mardi 3 décembre 2024
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Grève de la santé : La population trime, le régime trinque

Depuis le 9 mars, le secteur de la santé observe une grève illimitée. Le désarroi au sein des couches sociales défavorables n’est que plus grand depuis ce jour.

«Quand on a la santé c’est l’essentiel », a-t-on l’habitude de dire. Toute chose qui témoigne de l’importance de la santé. Mais, depuis le 9 mars, ce secteur vital et sensible est en grève. Comme toutes les grèves, les motifs sont : l’amélioration des conditions de vie et de travail axée sur l’augmentation des primes de fonction spéciale et de garde, l’octroi d’une prime de monture aux travailleurs socio-sanitaires, etc. La pomme de discorde c’est que là où le syndicat demandait une amélioration des primes à hauteur de 100.000 francs CFA, le Gouvernement lui a proposé 6375 pour les catégories A. Suffisant pour faire dire aux médecins que le Gouvernement ne les prend pas au sérieux. Le moins que l’on puisse dire, après 10 jours de grève, c’est qu’elle est très bien suivie. Il n’y a qu’à faire un tour dans les différents hôpitaux et centres de santé communautaires. Le calvaire des patients et leurs parents arracherait des larmes à n’importe quelle personne dotée d’un tout petit peu d’humanisme. Les reins, ceints par un foulard, on croirait que Kadidia s’apprête à livrer bataille. Oui, elle se bat mais pas physiquement. Elle se bat pour la survie de son garçon de huit ans à peine. Sous cette forte chaleur, elle a trouvé refuge au pied du mur de l’hôpital Gabriel Touré. La tête du garçonnet péniblement posée sur ses jambes, à l’aide d’un bout de carton qui lui sert d’éventail, elle s’efforce à procurer un peu d’air frais à ce corps frêle. De temps en temps, elle trempe un chiffon dans de l’eau glacée et essuie le front de son fils pour faire retomber la fièvre. «  Depuis trois jours, je fais des allers et retours ici sans avoir aucun médecin à qui m’adresser. Le service minimum n’est que de nom et ne suffit pas à apaiser les peines de mon fils», à peine son témoignage sous forme de monologue terminé qu’elle se surprend à essuyer du revers de la main les quelques larmes qui coulaient le long de ses joues.

Une situation qui n’a pas échappé au tablier qui propose des cigarettes, bonbons et autres kleenex aux passants et accompagnateurs de malades. Touché par le mal être de Kadidia, il s’approche et partage sa peine. Comme un thermomètre, il touche le front du petit et se rend vite compte qu’il fait une forte fièvre. Son analyse de cette situation de grève est glaçante : «Tous, tant qu’ils sont, ne pensent qu’à eux-mêmes et à leur seul bien-être. Nous, le bas Peuple, personne ne se préoccupe de nous et de notre situation. Ceux qui gouvernent notre pays n’ont pas recours à nos hôpitaux, comment voulez-vous que ça leur fasse quoi que ce soit ? Les médecins, eux, peuvent aller se faire tranquillement les sous dans les cliniques privées. D’ailleurs, c’est ce qu’ils font même en temps normal. Cette fois, ils pourront le faire sans avoir mal à la conscience ; car, d’habitude, ils privilégient les patients des cliniques au détriment de ceux des hôpitaux publics. Ceux pour qui l’Etat les paient».

«Nous pouvons crever…c’est le dernier de leurs soucis»

Venue s’enquérir de l’état de fonctionnement de l’hôpital, Minata se joint au groupe. Elle également comme Kadidia fait partie de ces milliers de Maliens «d’en bas» qui font les frais de ce bras de fer entre autorités et médecins. La scène de Kadidia et son fils sous ses yeux la pousse à exposer son cas : «Nous sommes fatigués de faire déplacer chaque jour notre pauvre maman malade de la maison à l’hôpital. Depuis le début de la grève, nous avons fait plus de trois tours avec elle ici. Son médecin traitant fait partie des grévistes.  Personne pour s’occuper d’elle ; or, sa situation est critique jour après jour. Nous n’avons pas les moyens de l’amener hors du pays sinon nous l’aurions fait depuis bien longtemps. En attendant, la fin de la grève sur laquelle je suis venue me rassurer, nous nous remettons au bon Dieu et prions chaque jour pour qu’elle ne meurt pas».

Les personnes plongées dans cette situation du fait de la grève des médecins on ne les compte plus. Et le bout du tunnel ne semble pas être pour demain. Si le syndicat campe toujours sur sa position, le gouvernement, lui, ne fait visiblement pas assez d’efforts pour mettre fin à une situation qui coûte la vie chaque jour à des Maliens. Faut-il croire que ce gouvernement n’a que peut faire de la vie des Maliens qui, pourtant, ont élu leur Chef à 77% ? L’on est tenté de répondre par l’affirmatif et de se ranger derrière la thèse du tablier : «Du moment où, eux-mêmes, leurs femmes et leurs enfants ne sont pas soignés dans nos hôpitaux publics, nous pouvons crever et si nous voulons la bouche ouverte, c’est le dernier de leurs soucis ».

Mohamed Dagnoko : LE COMBAT

Rédaction

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