Le texte qui suit est la traduction du bamanankan au français d’une des dernières interventions du président Moussa Traoré. Elle a été prononcée le 31 décembre 1990, salle de délibérations de l’Assemblée Nationale, à l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux par les ministres du culte. Se sont succédé pour les présenter, l’imam de la Grande Mosquée de Bamako, Balla Kallé, Monseigneur Luc Sangaré, archevêque de Bamako, le pasteur Kassoum Keïta de l’église protestante. Balla Kallé s’et exprimé en bamanankan. Le président a choisi de lui répondre dans la même langue. Par la suite, une phrase de cette intervention a fait l’objet d’une interprétation tendancieuse. Elle est relative à la fameuse « couronne d’enfer » que le président aurait promise aux Maliens lors des émeutes de mars1991. Chacun pourra se faire une religion de ce qui a été dit exactement en lisant ce texte ou en écoutant, sur ‘’Youtube’’, l’intervention dans sa version originale.
Que la Grâce d’Allah soit sur Notre Seigneur Mouhammad ! Et Son Salut !
Au nom de Dieu, le Clément et le Miséricordieux.
Mes premiers mots sont une adresse, adresse à l’intention de notre imam, l’imam de la Grande Mosquée de Bamako, à l’intention des autres imams, des dignitaires musulmans ainsi qu’à l’intention de tous les Bamakois.
Je les remercie des vœux, vœux formulés à l’endroit de ma personne et de ma famille, à l’endroit des membres du Bureau Exécutif Central et du gouvernement. Je les remercie et leur sais gré de la confiance qu’ils m’ont renouvelée.
Mon intervention va comporter trois points.
Auparavant, je leur demande, je demande à tous que nous formulions des bénédictions pour ceux des nôtres qui nous ont quittés, particulièrement, pour nos soldats tombés au front dans les 6è et 7è régions ; des bénédictions afin que Dieu leur rende doux le séjour dans la tombe, que le Seigneur les agrée, que le jugement auquel ils sont soumis avant nous leur soit favorable, que le jugement auquel, ensemble, nous serons soumis nous soit favorable.
Celui qui meurt pour libérer la Patrie, n’est pas mort en vain. Celui qui tombe sur le champ d’honneur n’est pas mort en vain. Les combattants ne sont pas tombés en vain.
Voilà pourquoi si des hommes de rien, des hommes sans valeur morale, ont trouvé des justifications à l’action des rebelles, cela ne doit offusquer personne. Ce qui doit être sujet d’affliction, ce sont les pertes en vies humaines sur les champs de bataille. C’est cela qui doit affliger.
Ceux qui ont trouvé légitime la rébellion, examinons leur position. S’il nous faut nommer vice-président de la République un Touareg ou un Arabe, nous allons également nommer un vice-président qui sera bobo, un vice-président qui sera malinké, un vice-président qui sera bamanan, un vice-président qui sera peul ; bref, un vice-président sera nommé dans toutes les ethnies du Mali.
Si l’on trouve légitime la rébellion, pour chacun de nos postes ministériels, ministère des Affaires étrangères, ministère de l’Agriculture, ministre de l’Elevage, ministère des Finances…, nous allons nommer un Touareg ou un Arabe, nous allons créer, pour les secteurs d’activités, d’autres ministres. Ainsi, nous allons en créer pour les Bamanans , nous allons en créer pour les Peuls, nous allons en créer pour toutes les ethnies .
Si l’on trouve légitime la rébellion, que les 6è et 7è régions deviennent leurs régions (régions des Touaregs et des Arabes), alors, nous reconnaîtrons l’indépendance à ceux du Ouagadou, l’indépendance à ceux du Mandé, l’indépendance à ceux du Bélédougou, l’indépendance aux territoires bamanans (Bamaana), l’indépendance à ceux du Kénédougou. Chacun va être indépendant. Et si chacun devient indépendant, tout est fini. Le Mali n’a-t-il pas fini d’exister ? Si cela se produit, il n’y a plus de Mali et alors, il ne nous restera plus qu’à rester sans exister.
Si donc des hommes de rien, des hommes sans valeur morale, ont trouvé des justifications à l’action des rebelles, voilà ce qu’ils trouvent comme étant légitime. Voilà leur justification.
