Au Mali, la transition politique va durer 18 mois (à compter de la date d’investiture du président) et sera dirigée par un président et un vice-président désignés par un collège mis en place par le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), a déclaré le rapporteur général (Moussa Camara) des concertations nationales qui ont pris fin samedi après-midi (10-12 septembre 2020) à Bamako en présence du Colonel Assimi Goïta, le président de la junte militaire qui a pris le pouvoir le 18 août 2020. Le choix des responsables de la transition demeure toujours posé.
Les concertations nationales (10-12 septembre 2020 au CICB) ont enregistré la présence de 500 participants représentants les forces vives de la nation (classe politique, société civile, mouvements et groupes armés, diaspora…) et repartis en 5 groupes qui ont planché sur les mêmes sujets avec le même mandat : améliorer, enrichir ou amender les documents (Feuille de route et Charte de la Transition) soumis à leur appréciation.
Il s’agissait de diagnostiquer sans complaisance les maux qui minent notre système démocratique afin d’adopter des mesures urgentes et nécessaires. En plus du président de la transition et son vice-président, un gouvernement va être formé avec au maximum de 25 membres sous la conduite d’un Premier ministre qui sera nommé par le président de la transition conformément à la constitution en vigueur (constitution du 25 février 1992).
Cette transition aura comme organe législatif un Conseil national de 121 membres composé de l’ensemble de forces vives de la nation (forces armées et de sécurité, associations et organisations de la société civile, confession religieuses, notabilités, faitières de la presse, groupes et mouvements armés). Cet organe désignera son président à l’interne.
La Feuille de route de la transition comporte six axes qui prennent en compte la sécurisation et la lutte contre le terrorisme, l’amélioration de la gouvernance, la refondation du système éducatif du pays, les reformes politiques et institutionnelles, l’adoption d’un pacte de stabilité sociale et l’organisation des élections générales.
Dans un bref discours de clôture le président du CNSP, Colonel Assimi Goïta, s’est félicité de l’esprit qui a animé ces assises et a pris l’engagement que la junte veillera rigoureusement à la mise en œuvre des documents validés par les participants de ces concertations nationales. «Nous nous engageons à mettre en œuvre l’ensemble de ces résolutions pour le bonheur du Peuple malien…», a déclaré le Colonel Goïta. Et cela d’autant plus, a-t-il reconnu, les résultats auxquels les participants sont parvenus l’autorisent à «espérer à l’avènement d’un Mali nouveau, de justice, d’équité et démocratique».
Le président du CNSP a également sollicité «la compréhension et l’appui de la Communauté internationale pour la mise en œuvre diligente et correcte de la Charte et de la Feuille de route de la transition». A noter que les membres du CNSP et tous les acteurs ayant participé aux avènements allant du 18 août dernier à l’investiture du président de la transition bénéficient de l’immunité juridictionnelle.
Qui doit diriger la transition ? Les trois jours de débats aux assises de Bamako n’ont pas tranché la question. Finalement, c’est un collège que le CNSP doit mettre rapidement en place qui va décider. Che choix demeure un dilemme cornélien et d’autant plus, comme l’a rappelé un participant dans les coulisses de la concertation, on trouvera difficilement un consensus sur le choix d’un civil. Quel que soit celui ou celle qu’on va choisir, la personne aura toujours un problème de légitimité de la part d’une frange de la classe politique ou de la société civile.
«S’il est issu du M5-RFP, les autres forces ne le verront peut-être pas d’un bon œil. Issu de la CMAS, le M5-RFP et les autres s’étoufferont de rage. Pris dans la société civile, les politiciens râleront certainement. Choisi chez les religieux ou chez la diaspora malienne, le mal sera infini pour les autres», analyse Modibo Babo, professeur d’université. Et de conclure, en souhaitant, «comme alors dans la danse mortelle, laissons le batteur jouer sa partition c’est-à-dire la junte qui a pris le pouvoir. Qui d’autre peut être plus neutre et nous éviter les difficultés liées au choix consensuel que le président du CNSP ?».
Cette question vaut son pesant d’or car la réussite de la transition et la stabilité future du Mali est liée en partie à sa réponse !
Moussa Bolly