Tient-il encore les commandes de l’État ou est-il en fuite? Observe-t-il un sabbat politique ou est-il en retraite spirituelle ? Depuis jeudi dernier, le Président ne donne en tout cas aucun signe de présence sur le territoire national, au point de déclencher les rumeurs les plus folles.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Parmi ceux-ci, un crime odieux qui continue de défrayer la chronique dans notre pays. Après avoir été séquestré par la Sécurité d’État, l’absence du journaliste Birama Touré depuis cinq ans ne laisse nul doute sur sa disparition et son enterrement clandestin dans une fosse creusée à la va-vite, demeurée inconnue à ce jour. De même, la non-tenue du conseil des ministres la semaine passée indique clairement aux observateurs que le pouvoir, avec à sa tête le président de la République, est tant mis à rudes épreuves qu’il a perdu sa boussole. La gouvernance est comme en hibernation, en villégiature ou en repos d’une semaine. De mémoire d’anciens, sauf petit trou, c’est la première fois dans l’histoire du Mali, en effet, que le traditionnel conseil des ministres a séché une semaine sans qu’aucune explication officielle soit donnée. Très certainement, dans les cercles du régime, il y avait panique jusqu’à l’anxiété. Certes, le Premier ministre a annoncé tambour battant l’augmentation du prix d’achat du coton comme bonus inespéré aux producteurs, mais le fait que cette opération de charme ait eu lieu le dimanche, jour férié, a soulevé des interrogations. Une activité extra gouvernementale ou un petit pas cosmétique en direction des cotonculteurs considérés à juste titre comme le plus grand potentiel électoral du pays, donc une importante chasse politique, surtout par ces temps troublés et ô combien sous la pesanteur de moult incertitudes ? Ou encore, est-ce une enjambée pour rejoindre au plus vite, et pour caresser dans le sens du poil, des partisans de Bakary Togola remontés à bloc contre IBK qu’ils ne cessent de maudire, allant jusqu’à souhaiter qu’il périsse dans un crash d’avion ? Oui, une course vers la zone CMDT ! De cette zone dite, région de Sikasso, ne dit-on pas, en effet – et c’est vrai, hein ! – que politiquement, ce sont au moins quatre millions d’électeurs, soit la moitié de tout le collège électoral national ? C’est le fief du gentleman-farmer Bakary Togola, soutien d’IBK jusque dans la moelle de ses os, mais qui est si furieux en prison d’être abandonné par son Champion, homonyme de son père, le doux « N’fatogoma », qui a fait pourtant libérer l’apparatchik Mahamadou Camara, en le laissant, lui, pourrir comme une souris prise dans un piège inattendu ? D’ailleurs, Dr. Boubou Cissé s’est-il vraiment concerté avec le président de la République pour décider de la fameuse augmentation du prix du coton ? Ou a-t-il simplement usé pour cela d’une prérogative inconnue du grand public ? En attendant la réponse à plusieurs questions que l’actualité impose, force est de remarquer aussi que le lendemain de l’annonce de la bonne nouvelle aux cotonculteurs, le lundi 08 juin, un journal a publié en manchette l’accusation de Baba Berthé, ancien PDG de la CMDT, qui a indexé le Premier ministre à l’opinion publique nationale comme le véritable coupable des 18 milliards considérés comme détournés des comptes de l’entreprise cotonnière nationale.
Dans tous les camps, c’est IBK qui se trouve sur le fil du rasoir. C’est lui le chef au sommet, la clé de voûte de toutes les institutions de la République. Son pesant silence depuis presque deux semaines, lui d’ordinaire adepte du verbe haut jusqu’à narguer publiquement ses adversaires, montre bien qu’il y a malaise dans le Saint des Saints de l’État ; peut-être bien que la voix la plus autorisée de la nation est subitement étranglée. Mais qui attrape sauvagement la gorge de notre Président ? Pourquoi ?
Le Président a certainement peur, il est très inquiet. Il n’a plus avec lui des forces politiques de taille capables de faire face à la fronde déterminée qui le vise. Cela, il le sait. Là est le meilleur des scénarii. Sinon, les rumeurs les plus folles le donnent en fuite, quelque part au Golfe, en France ou même dans une villa dans la proximité de l’ambassade des USA à Conakry. On ne peut ne pas croire à une telle éventualité. En effet, IBK a donné de lui-même l’idée d’un homme à poigne, qui affronte les dangers avec, s’il le faut, une insouciance suicidaire. Récemment, n’est-ce pas lui qui a fait mater la marche des enfants, puis envoyer les Forces Spéciales Anti-Terroristes (Forsat) flinguer les protestataires post-électoraux à Sikasso, occasionnant des drames humains ? Pour une fois, on voit avec étonnement qu’il choisit le silence et l’inertie, et peut-être la politique de l’autruche. Il serait politiquement correct qu’il donne un signe de sa présence au Mali ou qu’il lève le voile sur sa fuite supposée. Où es-tu, Président ?
Amadou N’Fa Diallo