Certes, des temps immémoriaux à ce jour, il est dit dans nos chants : « C’est par la guerre que le Mandé a été détruit ; c’est par la guerre que le Mandé s’est construit. » Alors, [écoutons-les] et cassons le Mali. Si nous le cassons aujourd’hui, demain viendra quelqu’un qui va le reconstruire. Cela est certitude. Cela est évidence.
Mais avant qu’il ne soit cassé aujourd’hui, je le jure par Dieu, Dieu qui m’a créé et qui les a créés eux aussi, qui nous a tous créés, avant qu’il ne soit cassé, Dieu mettra fin à mes jours. Cela j’en suis sûr car je dispose de ce qu’il faut faire de ma vie et je considère comme mensonge que l’on puisse disposer de ce qu’il faut faire de sa vie et accepter l’inacceptable. Lorsque vous disposez de ce qu’il faut faire de votre vie, que quelqu’un veuille instaurer l’inacceptable, vous lui répondez que cela ne sera pas fait. Ainsi, vous vous assumez.
J’ai choisi de m’assumer. S’ils trouvent que c’est l’inacceptable qui doit être fait, moi, je m’assume. Maître de moi, je choisis de mourir plutôt que d’accepter l’inacceptable. Diviser le Mali ? Il sera dit que cela s’est produit après Moussa. L’unité, la fraternité : telles sont les voies que nous emprunterons. Celui qui ne souscrit pas à cela se retire. Quiconque enfreindra ce principe risquera sa vie. Il ne s’agit as de menace ni de quoi que ce soit qui lui ressemble. Je ne tergiverserai point sur ce principe. Non, je ne tergiverserai point sur ce principe. Et je ne crois pas que ceux-là qui s’opposent à notre démarche accepteront de tergiverser sur ce principe.
Nous formulons le vœu qu’à la suite des calamités qu’ils ont fait subir au Nord, Dieu étende son assistance à tout le monde, que Dieu mette fin aux épreuves. D’ailleurs, l’épreuve est terminée. Je le dis : la guerre ne mets pas fin à toute chose ; elle peut seulement l’atténuer.
Je leur [les rebelles] ai demandé pourquoi ont-ils fait la guerre ? Pourquoi ont-ils pris les armes ? Ils m’ont répondu que les armes leur ont été distribuées gratuitement, que les munitions leur ont été distribuées gratuitement, que l’argent leur a été distribué gratuitement, afin qu’ils donnent la preuve de ce qu’ils peuvent faire.
« Cède ! » « Je ne cède pas ! », c’est parce que vous n’avez pas eu la braise ardente déposée dans la main. Je leur ai demandé [pourquoi ils se sont rebellés]. Voilà ce qu’ils m’ont répondu. Est-ce là une raison valable ? Demander que le Mali soit partagé ? Cela peut-il être une raison valable ? Demander que le ministère des Affaires étrangères leur soit attribué peut-il être une raison valable ? Les Bamanans ne parlent jamais pour ne rien dire : « Si la paillotte résiste au temps, c’est parce ceux qui sont à l’intérieur se supportent. Sinon, chacun sort par la porte qu’il se serait pratiquée. De ce que je dois faire, je ne me dissimulerai pas derrière le mensonge.
Chaque année, le Parti décide de ce qui doit être débattu comme sujets. Cette année, il a décidé que l’on débatte de la démocratie. Quand il est retenu que nous devons parler de la démocratie, n’est pas le peuple du Mali qui a décidé de la création du Parti ? Est-ce Moussa qui a décidé de la création du Parti ? Ce n’est pas Moussa qui a décidé de la création du Parti. C’est l’ensemble du peuple malien qui a en décidé. Donc, le débat sur la démocratie est un débat qui sera instauré entre tous les Maliens. Ce qui sortira comme décision de ce débat sera la décision de tout le monde. C’est ce que nous examinerons en toute sérénité afin trouver les voies et moyens pour mettre en œuvre cette décision. Une personne ne saurait contraindre le peuple ; une personne ne saurait le faire. Une minorité ne saurait contraindre le peuple ; une minorité ne saurait le faire.
Maintenant, ceux qui disent qu’ils vont en imposer au peuple par la violence, je vous demande de les laisser continuer leur chemin. Que le peuple les laisse passer, est une forme de dignité. Que le peuple les laisse passer, est une forme de patience. Tout ce qui s’est dit, le parti déclare l’avoir entendu en entier, qu’il l’examinera dans son intégralité. Mais il est un fait, et cela rejoint mes premiers propos, quiconque se propose de semer le désordre dans le Mali, wallahi, je le jure par Dieu, il ne s’agit pas de menace : nous lui ceindrons la tête de l’enfer. (an bi jahanama siri i kun na). Nous lui ceindrons la tête de l’enfer. Se conduire comme l’on veut peut se concevoir. Détruire ne peut se concevoir.
