De manière sournoise et sans fracas, les terroristes de l’extrémisme violent ne cessent de s’installer sur des pans du territoire malien. Pendant ce temps, dans la capitale et dans d’autres villes du sud, l’heure est à l’autocongratulation. L’on se félicite que le Mali ait, dans la direction du pouvoir, un gouvernement bien guidé, éclairé, inspiré comme par une espèce de lumière qui viendrait d’un autre monde. L’on occulte la réalité du pays, comme si les localités qui subissent le joug des bandits armés ne font pas partie de la République.
Prendre conscience de la gravité de l’heure et de l’immensité du chantier qu’attend le Mali dans sa marche vers un pays refondé. C’est sur cet axe que devrait se focaliser la communication gouvernementale. Et non, se complaire à citer des réalisations qui n’auraient d’autres finalités que de flatter l’égo des Maliens. A l’ouverture de la semaine de la Réconciliation, jeudi dernier, à entendre les propos des intervenants, tout serait bon au Mali, ou tendait à l’être, grâce au leadership éclairé du président de la Transition, Assimi Goita et de son gouvernement. Au même moment, des Maliens vivent l’injustice d’une classification sociale basée sur le bien acquis, en nature et en espèce, quand ils ne sont pas victimes d’exactions de la part de bandits armés.
Et si la partition que l’on craint était déjà une réalité, par notre propre faute ?
A très juste titre, Moussa Ag Acharatoumane, membre du CNT, déplorait le 22 avril 2022, que l’Etat malien tombe dans la banalisation des attaques terroristes perpétrées au nord du pays en ces termes, en faisant allusion aux régions de Gao et de Ménaka : « La République ne pleure pas de la même manière ses morts. Pas de drapeau en berne, pas de deuil national. Ne sont-ils pas des Maliens ? Pourquoi ce silence ? »
La gravité de l’heure est telle que, juste pour le symbole, il faudrait certainement communiquer plus sur les défis qu’il nous reste à relever, sécuritaire notamment, plutôt que sur les très maigres progrès réalisés. Faire prendre conscience aux Maliens, que l’heure est venue de prendre à bras le corps leur destin, en prenant conscience que le pays est de plus en plus menacé par le terrorisme de l’extrémisme violent, mais également et surtout par un autre genre de terrorisme, sournois et qui fait moins de bruit : le vol avec son corolaire de manquements à toute orthodoxie financière qui se perpètre dans les bureaux cossus de Bamako. Les déficits se chiffrent à des centaines de milliards de F CFA qui pourraient construire des hôpitaux, des écoles, des projets d’envergure pour lutter contre le chômage et des routes.
L’on se trompe de combat et également de cibles. Lorsqu’il est dit à tout va que personne ne peut aimer le Mali plus que les Maliens, l’on devrait certainement ajouter qu’également, personne ne peut détester le Mali plus que les Maliens. Car oui, quelqu’un qui se permet de voler les deniers publics, de commettre la corruption et le népotisme ne peut être qualifié de patriote. Il sacrifie l’intérêt commun pour son simple profit à lui. Les victimes qui en découlent sont nombreuses et fort malheureusement, morts s’en suit. Et cela, point n’en est fait mention dans les discours officiels et autres interviews accordés.
L’enfer, c’est toujours les autres.
Des puissances étrangères qui ne verraient que le Mali comme pays à voler, instrumentaliser, vilipender. Tout ce qui toucherait le pays est du fait de mains invisibles de blancs. La réalité est que si complot il y a contre ce pays, c’est bien celui ourdi, nourri par nombre de ses propres fils qui ne voient qu’en l’accession aux rouages de l’Administration, une occasion de se servir à satiété afin de se construire et non de construire le Mali.
C’est en cela que la Transition aura réussi son mandat. En moralisant les Maliens, les secteurs-clés de la gouvernance le seront également. Mais, s’auto-congratuler, exagérer sur les réalisations comme l’a fait un intervenant lors de la cérémonie d’ouverture de la semaine de la Réconciliation, en disant que désormais grâce au leadership éclairé du président de la Transition et de son gouvernement, les routes à Bamako sont bien faites et que l’on circule de manière agréable, frise le ridicule.
Ahmed M. Thiam L’ALTERNANCE