A l’allure où vont les suspensions, trois en trois séances, l’idée que ce procès sera reporté à une date ultérieure n’est plus à écarter.
Cela fait bientôt une semaine que la Cour d’assises est en transport à Sikasso pour juger Amadou Haya Sanogo et ses co-accusés dans l’affaire dite des bérets rouges. Mais, depuis toujours, c’est du sur-place. Rien ne bouge. Les familles des victimes sont celles qui en souffrent le plus de cette situation. Venues de Bamako à leurs propres frais et logées à l’hôtel Kaaky, toujours à leurs propres frais, selon Me Waly Diawara, pour voir la vérité éclater et, enfin, faire leur deuil, elles sont prises entre le marteau des avocats de la défense et l’enclume du parquet. C’est dans une grande dignité, la foi en bandoulière qu’elles sont régulièrement présentes à l’audience. Et c’est avec le cœur serré qu’elles repartent à chaque fois de la salle d’audiences avec le sentiment d’être des laissées pour compte. De six au départ, elle s’est retrouvée avec quatre avocats lors de la séance du lundi 5 décembre. Avant son départ, Me Assane Dioma N’Diaye du Barreau sénégalais avait fustigé le comportement du parquet malien qui avait empêché les avocats d’accéder à la salle d’audiences avec leurs téléphones portables. Si leur porte-parole, Ismaël Fané, dit comprendre les motifs des deux premières suspensions, ils sont nombreux à se poser la question, après la troisième suspension, si le parquet a réellement la volonté de rendre justice. Cette même volonté de la justice est aujourd’hui source de beaucoup de commentaires et de supputations. Selon cet observateur, le délai de détention étant arrivé à terme et vu le nombre des voix qui se levaient pour demander la relaxation de Sanogo et ses hommes, il fallait, pour le parquet, faire quelques choses pour justifier leur maintien en prison. Bien qu’ayant effectué un long déplacement jusqu’à Sikasso, il se dit sceptique quant à l’aboutissement du procès. Il pointe du doigt les faux prétextes trouvés à chaque fois pour suspendre le procès. « Comment expliquer que des personnes qui sont détenues depuis des années n’aient pas suffisamment le temps de préparer leur défense sachant qu’ils feront face tôt ou tard à la justice », s’interroge t-il. Pour cet autre partisan d’Amadou Haya Sanogo, il faut être dupe pour croire que le régime actuel ait envie de tenir un tel procès à quelques mois d’une année de la présidentielle. «Si le procès venait à se tenir connaissant le caractère d’Amadou Haya Sanogo il n’hésitera pas à balancer des noms et Dieu sait que nombreux sont ceux qui sont au pouvoir actuellement qui verraient leurs liens et pourquoi pas leurs complicités avec l’ex-junte étaler sur la place publique ». Il croit plutôt à un simulacre de procès pour, premièrement, écarter la question de la limite de la détention provisoire et, deuxièmement, envoyé un message sur la volonté supposée du régime de faire ce procès. Il dit plaindre les familles des victimes qui, à son avis, sont les seules à croire que la justice se ferra ici à Sikasso. Au même moment, les avocats des deux camps et le parquet se disent confiants quant à la tenue de ce procès et estiment que les motifs de suspensions jusque là évoquées sont valables. Mais, quand 23 témoins de la partie civile, majoritairement présents à l’ouverture, disparaissent au nez et à la barbe de la police et de la gendarmerie et que l’avocat général près la Cour d’appel, Mohamed Maouloud Najim, avoue ne pas savoir où ils se trouvent-ils, l’on est tenté de croire qu’en prélude au sommet Afrique-France le gouvernement malien, pour des besoins de communication, ait organisé ce «simulacre» de procès en vue de mieux se faire voire par la communauté internationale. En tout cas, après trois suspensions en autant de séances, l’idée d’un report n’est plus à écarter.
Mohamed Dagnoko, Envoyé Spécial : LE COMBAT