samedi 23 novembre 2024
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Orange Mali et Malitel entravent la bonne utilisation des applications comme WhatsApp et Viber sur leurs réseaux

Depuis quelques années, la popularité des applications de voix sur IP (VoIP) ne fait que croître, causant une baisse soutenue du nombre d’appels traditionnels. Cette baisse engendre des pertes de revenus pour les compagnies de télécommunication. A travers le monde, les télécoms mènent des batailles féroces pour obtenir leur part des bénéfices réalisés par les applications VoIP sur leurs réseaux. Certaines compagnies vont jusqu’à utiliser des tactiques répréhensibles et illégales contre leurs utilisateurs.
Selon une enquête de Malilink Investigative Reporting Group (MIRG), les deux compagnies de télécommunication au Mali mènent une guerre secrète contre leurs clients. Depuis le premier trimestre de 2016, Orange-Mali et Malitel dégradent délibérément le service des applications comme Viber et WhatsApp afin de dissuader leur utilisation. Dans le jargon des télécoms, cette pratique est appelée «throttling». Selon les enquêtes de MIRG, en moyenne seulement 1 appel sur 15 avec Viber réussit sur le réseau d’Orange. Pourtant la bande passante du réseau est adéquate pour un appel. Il semble aussi que ces dégradations sont provoquées exclusivement sur les réseaux cellulaires des opérateurs. Le service DSL n’est pas affecté par ces manipulations. Il est bien probable que Orange et Malitel utilisent cette tactique parce qu’un blocage total de ces applications créerait une indignation populaire comme ce fut le cas au Sénégal ou au Maroc.
En mars 2015, la société Orange Sénégal avait été accusée d’interdire «illégalement» les internautes d’accéder aux services de communications vocales libres de Viber et de WhatsApp. L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) du Sénégal avait alors donné un délai de 48 heures à Orange pour s’expliquer. Ce blocage par Orange était une tentative visant à protéger ses revenus sur les appels normaux en refusant effectivement aux utilisateurs l’accès à d’autres alternatives basées sur IP.
En janvier 2016, les trois fournisseurs de services de télécommunication au Maroc avaient aussi bloqué les appels «gratuits» sur Internet mobile. Le blocage couvrait les applications telles que Skype, Viber, Facebook et WhatsApp et a été critiqué à travers le pays par les utilisateurs des réseaux sociaux.
Lorsque les sociétés de télécommunication conviennent d’augmenter le prix ou de bloquer un service particulier, elles imposent un monopole indirect sur le marché. Les opérateurs affirment qu’ils ne seront pas en mesure d’investir et de développer la qualité du réseau ou d’élargir leur gamme dans le cas d’une baisse des bénéfices en raison des «Over the Top Services» (OTT). Le terme OTT est utilisé pour désigner des applications qui fournissent des services concurrents, tels que des appels et des messages texte. Au Mali, il n’existe pas de législation spécifique dans le cadre de la loi actuelle sur les télécommunications en matière de VoIP et, en tant que telle, la téléphonie IP est autorisée.
Le principe de neutralité du réseau met l’accent sur le rôle des télécoms en tant qu’intermédiaire neutre qui ne fait pas de distinction entre les données circulant dans son réseau, sauf par voie d’ordonnance judiciaire. Cela protège non seulement l’utilisateur, mais protège également une entreprise de télécommunications en tant que partie qui peut être tenue responsable, sans justification légale, de ce qui passe sur ses réseaux. La relation entre une entreprise de télécommunications et un internaute ne doit pas être différente de la relation entre le bureau de poste et un client. Tout comme un client paie en échange de la livraison d’un paquet, sans l’interférence de la poste dans le contenu du paquet, un opérateur fonctionne comme l’intermédiaire du contenu avec lequel il n’interfère pas.
Les organismes de réglementation des télécommunications en Inde, au Brésil et aux États-Unis ont publié les stratégies qu’ils suivent pour réglementer le principe de la Neutralité du Réseau et les relations entre les entreprises et les applications. La règlementation des services de télécommunications au Sénégal est basée sur le principe de la Neutralité du Réseau.
En plus des raisons économiques qui poussent les opérateurs maliens à limiter l’utilisation des applications de téléphonie, une autre hypothèse doit être considérée. Les applications comme Viber utilisent des méthodes de chiffrage très efficaces ; ce qui rend très difficile la surveillance par les services de renseignement et la police. Le chiffrage des messages contrarie beaucoup de gouvernements à travers le monde parce que leurs anciennes méthodes d’espionnage ne sont plus efficaces. Au Mali, il est notoire que les services de renseignement sont devenus un outil politique. Les écoutes téléphoniques sont faites sans surveillance judiciaire, et les abus sont fréquents. La Sécurité d’Etat utilise le prétexte d’être limitée dans ses capacités. Il est bien possible que les opérateurs comme Orange Mali et Malitel ont reçus des directives du gouvernement pour décourager l’utilisation de certains applications de téléphonie.
Néanmoins, les utilisateurs ont un moyen de contourner les tripatouillages d’Orange et de Malitel en installant une application VPN (Virtual Private Network). Une app VPN crée un tunnel impénétrable sur un réseau, dissimulant ainsi le contenu de la communication. Certains application VPN comme Spotflux et HotSpot Shield sont disponibles gratuitement.
L’autorité Malienne de Régulation des Télécommunications (AMRTP) est l’organe de régulation des opérateurs de télécommunications au Mali. Son rôle est de veiller à ce que l’intérêt public soit protégé. Elle doit ordonner à Orange Mali et à Malitel d’arrêter immédiatement leur interférence avec le bon fonctionnement des applications de leurs utilisateurs. Si le Mali tient à développer son économie de l’information, de telles pratiques ne peuvent être tolérées.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis
amadou@amadouwane.com

Djibril Coulibaly

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