surestimé ses capacités, sous-estimé celles de l’Etat malien. La riposte sera foudroyante : au bout de trois mois de combat, la sédition est écrasée. Les rebelles sollicitent une trêve et des pourparlers. L’Etat accède à leur requête. Le contact établi mène à la signature des Accord de Tamanrasset. Celui qui a apposé sa signature au bas des documents est le colonel Ousmane Coulibaly. Cette étude peut être considérée comme sa contribution à la restitution d’un fait majeur intéressant la vie de notre peuple.

Bon nombre d’officiers supérieurs de l’armée se seraient contentés de la déroute des rebelles, comme Modibo Kéïta en 1964. Mais la conjoncture ne lui est pas aussi favorable qu’à son prédécesseur. En 1990, notre pays connaît un quasi isolement, pas parce que notre diplomatie fut devenue inopérante, mais parce que nos alliés s’affaiblissent quand nos adversaires se renforcent.

Sur le plan international, l’Union Soviétique a disparu, laissant à l’Occident la possibilité d’agir à sa guise pour subjuguer les pays sous-développés. En Afrique, l’Algérie est secouée par les revendications des Berbères et la montée du Front Islamique du Salut (FIS). Dans la sous-région, le Niger, depuis l’attaque de Tchintabaraden gère son propre problème touareg.

Cependant, en France, Mitterrand vient d’être élu pour un second septennat. Profitant du vide laissé par la disparition de l’URSS, il se sent investi de la mission chargée de « démocratiser » les régimes africains et, depuis le sommet de la Baule, œuvre à déstabiliser le régime de l’UDPM tandis que l’ONG « Médecins sans frontières » avec Bernard Kouchner et la Fondation « France-Liberté » de Danielle Mitterrand soutiennent, matériellement et financièrement, la rébellion.

Enfin, Kadhafi qui ne s’est pas encore remis de ses déconvenues au Tchad continue de caresser le rêve d’un chimérique Etats-Unis du Sahel dont il serait le guide. Il ne dissimule pas son soutien aux rébellions touarègues du Niger et du Mali quand il déclare la Libye « patrie des Touaregs ».

Conscient d’une telle situation et soucieux de préserver le Mali d’une autre rébellion, le président malien aura les phrases suivantes : « Les guerres ont toujours pris fin, non sur les champs de bataille, mais autour des tables de négociations. Ces jeunes gens ont peut-être des revendications politiques, il faut les écouter ».

Aussi, bien qu’ayant réduit militairement la rébellion, il choisit de résoudre, définitivement, le problème par la voie du dialogue.

L’ECHEC DU SOMMET DE DJANET

La première phase de sa démarche lui est inspirée par la situation au Sahel : la question touarègue a cessé d’être celle d’un seul pays, en l’occurrence, le Mali, pour devenir une question sous-régionale avec ses manifestations aussi bien en Algérie qu’au Niger. Le contact est établi entre Alger, Bamako et Niamey. Un sommet est convoqué à Djanet dans le sud algérien pour débattre de la sécurité au Sahel.

Il sera un échec pour deux raisons. Prudent, Chadli Bendjedid se garde de tout soutien appuyé au Mali, parce qu’il a son propre problème touareg mais aussi, parce qu’il veut contrer l’influence de Kadhafi au Sahel. Ce dernier qui s’est invité au sommet, en plus de son attitude plus que provocatrice, se déclare, lors de la conférence de presse qui a suivi les débats, favorable à la cause des rebelles qu’il estime être une revendication politique légitime.

Le Sommet de Djanet est un échec. Moussa Traoré en tire les conséquences. La deuxième phase de sa démarche en vue de trouver une solution définitive au problème du Nord est constituée par l’autorisation qu’il accorde aux notabilités touarègues maliennes de rencontrer les rebelles pour recueillir leurs doléances. Lors de cette rencontre informelle, les rebelles expriment des revendications que l’Etat considère comme susceptibles d’être une base de négociations et, grâce à l’entremise algérienne plus qu’à une médiation, il choisit de les rencontrer à Tamanrasset.

LES ZONES D’OMBRE DE TAMANRASSET

La rencontre a lieu les 5 et 6 janvier 1991avec une délégation conduite par le chef d’Etat-major des armées, le colonel Ousmane Coulibaly. Elle est sanctionnée par trois documents qui, en se complétant les uns les autres, comparés aux accords ultérieurs qui seront signés avec les rebelles, retiennent l’attention par ces qualités que sont: la clarté, la précision, la concision.
Le premier document s’intitule « Accords de Tamanrasset de 1991 ». Il est constitué par un compte rendu de réunion de six paragraphes et d’un « Procès-verbal de réunion ». Lui est annexé à un document intitulé « Accord de Tamanrasset » présenté sous la forme d’un texte juridique avec ses treize articles.

Le compte rendu de réunion présente celle-ci comme « une réunion de famille (…) qui s’est déroulée dans une atmosphère de fraternelle compréhension ». Il informe sur la nature des deux autres textes : l’ « Accord de Tamanrasset » est « un accord relatif au cessez-le-feu », tandis que le « Procès-verbal de réunion » est relatif « aux mesures pratiques d’un règlement définitif de tous les problèmes posés à la suite des événements douloureux survenues dans les (…) régions » du Nord.

Les trois textes ont suscité beaucoup de commentaires, la plupart du temps, défavorables au régime de l’UDPM. En effet, ils sont nombreux à les avoir commentés sans les avoir lus. Ce que l’on retient, c’est moins le souci d’éclairer, objectivement, sur leur contenu que de jeter le discrédit sur le président de la République. Ces commentaires sont, fréquemment, des considérations d’ordre général qui, toujours, jurent avec la réalité.

Ainsi, dans un ouvrage collectif intitulé Le Processus démocratique malien de 1960 à nos jours, publié par les Editions Donniya, sous les auspices du CERDES (Centre d’Etudes et de Recherche pour la Démocratie Economique et Social), le lecteur, en page 33 apprend : « Conclus dans un but purement tactique par un régime aux abois, mal appliqués parce que chacun des protagonistes en avaient une lecture différente, les Accords de Tamanrasset ont vite montré leur limite de sorte que la rébellion a repris de plus belle ».

De même, dans une étude intitulée Les rébellions touarègues au Sahel, réalisée par Mériadèc Raffay et publiée dans la Revue Cahier du Retex, numéro de janvier 2013, à propos des mêmes textes, le même lecteur apprend : «… à défaut de donner satisfaction aux rebelles sur le fond, les Accords consacrent le cessez le feu et l’octroi d’un statut particulier au Nord (plus grande autonomie de gestion des affaires par les populations locales).En revanche, les revendications sécessionnistes, autonomistes ou fédéralistes sont écartées, au prétexte qu’elles sont contraires à la Constitution.

« Craignant les réactions hostiles au Sud, le président de la République ne publie pas l’Accord et réfute publiquement qu’un statut particulier ait été accordé au Nord. Son attitude ambiguë nourrit le ressentiment des militaires qui réagissent alors violemment aux exactions commises par les bandes rebelles incontrôlées ».

Qu’en est-il au juste ?

Contrairement à l’avis des auteurs de l’étude Le Processus démocratique malien de 1960 à nos jours, et comme cela a été démontré plus haut, l’accord n’a pas été conclu « dans un but purement tactique par un régime aux abois » dans la mesure où il est signé après que les rebelles, à la suite de leur défaite eurent déposé les armes. De même il n’a pas été « mal appliqué » mais, plutôt n’a pas eu le temps d’être appliqué avec le coup d’Etat intervenu moins trois mois après sa signature.

Dans le même ordre d’idées, contrairement à l’idée émise par Mériadèc Rafray, non seulement l’accord a été publié, mais il a fait l’objet de commentaires suffisamment fournis, à la radio comme à la télévision nationales : après sa signature, le chef d’Etat major des armées, le colonel Ousmane Coulibaly et les représentants des rebelles ont animé une conférence de presse sur la question ; par la suite, en langue nationale Bamanakan, Ousmane Coulibaly a donné d’amples infirmations sur le contenu du texte.

Le compte rendu de réunion apporte une information de taille : « Les parties ont affirmé leur profond attachement à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de leur pays. »

L’accord relatif au cessez-le-feu est constitué par treize articles tenant sur une page. En réalité, contrairement à ce qui a été dit en maints endroits, il ne reconnaît pas d’importantes concessions aux rebelles. Il ne consacre pas la démilitarisation du Nord ni son autonomie. Une comparaison entre les exigences des rebelles et les points d’accord qui leur prouvent à suffisance que rien n’a été bradé. Il suffit de comparer les exigences formulées par les rebelles lors de la rencontre informelle avec les notabilités touarègues et ce qu’il leur a été concédé à Tamanrasset. Ce sera l’objet d’un texte ultérieur.
Diaoulèn Karamoko Diarra LE SURSAUT

Djibril Coulibaly

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