Ceux qui disent qu’ils ne sont pas partie prenante du dialogue, qu’ils fassent ce qu’ils veulent ; qu’ils fassent ce qu’ils veulent. A ceux qui trouvent que nous asseoir pour nous concerter est voie de salut, je réponds : assoyons-nous pour trouver la voie du salut ; assoyons-nous, échangeons et trouvons la voie du salut ; se concerter et se comprendre est voie du salut. Nous nous connaissons tous ici. Tous, nous nous connaissons. Nous sommes tous informés du Ouagadou, nous sommes tous informés du Mandé, Nous sommes tous informés du Songhoï.
Aujourd’hui, s’il est question d’édifier le Mali, c’est nous tous qui l’édifierons. C’est nous tous qui l’édifierons. C’est nous tous qui l’édifierons. Semer le trouble dans le pays, ont-ils dit. Semons-le ! Semons-le ! Ceux qui seront les premiers à le semer, si cela comporte un profit, ils seront bénéficiaires de ce profit. Si cela comporte un profit, ils seront bénéficiaires de ce profit. Wallahi, je le jure par Dieu, si cela comporte un profit, ils seront bénéficiaires de ce profit.
Maintenant, le troisième point de mon intervention. Il concerne nos propres efforts, les efforts que nous consentons afin que le pays progresse. Je n’ai jamais vu et je n’ai jamais entendu, et je ne crois pas qu’il se trouve quelqu’un ici qui pourrait soutenir avoir vu ou avoir entendu qu’un pays s’est construit sans le travail. Je ne l’ai pas vu, je ne l’ai pas entendu. C’est par le travail que le pays se construit. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’efforts ont été déployés pour que notre pays puisse progresser, que nous puissions édifier notre pays.
Si nous pensons que ce sont d’autres qui viendront édifier notre pays, cela traduirait notre démission. C’est ce que cela signifierait. Cela signifierait que nous avons emprunté la voie menant à l’asservissement. Celui qui nous aiderait nous asservirait. C’est ce que cela signifierait. Donc, n’allons-nous pas nous ceindre les reins ? N’allons-nous pas nous ceindre les reins ? il ne s’agit pas de menace il ne s’agit pas d’autre chose. Celui qui refuse de travailler, choisit de refuser de se sustenter ; or, refuser de se sustenter, c’est choisir de mourir.
N’allons-nous pas nous ceindre les reins ? Ceux qui disent qu’ils nous aident ou ne nous aident pas, je le dis, ceux-ci ont choisi de se ceindre les reins pour construire leur pays. Le Ouagadou a été édifié. Qui est venu nous aider à l’édifier ? Qui nous a aidés ? Avez-vous entendu dire qu’on est venu nous aider ? Le Mandé a été édifié. Avez-vous entendu dire que quelqu’un est venu nous aider ? Quand le Songhoï s’édifiait, avez-vous entendu dire que quelqu’un est venu nous aider ?
Ne nous ceignons pas les reins. Si nous ne ceignons pas les reins, certains faits se produiront : nous serons asservis. Etre asservi, tout le monde comprend ce que cela signifie. Ce sera le travail contraint, le travail effectué de force, que cela plaise, que cela ne plaise pas. Ainsi prendra fin l’honneur, ainsi prendra fin la dignité.
Ceux qui refusent de travailler, obligeons les à cela. Le Somono pêche en tenant compte de l’état de la crue du fleuve. C’est en tenant compte de l’état de la crue du fleuve que le Somono pêche. Edifier le Ouagadou, le Mandé et le Sonhoï et en arriver aujourd’hui à nous reconnaître incapables de construire notre pays doit surprendre. Cela doit surprendre.
C’étaient là les trois points que j’avais à développer à l’attention des fidèles musulmans, ainsi qu’à l‘attention des Bamakois. Puisse Dieu nous assister. Puisse Dieu nous inspirer une saine réflexion. S’il nous inspire une saine réflexion, qu’il nous donne la foi, qu’il nous donne la foi, qu’il nous gratifie, qu’il nous comble de ses bienfaits par amour pour son Prophète, par la grâce de ce jour, bénédictions soient sur Lui. LA SIRENE