Réunie en session extraordinaire, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) menace d’observer une grève de 3 jours, à partir du 18 novembre 2020, si ses revendications ne sont pas satisfaites. Le hic, c’est que le ton et le timing de cette menace suscitent beaucoup de questions dont les réponses ne sont pas forcement à l’avantage de la centrale syndicale.
L’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) «exige du gouvernement l’extinction, avant fin 2020, de tous les accords signés de 2014 à 2020 au terme d’un chronogramme précis avant le 10 novembre». Et la centrale a dressé une liste de 12 revendications, dont «l’amélioration de la grille salariale, la relance du chemin de fer»…
Des revendications sans doute légitimes. Mais, on est surpris que l’UNTM exige d’un gouvernement de transition la satisfaction en quelques semaines d’accords dont certains dormaient dans les tiroirs depuis six ans. Et cela comme si Yacouba Katilé et ses camarades ignoraient la vocation essentielle d’une transition. Voudraient-t-ils saborder cette période cruciale dans le redressement de la gouvernance du pays qu’ils n’agiraient pas autrement.
Nous ne contestons pas la légitimité des revendications, mais il ne faut pas trop attendre d’une transition de 18 mois qui a trouvé que les caisses de l’Etat étaient vides et dont les missions essentielles sont connues : la refondation de l’Etat à travers des réformes politiques et institutionnelles, organiser des élections transparentes et crédibles…
Et il est dans l’intérêt de tous les Maliens d’appuyer les autorités de la transition à bien réussir cette mission ! A commencer par les centrales syndicales qui doivent savoir raison garder pour ne pas être des obstacles à la réussite de cette transition. Personne ne demande de donner un blanc-seing aux autorités transitoires. Mais, ce n’est pas le moment idéal pour leur mettre les bâtons dans les roues.
Ce que nous attendons aujourd’hui de nos centrales syndicales, c’est de peser de tous leurs poids pour le respect strict de la Feuille de route de la transition, de s’investir dans la lutte contre la corruption, un fléau qui est en partie responsable des dysfonctionnements ayant créé les situations à la base de leurs revendications. L’ère n’est pas donc à des menaces de grève, mais aux contributions pour une transition réussie.
Une attitude qui risque de discréditer une centrale dont l’image a été écornée par la crise sociopolitique
Il est dans l’intérêt des responsables de la centrale historique de revoir leur position pour ne pas se discréditer davantage aux yeux de l’opinion nationale. Il ne faut pas se voiler la face, peu de Maliens ont compris la «neutralité» qu’elle a affiché dans la crise sociopolitique qui a paralysé le pays de juin au 18 août 2020. Et ils sont nombreux à penser que les responsables de l’UNTM étaient plutôt favorables au régime déchu au point de fermer les yeux sur les revendications pendant six ans. Et en menaçant de prendre la transition en otage moins de 3 mois après sa chute, l’UNTM apporte de l’eau au moulin de ceux qui défendent cette thèse.
Cette pression politico-syndicale donne aussi raison à ceux qui pensent que ces nombreux préavis ont un lien avec la promesse du président de la transition de traquer les délinquants financiers en donnant notamment une suite judiciaire au rapport 2019 du Bureau du Vérificateur général (BVG). Et de là à dire que les responsables syndicaux ont aussi quelque chose à se reprocher, il y a un pas que beaucoup d’analystes et commentateurs ont vite franchi.
Il est temps que le gouvernement prenne langue avec les centrales syndicales et les amener à prendre conscience que ce n’est vraiment pas le moment des revendications corporatistes, mais de sauver la République et la démocratie en entreprenant des reformes audacieuses. Et les contributions des syndicats sont très attendues pour enrichir sur le débat sur ces reformes.
Et compte tenu de la durée d’une transition (18 mois pour celle-ci), les autorités actuelles doivent refuser de jouer au sapeur-pompier comme les différents régimes politiques qui se sont succédé dans notre pays depuis mars 1991. D’où la pertinence de l’initiative d’organiser une conférence sociale afin de discuter de l’ensemble des revendications des travailleurs du Mali. Sinon, rien n’oblige le gouvernement à prendre des engagements dont la mise en œuvre donnera des problèmes à celui qui sera démocratiquement élu à l’issue de la transition.
La priorité, aujourd’hui, c’est la sécurité, les réformes et des élections générales transparentes, donc crédibles, pour doter notre pays d’institutions à la hauteur des défis qu’il doit impérativement relever pour sa survie en tant que République, en tant qu’une démocratie.
Naby