Seulement 24 heures après l’incendie qui a ravagé le marché d’Abobo, à Abidjan, c’est un autre, encore violent qui s’est déclenché au marché de Médina Coura, à Bamako. Un incendie qui a causé des pertes matérielles estimées à plusieurs millions de francs CFA.
Dans les cendres, ils tentent de retrouver des marchandises épargnées par les flammes. Mais, sans grande surprise, ils découvrent des produits calcinés par plus de trois heures d’un incendie qui a plongé les commerçants dans le désarroi et la tristesse. Les yeux larmoyant, le front en sueur, comme à la recherche d’un miracle, Mandian Bakayoko retourne tout ce qui reste de son commerce de plastique. Il y a 48 heures, cette boutique débordait de sceaux, bassines, de gobelets et autres articles en plastiques. Mais, ce matin, Mandian a beau cherché, fouillé, il ne trouve que ruine et désolation.
Les mots pour estimer ses pertes matérielles et sa douleur peinent à sortir. Après un long silence, le genre de silence si lourd de sens qui vous abat à votre tour, il dit, les tremolos dans la voix. «Je ne sais pas combien j’ai perdu. Je dois avoir perdu plus d’un million. Dans ce commerce, j’avais tout investi. Maintenant, quand je regarde autour de moi, je ne sais pas quoi dire, quoi faire…», s’en suivit et long et interminable silence au cours duquel il essuyait avec le revers de la main les quelques larmes qui s’échappaient et ruisselaient le long de ses joues. A l’image de Mandian, les commerçants ayant perdu leurs boutiques étaient tristes et pour certains dont des femmes inconsolables. Venue constater les dégâts en compagnie de sa belle mère, FC, fond en larme. Si le fait d’avoir perdu des marchandises l’attriste, elle se demande comment payer ses dettes. «Même pas plus tard que la veille de l’incendie, je me suis endettée pour m’approvisionner en jarres et encensoirs. J’en ai acheté pour plus de 50.000 francs CFA. Et voilà que tout est parti en fumée. Je me demande comment je vais m’acquitter de mes dettes, moi qui n‘avait que ce commerce comme seule source de revenus». A ses côtés, sa belle-mère tente de la consoler sans trop y parvenir. Comment y parvenir quand, elle même, fond de temps en temps en larmes ? La scène est saisissante, désarmante. Non loin d’eux, Djibril Diallo, vendeur de fournitures scolaires et de livres islamiques prend avec beaucoup de philosophie cette catastrophe. «Ce n’es pas facile de vivre ce que nous vivons. Mais je dis que tout ce que Dieu fait est bon. Je vendais des Corans et d’autres livres. Tout est parti en fumée. Je m’en remets à la volonté du Bon Dieu. Seul lui sait pourquoi cela nous arrive à nous », a-t-il déclaré.
Le regard hagard, dans le vide, la main sous le menton soutenant une tête devenue presque lourde pour son cou frêle, à peine ce vendeur de friperies nous adresse un regard quand on lui parle. Assis au milieu de ce qui reste de sa boutique, il est, selon des témoins, depuis des heures dans cette posture. Même ses voisins ne parviennent pas à lui arracher un mot. A moins de 100 mètres de lui, un autre commerçant, entouré de ses femmes, s’affaire à rassembler le peu de petits mils épargnés par les flammes.
L’origine de cet incendie qui n’a pas fait de pertes en vies humaines n’est pas encore connue.
Pour expliquer l’ampleur des dégâts, les commerçants qui ont tout perdu pointent un doigt accusateur vers les autorités. Selon Djibril Diallo, la promiscuité dans le marché a fait que les flammes n’ont pu être maitrisées à temps. Les sapeurs pompiers ne pouvaient pas accéder au marché faute de routes. C’est dommage. «Mais, nous les commerçants, nous ne pouvons rien y changer. Si les autorités attribuent des places à d’autres commerçants à des emplacements qui ne sont pas les bons, ce n’est pas à nous de leur dire de quitter. Au risque de se faire taxer de jaloux. Avant, il y avait de grandes routes dans ce marché. Mais ce n’est plus le cas. Toutes ces routes ont été vendues comme places de commerce», s’est-il lamenté.
C’est pour la quatrième fois que ce marché, l’un plus importants de la capitale, subit des incendies.
En attendant de trouver des solutions, les commerçants, la mort dans la l’âme, se repassent le film de toute une vie de labeur partie en fumée.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT