Nan lara An Sara ! L’avertissement était de Joseph Ki Zerbo (1922-2006), l’un des pères spirituels d’un jeune qui a payé de sa vie son opposition au néocolonialisme, au vol des richesses de son pays, à l’acculturation : le capitaine Thomas Isidore Noël Sankara.
Nan lara An Sara aurait pu être aussi des pères de l’indépendance du Mali qui nous ont affranchis de la domination coloniale. Le Mali est pays d’hospitalité, mais une terre de bravoure. C’est par respect et par humilité que le Malien pouvait refuser de croiser un regard. Mais pas par la peur ni par la honte. Oui ! Nous fûmes un peuple fier et orgueilleux, brave.
Et aujourd’hui, nous sommes presque la risée du monde. Pourquoi ? Parce que nous avons abandonné le destin de ce pays entre les mains des bluffeurs mégalomanes soucieux de leur propre confort que du bonheur collectif. Nous nous sommes laissé berner par des discours mielleux et faussement religieux.
Nous sommes réduits aujourd’hui parce que nous nous sommes couchés pour adorer des gens que nous avons nous-mêmes élus. Loués par des opportunistes, ils se rêvent déjà en empereur et pourquoi pas en Dieu. Ils ont bradé notre intégrité territoriale en nous imposant un accord dans lequel aucun digne fils ou fille ne se reconnaît. Et aujourd’hui, ils poussent le mépris à vouloir adapter notre Loi fondamentale à ce document, symbole de la capitulation forcée d’un peuple face à des mercenaires récupérés en Libye, manipulés et armés pour nous empêcher de dormir.
Accepter ce viol de la Constitution du 25 février 1992, serait la capitulation qui risque d’enterrer à jamais notre souveraineté et les maigres acquis de l’expérience démocratique. Devons-nous accepter de trahir nos martyrs une fois de plus ?
Non ! Non à la révision constitutionnelle ! Non à la trahison de la mémoire des martyrs de la révolution de mars 1991 ! La Constitution n’est pas le Coran et la Bible ! Mais, celle de 1992 a une valeur symbolique pour la République car marquant la rupture avec une période peu glorieuse de notre histoire contemporaine.
Contrairement au torchon rédigé dans un cabinet parisien sans aucun égard pour l’histoire de notre nation, la Loi fondamentale du peuple est l’émanation de la volonté réelle d’un peuple souverain à travers la Conférence nationale.
Comme toute œuvre humaine, elle est perfectible. N’empêche que les lacunes indexées découlent beaucoup plus de l’égarement et de la manipulation des hommes et que de réelles insuffisances. La Constitution doit être révisée pour l’adapter aux enseignements tirés de 25 ans d’exercice démocratique. Mais, cela doit se faire en conformité avec la volonté du peuple qui a clairement défini ses modalités. Ce n’est pas parce que le régime a courbé l’échine devant des rebelles adossés à une communauté internationale partisane que nous allons fermer les yeux sur cette tentative désespérée de faire main basse sur nos institutions à des fins despotiques.
Comme le disait Ki-Zerbo à propos de son livre, « L’Histoire de l’Afrique Noire, d’Hier à Demain » (Hatier 1978), cette marche patriotique est « une bouteille à la mer, avec l’espoir que son message sera recueilli surtout par les jeunes et contribuera à dessiner en traits authentiques le visage si peu connu, si méconnu, de l’Afrique d’hier, fournissant ainsi les bases d’une plus saine approche et d’une plus farouche détermination pour bâtir celle de demain ».
Oui comme la marche unitaire de cet historique samedi 17 juin 2017, nous avons besoin de nous donner la main pour bâtir ce Mali nouveau dont le projet a été stimulateur du Mouvement démocratique ayant abouti à la victoire de mars 1991. Il est ainsi indispensable de se libérer des clivages politiques, nous défaire du cloisonnement traditionnel de notre scène politique qui est loin d’être progressiste. Son organisation actuelle réduit la politique à une guerre de positionnement personnel et clanique aux dépens de l’intérêt national.
Jamais les acteurs politiques n’ont brillé par une vision claire de l’indispensable changement permettant au Mali de se réaffirmer comme un Etat véritablement souverain et dont le souci principal des dirigeants est le mieux-être des citoyens, le confort du peuple et non l’obéissance à des maîtres qui tirent leur puissance de nos richesses outrageusement pillées.
Nan lara An Sara ! Le Mali utile, la République consciente est débout ! Nous espérons pour de bon. Nous ne devons plus accepter que ce pays soit dirigé, comme le peint si bien notre sœur bloggeuse Tétou Gologo, par « des gens qui tiennent plus compte des exigences internationales que des besoins, souvent sommaires, de leur peuple ».
Cette marche doit marquer le début d’un mouvement de refus ! Refus que des aventuriers prennent le pouvoir pour mépriser le peuple au lieu de travailler dans le sens de ses aspirations légitimes. Nous voulons la paix et la quiétude, nous voulons la stabilité pour notre pays et le Sahel. Mais, nous tenons aussi à notre honneur et à notre dignité.
Et cela d’autant plus que des résistants à la pénétration française en Afrique aux innocentes victimes de « l’insécurité résiduelle » en passant par les pères de l’indépendance et les martyrs de la démocratie, beaucoup d’hommes et de femmes se sont sacrifiés pour que ce pays ne puisse jamais courber l’échine, que le Mali ne soit pas un Etat banal soumis au diktat de la communauté internationale, mais un partenaire crédible dans le concert des nations.
Nan lara An Sara ! Antè la tugun ! Refusons à jamais de nous agenouiller devant un régime ou un « partenaire » à plus forte raison nous coucher !
Moussa Bolly LE REFLET
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