Les Etats-Unis ont fermé ce lundi 4 mars 2019 leur consulat général à Jérusalem, autrement dit leur représentation diplomatique auprès des Palestiniens. La mission va être fusionnée avec la nouvelle ambassade auprès d’Israël. Officiellement, il s’agit d’être plus efficace, explique Washington, mais les Palestiniens réagissent très vivement. L’analyse de Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Iremmo).
Jean-Paul Chagnollaud : Cette décision s’inscrit dans une politique que Trump mène à l’encontre des Palestiniens depuis plusieurs mois. Cela a commencé évidemment avec la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, c’était fin 2017.
Ensuite il y a eu la coupure de toute aide financière, que ce soit bilatérale ou plus encore à l’égard de l’office des réfugiés, l’UNRWA. Il a eu aussi la fermeture de la mission diplomatique palestinienne à Washington.
On voit bien que ces mesures prises depuis 2017 sont dans la même ligne : affaiblir encore les Palestiniens. Et cette dernière mesure a en plus un côté humiliant puisqu’on leur dit : « La seule chose qui compte c’est l’ambassade (la représentation américaine auprès des Israéliens, NDLR) à Jérusalem. »
Comment peut-on expliquer un tel changement des Etats-Unis qui jusqu’ici avaient une politique linéaire au Proche-Orient ?
Il y a une rupture à l’égard de tout ce qui s’est fait aux Etats-Unis depuis des décennies, parce que globalement, même si les Etats-Unis ont toujours été un soutien d’Israël, ils étaient en faveur d’une solution à deux Etats, et tout ce que fait aujourd’hui l’administration Trump va à l’encontre de la solution à deux Etats.
La politique américaine a sans doute pour objectif de faire pression sur les Palestiniens pour que, le moment venu, ils acceptent un plan de paix entre Israéliens et Palestiniens. Un plan dont Donald Trump parle depuis longtemps, mais dont on ne sait à peu près rien sauf qu’il sera évidemment très défavorable aux Palestiniens, et donc ces derniers n’en voudront pas.
Les Américains accusent les Palestiniens de ne pas vouloir négocier la paix avec les Israéliens, est-ce une réalité ?
Chacun sait bien que c’est faux. Abbas (le président de l’Autorité palestinienne, NDLR) prône depuis qu’il est au pouvoir, depuis des années, une négociation qui aboutirait sur la base du droit international à la création d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël.
On connait ce discours et il est tout à fait juste, je crois. C’est surtout une application du droit international. Or les forces politiques au pouvoir en Israël depuis bientôt quinze ans, forces de la droite et de l’extrême droite, ne veulent en aucun cas entendre parler d’un Etat palestinien. Ce qu’elles souhaitent c’est continuer la colonisation qui a des pris des dimensions considérables aujourd’hui. Et donc les prochaines étapes qui sont annoncées notamment par certaines de ces forces dans l’actuelle campagne électorale israélienne (des législatives ont lieu le 9 avril, NDRL), c’est d’annexer une bonne partie de la Palestine.
Trump soutient cette politique de colonisation et piétine allègrement, si j’ose dire, les termes d’un droit international qui prône deux Etats. Or la solution à deux Etats est la seule solution possible. Tout le reste signifie qu’on retourne vers des violences et des frustrations. Trump déstabilise les données du conflit qui est déjà complexe comme il le fait dans le reste du Moyen-Orient et dans le monde entier.
rfi