Depuis l’avènement de la démocratie au Mali, symboliquement le 26 mars 1991, quel est le plus grand défi qu’un régime ait pu relever au bénéfice du peuple malien ? Quel est ce mal dont se plaignait le peuple pendant les années de dictature (militaire et du parti unique) qui ne s’est pas aggravé avec la démocratie ?
Manger à sa faim est un luxe dans ce pays arrosé par deux grands fleuves d’Afrique (le Niger et le Sénégal) avec leurs multitudes d’affluents qui offrent toutes les potentialités sylvo et agro-pastorales. Tout comme boire à sa soif même dans les centres urbains est aujourd’hui un luxe pour le Malien lambda.
L’électricité, dont l’accès facile à moindre coût est tremplin pour l’industrialisation du pays, donc indispensable à son émergence, demeure un luxe, malgré un temps d’ensoleillement exceptionnel, du vent qui souffle dans toutes les directions.
Le Mali est un eldorado pour des puissances industrielles comme la France. Comment expliquer alors l’immense pauvreté de la population d’un pays qui est le 4e producteur d’or, 2e du coton en Afrique subsaharienne, dont le cheptel est l’un des plus importants du continent et dont le delta central du fleuve Niger peut nourrir toute l’Afrique de l’Ouest ? Comment comprendre que le désœuvrement et l’absence de perspectives poussent les jeunes d’un tel pays à risquer leur vie pour un eldorado qui se nourrit pourtant de nos richesses ?
A notre avis, une seule chose explique que nous continuons à être des damnés de la terre : le manque de vision des nos dirigeants politiques ! Et cela depuis la fin prématurée de la première République pourtant assez dénigrée par des ennemis intérieurs manipulés pour discréditer ses dirigeants aux yeux de la population.
Aujourd’hui, nous en sommes là parce que la révolution de 1991 s’est arrêtée en cours de chemin. Ceux qui ont pris le pouvoir se sont plus préoccupés de le conserver que d’engager les réformes sociales, économiques et politiques pour honorer la mémoire de nos martyrs.
Nos pères de l’indépendance étaient non seulement conscients de nos potentialités, mais ils avaient mis le peuple au travail pour donner une assise économique à la souveraineté politique.
Et depuis ce coup d’Etat du 19 novembre 1968, le Mali a perdu sa souveraineté politique et nos acquis économiques ont été progressivement dilapidés parce que le Malien a constamment perdu ses valeurs socioculturelles. De citoyens, nous sommes devenus des individus sans foi ni loi pour qui le patriotisme sert juste à enrichir le vocabulaire.
La démagogie politicienne nous a détournés du culte du travail en faisant de nous tous des partisans du gain facile. Avec la démocratie, nous sommes allègrement devenus des citoyens inconscients, des individus assoiffés de fortune et de réussite sociale.
Notre monde se limite à la fortune, aux belles bagnoles, aux villas et aux belles femmes pour voyager aux quatre coins du monde. Cela ne pose pas de problème si cette fortune est acquise à la sueur du front et non en privant des communautés entières des services sociaux de base.
Au point qu’au-delà de vendre leurs âmes au diable, certains sont prêts à tous les crimes pour s’enrichir. Ils n’ont pas de respect pour leurs vies à plus forte raison celles des autres. C’est ainsi que nos fleuves et leurs affluents sont pollués par le mercure de l’orpaillage au vu et au su de tous, avec notamment la complicité des élus (maires, conseillers municipaux, députés) et de l’administration qui tirent les ficelles dans l’ombre. La pollution de la nappe phréatique, l’appauvrissement des sols… Que dalle !
Comme si nous ne réalisons pas le chaos vers lequel le pays avance, nous continuons à nous diviser pour soutenir ces mauvais jokers dont la seule vision du pouvoir est d’être dans les grâces de l’Occident, des grandes familles maraboutiques… pour se servir et servir leur clan !
Quelle que soit la pertinence de leur projet de société, ils deviennent des sapeurs-pompiers une fois au pouvoir parce qu’ils n’ont ni le courage ni l’audace de rompre avec le nombrilisme néocolonialiste pour engager de vraies reformes permettant au peuple de reprendre les sentiers du développement de son pays.
Des politiciens en déphasage de nos vraies préoccupations
Ce sont donc les mêmes vampires et vautours qui continuent de nous mener en bateau. L’alternance n’est pas une question de changement de chapelles, mais de rupture avec ce qui n’a pas marché. Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières, mais d’avoir plus d’ambitions à travers des projets de société réalistes et se donner les moyens de les concrétiser dans l’intérêt du peuple.
Ce sont des hommes en panne d’ambitions nationales qui continuent de nous berner et de nous rouler dans la farine. En dehors des discours démagogiques, ils ne comprennent rien à nos préoccupations, ignorent superbement nos attentes et aspirations pour gouverner en notre nom.
A nous jeunes, ils offrent des postes juste pour nous donner illusion que nous sommes importants à leurs yeux. Mais, en réalité, c’est pour mieux nous contrôler et nous éloigner de nos rêves et de nos ambitions, briser notre volonté de nous affranchir de certaines tutelles qui sont de vraies hypothèques au développement du Mali, de l’Afrique.
Nous avons le devoir de nous rebeller, de parachever la révolution de mars 1991 pour que le Mali soit ce que souhaite sa jeunesse et non un champ d’expression du néocolonialisme sous la conduite par des otages de Babylone.
Aujourd’hui, nos partis politiques ne sont pas des cercles de développement national, mais de réalisation d’ambitions personnelles le plus souvent opposées à l’émergence d’une société juste, équitable et réellement démocratique… Brisons ces chaînes pour unir nos forces au sein d’un mouvement patriotique.
Nous devons surtout comprendre que l’élection d’Emmanuel Macron en France, de Donald Trump aux Etats-Unis sont des faits isolés ou des mouvements spontanés comme la « France en marche ». Mais, c’est en droite ligne d’un monde en mutations.
Et même si tel était le cas, le Mali ne manque pas de jeunes visionnaires et compétents capables de mettre le pays en mouvement. Ils sont d’ailleurs nombreux, mais invisibles parce que le système actuel fait tout pour qu’ils ne puissent pas émerger et contrarier ses sinistres desseins. C’est ainsi que de jeunes Premier ministre ont été éjectés parce que trop en avance sur leur président en terme de vision politique.
La force de la France « En marche » est que la jeunesse s’est approprié le mouvement ! Si nous voulons un meilleur destin pour notre pays, la jeunesse doit s’affranchir de cette classe politique qui ne pense qu’à elle et à se régler les comptes pour conquérir le pouvoir et se servir. Des dinosaures qui ne cessent d’endoctriner la jeunesse de leurs chapelles pour perpétuer les mêmes vices et carences.
Avec la configuration politique actuelle de notre pays, il ne peut pas y avoir de perspectives de développement. Il est temps que la jeunesse réellement consciente se libère de ces chapelles de l’utopie et de tous les vices favorables à l’ancrage de la pauvreté, de la corruption, de la délinquance financière, de la gabegie, du népotisme, de l’injustice et de toutes les formes de spéculations.
Jeunes du Mali, levons-nous ! C’est le moment plus que jamais de rompre les clivages politiques pour nous donner la main et prendre notre destin en main ! Le Mali ne peut et ne doit pas se faire sans les jeunes qui, malheureusement, ne sont encore réellement présents dans la gouvernance que dans les discours de campagne.
Il est temps de prendre l’arène politique à notre compte, ne laissons pas cette opportunité de changer le destin du Mali nous échapper comme en 1991 quand la révolution a été confisquée, détournée de ses vrais objectifs.
Anw ka wili, wati sera ! Amen !
Moussa Bolly LE REFLET