vendredi 22 novembre 2024
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France: il y a vingt ans, les islamo-braqueurs du Gang de Roubaix

Le 29 mars 1996, dans le nord de la France, le Raid mettait un terme à l’équipée ultra-violente du « Gang de Roubaix », un groupe qualifié d’« islamo-braqueurs ». Vingt ans plus tard, l’épisode résonne étrangement.

29 mars 1996, 6h15 du matin. Au 59, rue Henri-Carette, dans le quartier populaire de l’Alma, à Roubaix, les hommes du Raid se préparent à donner l’assaut. Quatre hommes se trouvent à l’intérieur de la maison. Tous font partie du « Gang de Roubaix ». Et ils sont bien décidés à en découdre. Une fusillade éclate. Elle dure plus d’une heure. Les quatre hommes meurent dans l’effondrement et l’incendie de la maison provoqués par l’explosion des grenades qu’ils ont lancées. « On ne se rendra jamais », avaient-ils crié.

L’aventure du gang commence deux mois plus tôt, le 27 janvier 1996, par le vol d’une voiture. De la banale délinquance au premier abord. Mais les policiers qui la prennent en chasse sont repoussés au fusil d’assaut. L’équipée se poursuit les 7 et 8 février par des braquages de supermarchés et le 25 mars par celui d’un fourgon blindé, avec à chaque fois l’utilisation d’armes de guerre. Un équipement qui apparaît disproportionné pour un butin qui ne s’élève qu’à quelques milliers de francs. Le 28 mars, une voiture chargée de trois bonbonnes de gaz est placée devant le commissariat central de Lille. Elle n’explose pas. Mais à quelques jours d’un sommet du G7 qui doit se tenir dans la ville, cet attentat raté précipite l’action de la police.

Les premiers convertis

Vingt ans plus tard, cette histoire résonne étrangement. Car l’histoire du « Gang de Roubaix » présente de troublantes similitudes avec les affaires actuelles. Certains y voient même un tournant dans l’histoire du terrorisme en France. « Il y a un avant et un après Roubaix dans l’histoire du terrorisme », affirme ainsi dans une interview à l’AFP Romuald Muller, patron de la brigade criminelle de Lille à l’époque, et actuel directeur de la direction interrégionale de la police judiciaire.

Le profil de ses membres d’abord. Christophe Caze, le cerveau du groupe, et Lionel Dumont, son adjoint, sont des convertis. « C’est la première fois que des convertis sont impliqués au premier degré dans une affaire terroriste », remarque Romain Caillet, chercheur et consultant sur les questions islamistes. Tous deux nés dans des familles catholiques ouvrières, ils se sont convertis à l’islam au début des années 1990.

Le premier, Christophe Caze, est étudiant en cinquième année de médecine lorsqu’en 1992, il plaque tout pour partir en Bosnie, alors plongée dans la guerre. Il travaille pendant un temps à l’hôpital de Zenica, avant de rejoindre El Moujahidin, une unité de jihadistes réputés pour avoir combattu les Russes en Afghanistan, au sein de laquelle il soigne les blessés. Le second, Lionel Dumont, est étudiant en histoire. Le journaliste Olivier Pighetti raconte dans son documentaire « Les Ch’tis d’Allah » qu’il se convertit en 1991 et fréquente la mosquée de la rue Archimède, réputée pour ses thèses radicales. En 1993, il s’engage dans l’armée française pour aller servir en Somalie, ravagée par la guerre civile et la famine. L’année suivante, il rencontre Christophe Caze qui le convainc d’aller combattre en Bosnie.

Là-bas, les deux hommes se radicalisent. Mais en décembre 1995, les accords de Dayton mettent fin à la guerre. Lionel Dumont et Christophe Caze rentrent alors en France afin d’y poursuivre le jihad avec huit autres Nordistes, pour la plupart rencontrés à la mosquée de la rue Archimède. Leur mission : organiser des braquages pour financer la guerre sainte. Le gang est en lien avec l’islamisme radical occidental : Abou Hamza, dit « le manchot », imam de la mosquée londonienne de Finsbury, l’Algéro-Canadien Fateh Kamel, mais aussi des cellules en Belgique, qualifiée déjà par certains de « sanctuaire ».

Des jusqu’au-boutistes

Autre point commun avec les terroristes qui sévissent actuellement en Europe : le jusqu’au-boutisme. « Les membres du gang de Roubaix furent les tout premiers en France à s’être sacrifiés […] Le gang s’était alors laissé brûler à l’intérieur dans des conditions physiques atroces plutôt que de se rendre », raconte ainsi le journaliste Olivier Pighetti dans une interview à Marianne.

En 2012, après une parenthèse de 16 ans pendant laquelle la France est épargnée par les attentats, le terroriste de Toulouse Mohamed Merah est abattu par le Raid alors qu’il est retranché dans son appartement. Le 18 novembre dernier, Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats de Paris et Saint-Denis, est tué lors d’un assaut de plus de trois heures. Le lendemain sur TF1, le patron du Raid Jean-Michel Fauvergue dresse le parallèle avec Roubaix. « C’était également avec des individus radicalisés. Ils étaient aussi restés jusqu’au bout de l’opération et avaient brûlé dans la maison. Ce qu’on a vécu à Saint-Denis, c’était une situation de guerre, avec des armes de guerre, avec des adversaires qui avaient des gilets explosifs », indique-t-il.

Les similitudes s’arrêtent là. Car contrairement à ses successeurs, le « Gang de Roubaix » n’a pas tué de civils délibérément. Il n’a pas non plus commis d’attentat-suicide, une caractéristique du terrorisme actuel qui apparaît au début des années 1980 au Liban et se généralise dans les années 1990. « Le terrorisme actuel est le résultat d’une adaptation, d’une évolution, estime Antoine Mégie, maître de conférence à l’université de Rouen et spécialiste des politiques judiciaires et antiterroristes. Le « Gang de Roubaix » ne constitue pas une rupture. »

Christophe Caze est abattu par la police belge quelques heures après l’assaut à Roubaix. En fuite en Bosnie, condamné à 20 ans de prison pour vols à main armée, évadé, rattrapé en Allemagne, Lionel Dumont purge actuellement une peine de 25 ans de prison en France pour sa participation au «Gang de Roubaix». Sur les quatre autres membres du gang encore vivants, un est incarcéré, deux autres ont été libérés au début des années 2010. Le dernier, Seddik Benbahlouli, est toujours en cavale.
RFI

Rédaction

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