Près d’un mois après la mise en place du gouvernement de Moctar Ouane les maliens sont partagés entre impatience et angoisse. Les premiers actes posés par l’exécutif n’augurent rien de bon pour le Mali, ils laissent même planer le doute quant à la capacité de ce gouvernement à opérer les changements escomptés par le peuple malien. L’école est clopinant, l’insécurité galope de nouveau, le front social commence à être en ébullition après quelques semaines d’accalmie, bref les premiers signaux ne rassurent guère. Faut-il désespérer totalement ? Le gouvernement a-t-il suffisamment de marge de manœuvre ? Quels sont les premiers ratés du nouvel exécutif ?
Tous les observateurs de la scène politique malienne s’accordent à dire que le gouvernement de Moctar Ouane , après un accouchement difficile, est né avec plusieurs tares congénitales. Parmi lesquelles, on pourrait citer la mise à l’écart de la classe politique, la présence dans le gouvernement des personnalités non représentatives et surtout la velléité de caporaliser notre démocratie à travers une présence massive des militaires dans le gouvernement et probablement au sein du Conseil National de la transition, CNT et surtout à des postes stratégiques. C’est pourquoi nombreux sont les maliens à penser que la montagne de la transition n’accoucherait que d’une petite souris avec des réformettes qui ne permettront pas au Mali de sortir de ce cycle infernal de violence et de coups d’Etat à répétition faisant du Mali le pays recordman dans la sous-région.
S’il serait très tôt d’évaluer le gouvernement avant les 100 premiers jours, des signes avant-coureurs présagent déjà d’un avenir tumultueux, car les premières actions sur le terrain n’ont pas donné les résultats escomptés. A commencer par le refus des autorités à déclarer leurs biens. Comment peut-on exiger des gouvernés la transparence et la vertu dans la gestion des affaires si les gouvernants ne donnent pas eux-mêmes l’exemple ? La lutte contre la corruption passe par l’observation des règles prescrites dans la Constitution et les lois de la République. En refusant de se soumettre à ces lois, les autorités ne pourraient plus exiger des gouvernés certaines règles de bonne conduite. Donc, la lutte contre la corruption et la délinquance financière ne serait que du saupoudrage et du superfétatoire. C’est d’ailleurs pourquoi l’élan de la justice dans ce domaine a été brisé, on entend très peu d’arrestation malgré des multiples dossiers sur la table du procureur général. S’agissant de l’insécurité, elle va crescendo avec des attaques meurtrières au centre. Le décompte macabre a encore commencé. La nouvelle donne est le siège que les présumés djihadistes installent dans une commune entière empêchant tout mouvement de la population et sans être chassé par l’armée. Et pourtant, c’est l’armée qui a les rênes du pouvoir, il est inimaginable que sa mission régalienne qui est la sécurisation des personnes et de leurs biens soit la moins accomplie.
Pour ce qui concerne la mise à l’écart de la classe politique, elle serait une erreur étant entendu que la transition doit être la plus inclusive et la plus consensuelle possible. Donc, en mettant la classe politique en dehors de la gestion, les autorités de la transition ne pourraient plus compter sur son soutien afin de mener les réformes nécessaires en vue du Mali kura tant attendu. Il nous a été donné de constater que c’est sous la transition que toutes les grandes réformes ont été faites, car il n’y a ni opposition, ni majorité, le compteur est mis à zéro.
Tel ne semble pas être le cas cette fois ci, car le régime transitoire a créé de toutes pièces une opposition et pas des moindres. La classe politique dans son ensemble. Bien que l’horloge a commencé à tourner depuis le 15 septembre et le temps n’étant pas son meilleur allié, le régime transitoire pourrait bien se racheter avant qu’il ne soit trop tard, en ouvrant le plus possible le gouvernement à la classe politique toutes tendances confondues. C’est à ce seul prix qu’on pourra espérer sur la mise en œuvre efficiente et diligente des réformes que tous les maliens souhaitent.
En somme, comme le dit un vieil adage, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Les autorités de la transition ont encore l’opportunité de se racheter pour enfin mettre le train sur les bons rails et en embarquant tout le monde sans laisser certains au quai.
Youssouf Sissoko