Jeudi 21 juillet dernier, Soro Guillaume, contre toute attente, a demandé pardon à Laurent Gbagbo. Un Gbagbo qu’il a combattu pendant dix longues années et qui se retrouve depuis 2011 dans les geôles de la Cour Pénale Internationale (CPI), à la Haye, aux Pays-Bas. Une situation tellement surprenante qu’elle a fait la manchette des plus grands journaux de la planète en tout cas ceux francophones. Mais à y voir de près et en analysant la posture actuelle du Président de l’Assemblée Nationale ivoirienne, l’on a des pistes d’explications sur ce revirement brusque du Député de Ferkessédougou.
Ce «pardon» de Guillaume qui promet de se rendre s’il le faut à la Haye pour le dire de vive voix à Koudou Laurent Gbagbo intervient à un moment où il est de plus en plus isolé sur le plan politique. Tout d’abord les mutineries qui ont secoué le Nord de la Côte-d’Ivoire et qui ont poussé l’Etat à débloquer d’importantes sommes pour contenter les « mutins » auxquels il était promis de l’argent, serait, selon bon nombre d’observateurs de la scène politique ivoirienne l’œuvre de Soro pour se signaler au régime et, plus précisément, au Président de la République Alassane Dramane Ouattara. Cette mutinerie intervenait dans un contexte où, au terme d’un remaniement ministériel qui a vu la reconduction de l’ex-Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, des « proches » de Soro avaient été débarqués. S’il est vrai qu’ADO est allé au « charbon » pour défendre Soro dans l’affaire des écoutes téléphoniques entre celui- ci et l’ancien Ministre des Affaires Etrangères de Blaise Compaoré, Djibril Bassolé, le lâchage des Hommes de Soro avait quelque peu refroidi les relations entre les deux Hommes. Et, comme pour ne rien arranger à tout ça, il est prêté à Soro Guillaume des ambitions présidentielles et même de prendre la tête du parti présidentiel, le Rassemblement Démocratique Ivoirien (RDR). Ses «proches» au sein du parti sont appelés les «soroïstes». Cette situation est amplifiée par l’un des proches du Président et qui voit déjà midi à sa porte, le Ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko «Ham Bak».
Cerise sur le gâteau
Il a été découvert chez le Chef de Cabinet de Guillaume Soro, le nommé Soul To Soul, des armes et munitions estimées à plusieurs tonnes. La méfiance entre le Président de l’Assemblée Nationale et le Président de la République qui était latente est devenue réelle.
Soro et la triple solution
Pour sortir de cet isolement qui se dessinait autour lui, il est allé à l’offensive.
Primo, en présentant ses excuses à Gbagbo, Soro cherche, sans doute, à bénéficier de la sympathie des militants du parti de ce dernier, le Front Populaire Ivoirien (FPI) qui, en plus de ne pas porter ADO dans leur cœur, ne sont pas unanimes autour de Pascal Affin N’Guessan, actuel Président du parti. Avec le dernier refus de la CPI de relâcher provisoirement Gbagbo, il peut espérer.
Secundo, Soro, en présentant ses excuses à Henri Konan Bédié aussi, lorgne du côté du Parti Démocratique de Côte-d’Ivoire (PDCI-RDA) qui se trouve en instance de divorce avec le RDR et, donc, une fin annoncée du Rassemblement des Houphouétistes (RHDP).
Tertio, s’il parvient à réussir son coup de poker et avec le soutien de nombreux ex-rebelles qui lui sont toujours restés fidèles, Soro Guillaume se révèlera être un candidat de taille (malgré sa petite taille) pour remporter la présidentielle à venir en Côte-d’Ivoire.
Mais là, il est au stade du déploiement de sa stratégie politique pour la conquête du pouvoir. Les résultats seront-ils au rendez-vous ? Les eaux malodorantes et boueuses de la lagune Ebrié ne nous laissent pas voir trop clair.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT