Ce jeudi 25 juin, pratiquement trois mois après le rapt de Soumaïla Cissé le 25 mars dernier entre Saraféré et Koumaïra, le tout Niafunké a battu le pavé pour demander à IBK de ramener l’enfant du pays aux siens. C’était à l’initiative des femmes de la circonscription en leurs qualités de sœurs, épouses et mères. Un message fort.
Le cortège, qui a mobilisé femmes et hommes, jeunes et plus âgés, politiciens et société civile locale, était dense. De mémoire d’anciens, le vieux chef-lieu de la préfecture de l’Issa Ber (c’est-à-dire là où le fleuve est le plus large, en l’occurrence le Niger) n’a jamais connu pareil convoi citoyen dans ses rues. Cette singularité est d’autant expressive qu’il ne s’agissait pas de conflits sociaux ou politiques, mais bien le désir ardent des populations cosmopolites (sonrhaï, peulhs, bozos, bamanans…) unies pour réclamer le retour d’un des leurs, sans doute le plus célèbre d’entre eux depuis 1960, pour les services grandioses qu’il n’a cessé de rendre à la nation malienne. Inutile de dire que la sincérité populaire était la chose la mieux partagée pendant cette mobilisation. Inutile de relever que l’émoi était fort, car lié au fait que nul ne sait avec certitude si Soumaïla Cissé est réellement vivant ou pas. Encore inutile de mentionner que la colère des uns et des autres était à son paroxysme.
L’entrain des porteurs de pancartes, le rythme et la cadence des marcheurs suffisaient à notifier que celles et ceux de Niafunké ne rigolaient pas et qu’ils veulent une satisfaction immédiate. Une pancarte disait d’ailleurs sans ambiguïté que IBK est le vrai ravisseur.
Il y a des raisons à une telle attitude. C’est IBK en personne, à la faveur d’une rencontre avec des acteurs politiques de son bord (rencontre boudée par les responsables du M5-RFP, c’est important de le souligner) au C.I.C.B., le mardi, 16 juin, qui a donné l’assurance que Soumaïla Cissé sera bientôt libre parce que la République sait maintenant en quelles mains il se trouve et où il se repose. Dix jours jours après, aucune nouvelle, encore moins le visage du chef de file de l’opposition. Or, 24 heures avant IBK, l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, respectable personnalité au patriotisme avéré nommé à la tête de la cellule mise en mission pour obtenir la libération de Soumaïla Cissé, avait donné la même assurance. Il faut rappeler que, dans son adresse à la nation au soir du 25 mars, alors qu’il était parfaitement informé du criminel enlèvement de son challenger, IBK n’avait pas eu le moindre mot de compassion pour lui. Il ne se résoudra d’ailleurs à mettre en place la fameuse cellule que 72 heures après.
La question que les citoyens de Niafunké se posent aujourd’hui, avec eux tous les Maliens et le monde entier, est de savoir sur la base de quels renseignements précis IBK a pu annoncer la libération imminente de Soumaïla Cissé à un moment où c’est son pouvoir qui est contesté par l’écrasante majorité de ses concitoyens. En visitant l’histoire, on apprend que toutes les annonces de libération d’otages faites par des chefs d’État ont été suivies d’effets positifs dans les heures suivantes, au plus tard dans les 48 heures. Que cache donc Ibrahim Boubacar Keïta ? Cette question, pour un jeune étudiant de Bamako, est très mal posée. Que ne veut-il pas avouer? reformule-t-il.
L’attente dure et met les nerfs à fleur de peau. Il y a anguille sous roche, il y a quelque chose de pourri au royaume de l’Ibkatie. Pr. Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale du Mali, ami de Soumaïla Cissé et qui se réclame aîné attentif d’Ibrahim Boubacar Keïta, en bon médecin, a donné son diagnostic de l’affaire : « Tout a été fait pour que Soumaïla Cissé ne revienne plus à l’Assemblée nationale du Mali ». Pr Ali Nouhoum Diallo a du reste refusé d’épauler Ousmane Issoufi Maïga dans sa délicate mission au motif qu’il ne veut pas paraître comme agent de la Sécurité d’État. Et d’ajouter : « …Je ne trahirai pas de secret, mais avec le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, nous nous sommes dit des choses… » Paroles lourdes s’il en est, qui nous conduit à Al Capone, Michel Tomy, etc.; écartons de bon gré Robin des bois et Ali Baba.
À mi-chemin du lugubre marathon qui nous est imposé, une autre perspective, plus effroyable, se présente à nos intelligences malmenées. Soumaïla Cissé n’est-il pas la rançon qu’IBK ne peut nous réclamer ouvertement puisqu’il estime que nous sommes suffisamment perspicaces pour comprendre? Depuis dix jours après son annonce de la libération imminente de Soumaïla Cissé, si le peuple avait consenti le sacrifice de le laisser à son poste, clairement en renonçant à lui demander de démissionner, la puante rançon aurait été ainsi payée et nous serions en fête, oubliant tous les maux qui font le délitement de notre pays. C’est certainement pour cela que dans son autre adresse à la nation du 14 juin, tout en nous assurant qu’il nous a compris, il n’a pas encore fait mention de Soumaïla Cissé qui fait incontestablement partie des problèmes de la nation. Il y a un chantage ignoble, comprenons-le.
Amadou N’Fa Diallo