Des experts des droits de l’Homme des Nations Unies ont appelé mercredi dernier (9 septembre 2020) les autorités maliennes à mettre fin à l’esclavage une fois pour toutes. Et cela après que quatre hommes considérés comme nés dans l’esclavage aient été battus à mort et qu’une femme de 80 ans et deux autres personnes aient été gravement blessées le 1er septembre 2020 dans le cercle Nioro du Sahel (Kayes).
«Rien ne peut justifier la persistance de la pratique de l’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences… Nous condamnons ces actes barbares et criminels qui violent le droit à la vie, à l’intégrité physique et à la dignité humaine, et qui restent trop souvent impunis», ont déclaré Alioune Tine, expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, et Tomoya Obokata, rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage. Ils ont demandé «une enquête rapide, transparente, impartiale et approfondie» sur l’attaque du 1er septembre 2020 à Djandjoumé (région de Kayes), et que justice soit faite pour les victimes.
L’un des morts, un homme de 69 ans considéré comme un esclave, avait obtenu une décision de justice contre l’imam du village au sujet des terres agricoles. Certains membres de la communauté se sont opposés à la décision du juge et ont encerclé les maisons des soi-disant esclaves avant de les battre sauvagement. Les quatre hommes morts avaient entre 42 et 72 ans…
«Ce système d’esclavage par ascendance persiste malgré le fait que l’esclavage ait été officiellement aboli au Mali bien avant l’indépendance. L’esclavage constitue également un crime contre l’humanité dans le Code pénal malien», ont déclaré les experts. Les personnes sont considérées comme nées esclaves parce que leurs ancêtres ont été capturés et réduits en esclavage et que leurs familles «appartiennent» aux familles propriétaires d’esclaves depuis des générations. Les personnes qui sont considérées comme des esclaves travaillent sans rémunération, peuvent être héritées et sont privées des droits humains fondamentaux.
L’année dernière, un membre d’une organisation antiesclavagiste a été expulsé de son village dans la région de Kayes sur ordre du chef de village, et une cinquantaine de personnes qui contestaient leur statut d’esclaves ont été forcées par les chefs traditionnels locaux de fuir un autre village.
Les experts de l’ONU ont exhorté le Mali à adopter au plus vite une loi criminalisant spécifiquement l’esclavage, à l’instar d’autres Etats de la région comme le Niger et la Mauritanie, et à coopérer avec les organisations de défense des droits de l’Homme pour mener une campagne nationale visant à abolir l’esclavage.
«Il est également essentiel que le Mali cesse de punir les défenseurs des droits de l’Homme et les autres personnes qui tentent de mettre fin à l’esclavage par ascendance… Le gouvernement doit tenir tête aux chefs traditionnels et religieux qui tolèrent des pratiques effroyables telles que l’esclavage», ont-ils souhaité.
Dans son dernier rapport du 15 janvier 2020, M. Tine s’est prononcé sur les attaques contre les personnes considérées comme esclaves et contre l’arrestation et la détention arbitraire de 16 défenseurs des droits de l’Homme anti-esclavagistes.
Kader Toé