L’imbroglio politico-militaire au centre duquel se trouve aujourd’hui la France au Mali, dans le cadre de l’opération d’envergure de Barkhane ayant entrainé la mort des militaires maliens, suscite beaucoup d’interrogations sur le fonctionnement de la force conjointe du G5 Sahel déjà opérationnelle sur le terrain. Initialement censée bénéficier de l’appui de la force française au Sahel, la force du G5 Sahel peut être affectée par la crise de confiance désormais née entre les États-majors des armées françaises et maliennes, au point de songer à évoluer seule.
S’achemine-t-on vers ce cas de figure selon lequel les 5000 Hommes placés sous le commandement de Sévaré feraient le sacrifice de se passer de l’appui logistique de l’armée française ? On ne saurait répondre pour l’heure par l’affirmatif, mais force est de constater que les derniers rebondissements de l’affaire des militaires maliens tués à Abeibara se prêtent à cette éventualité.
Tout a commencé, en effet, avec une déclaration de l’État-major français datant du 26 octobre dernier, déclaration selon laquelle Barkhane a, dans une opération d’envergure, « mis hors de combat » quinze combattants islamistes dans le secteur d’Abeibara, près de la frontière avec l’Algérie.
C’est la coalition djihadiste du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), dirigée par Iyad Ag Ghali, qui était visée d’après l’État-major français. Le 27 octobre, le groupe d’Iyad accuse l’armée française d’avoir tué « onze soldats maliens qui étaient captifs (…) ainsi que trois moudjahidines », dans un acte de propagande, largement relayés par les réseaux sociaux.
Après plusieurs jours de confusion et de silence des autorités de Bamako, la thèse de la « bavure » est confortée par un communiqué du Ministre malien de la Défense, Tiéna Coulibaly. Un document daté du 31 octobre et rendu public le lundi dernier.
Il y est écrit que des «militaires maliens, détenus par des terroristes, ont trouvé la mort dans l’opération du 23 octobre». Tiéna Coulibaly affirme s’être entretenu à ce sujet, le 31 octobre avec l’Ambassadrice de France au Mali, Mme Evelyne Decorps, et un Officier représentant Barkhane. Ses interlocuteurs lui auraient dit, précise-t-il, que «les reconnaissances menées durant la phase de préparation n’auraient pas permis de déceler la présence de militaires maliens». Il n’en a pas fallu plus que ça pour que la France sorte une autre version en affirmant, le lendemain mardi, que les militaires maliens morts étaient des djihadistes.
«Les militaires maliens tués le 23 octobre dernier lors d’un raid des forces françaises contre un campement djihadiste dans le Nord du Mali n’étaient pas des otages, mais des soldats qui avaient fait défection pour les rangs islamistes», a-t-on déclaré, mardi de source proche du dossier.
Une telle déclaration venant des arcanes de l’État-major français qui survient quelques heures après la publication de la thèse de bavure faite du côté malien, est de nature à jouer sur les nerfs des autorités en charge de la défense de notre pays. Celles-ci, à défaut d’une demande expresse du départ de la force Barkhane du Mali comme l’exigent ces derniers temps nombre d’organisations de la société civile de la place, peuvent être tentées de revoir leur copie, histoire de signifier leur mécontentement vis-à-vis de ce flou. Et c’est la force conjointe du G5 Sahel qui apparaît le mieux placé à servir de bouc émissaire en ce sens que son opération en cours, la toute première d’ailleurs, constitue l’autre théâtre sur lequel Barkhane peut être titillé. Il reste à savoir si les autorités maliennes auxquelles est confié le commandement de cette force du G5 Sahel auront l’audace de pousser loin leur grogne pour donner de la voix.
Katito WADADA : LE COMBAT