Depuis l’arrêt politique rendu par la Cour Constitutionnelle, la contestation des résultats va bon train et la mobilisation ne faiblit toujours pas. De Kati à Sikasso en passant par Bougouni, Koutiala et dans trois des six communes du District, à savoir les communes I, IV et VI des manifestations s’y passent quasi quotidiennement. Si certaines ont été pacifiques, celles de Sikasso ont pris le jeudi 7 mai 2020 une tournure dramatique avec à la clé une dizaine de blessés par balles et de nombreuses arrestations. Comment Sikasso la docile pourrait brusquement devenir Sikasso la rebelle en défiant le pouvoir central ? La réponse est que trop c’est trop. Les Sikassois en ont assez de se voir imposer des gens qu’ils n’ont pas élus. Ils disent ne plus accepter que ceux qui les a spoliés puissent encore parler en leur nom à l’hémicycle, ils pensent être suffisamment matures pour prendre leur destin en mains en élisant dignement ceux et celles qui pourront parler en leur nom et place à l’Assemblée Nationale.
Manassa Dagnoko et ses huit collègues membres de la Cour Constitutionnelle endossent déjà les conséquences de leur légèreté, de leur laxisme et de leur décadence. Ils sont les seuls responsables de la chaotique situation dans laquelle le Mali se trouve. La démocratie malienne acquise au prix d’énormes sacrifices mérite-t-elle un tel sort ? N’a-t-elle pas été confisquée par cette minoritaire prédatrice prête à toutes les compromissions pour se maintenir au sommet de l’Etat ? Les martyrs du 26 mars 1991 vont se retourner dans leurs tombes en apprenant que la démocratie, pour l’avènement de laquelle ils ont donné leur vie, est en train d’être malmenée par des gens sans foi ni loi mus simplement par leurs intérêts sordides. Jamais, de mémoire d’homme, une élection législative n’a donné lieu à de telles contestations entrainant des violences, à des échauffourées. Jamais, après les journées chaudes de 1991 sous la dictature du Général Moussa Traoré, un maintien d’ordre n’a fait autant de dégâts et de blessés que celui du 7 mai à Sikasso. Par cet acte d’une autre époque, le régime a non seulement montré son vrai visage, mais aussi et surtout, est dans la logique de confisquer notre démocratie.
IBK mesure-t-il véritablement l’ampleur de la crise postélectorale, une des filles de la crise multidimensionnelle qui secoue le Mali depuis 2012 ? Le Mali cité en exemple comme modèle de démocratie partout en Afrique n’est-il pas en train de dégringoler à la queue ? Le Président de la République garant de la stabilité devrait sortir de sa réserve pour calmer le jeu. Il devrait, pour les trois ans qui lui reste à la tête du pays, faire preuve de sagesse en demandant à la Cour Constitutionnelle de dire le droit rien que le droit pour qu’il puisse sortir par la grande porte de l’histoire de son pays.
En somme, l’opinion nationale est à la fois sidérée et scandalisée de constater qu’on puisse mater avec une violence inouïe une contestation pacifique.
Youssouf Sissoko