De juin au 18 août 2020, notre pays a traversé sans doute l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Face à cette situation, la population n’a cessé de manifester son inquiétude pour le pays et pour son avenir. Et les Maliens étaient très divisés sur la nécessité de la désobéissance civile décrétée le 11 juillet pour le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques. Notre reporter avait mené une enquête sur ce que les Bamakois pensaient de cette stratégie des contestataires avant que l’armée ne décide de mettre le pied dans la place en contraignant Ibrahim Boubacar Kéita à dissoudre l’Assemblée nationale et à démissionner de la présidence de la République.
La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique ou souvent violente. «La population malienne, en général, ne va pas poursuivre le mot d’ordre de désobéissance civile lancée par le M5-RFP et l’imam Mahmoud Dicko. Mais, c’est fort probable pour certains citoyens, qui dénoncent la mauvaise gestion du pays par le régime, de continuer avec ce combat qu’ils jugent nécessaire pour la survie du Mali», affirme Sékou Coulibaly, jeune étudiant résidant à Bamako.
Mais cette stratégie politique adoptée par les contestataires du régime le (M5-RFP), qui est de couper les grandes artères en vue de paralyser la capitale voire le pays, qui a souvent entraîné des actes de vandalisme contre les biens public et souvent privés. Une situation qui, à la longue, allait retourner contre le mouvement parce que certaines personnes auraient été obligées de suspendre leur participation aux manifestations.
Même si, selon plusieurs intervenants, «certains Maliens sont prêts à sacrifier leur revenu et leur âme pour des combats politiques». Le prix à payer est déjà lourd. Réclamant la démission du président de la République le groupement politique M5-RFP déplore la mort de 23 jeunes qui ont été tués par «balles réelles» par le régime actuel.
D’autre part, on peut dire que les 2/3 de la population malienne ignorent le sens de ces combats politiques car ils vivent au jour le jour. Donc, ces personnes peuvent voir ces manifestations comme inutiles puisque ne pouvant pas changer leur quotidien. Pis, ça pourrait aggraver leur situation parce que les manifestations les obligent à rester à la maison, donc d’être privés de leurs sources de revenus. Ces citoyens se disent dépités par les hommes politique et font le constat que ce sont les mêmes personnes qui jouent avec la misère du peuple depuis l’avènement de la démocratie de 1991. «C’est juste un combat de positionnement pour se remplir le ventre et garnir les comptes en banque», dénonce une interlocutrice.
Une grande majorité de la population malienne est d’accord sur l’incapacité et l’incompétence de ce régime d’IBK (7 ans rien n’avait changé). N’empêche, ces personnes trouvent que l’insurrection populaire ou le coup d’Etat militaire n’est pas la bonne solution. Mais, «réclamer ses droits est légitime», souligne un cadre qui a requis l’anonymat. Et même s’ils sont nombreux à souhaiter la démission d’IBK et de son gouvernement, certains citoyens ne souhaitent pas être impliqués directement dans ce combat politique.
D’autres sont préoccupés du sort du pays s’il arrivait qu’IBK démissionne. Et cela d’autant plus que les nombreuses questions sur «l’après IBK» sont restées sans réponses satisfaisantes de la part des leaders de la contestation.
Après la démission la chaîne de commandement militaire ne serait-elle pas déchirée ? Un pays en guerre mérite-t-il une crise ou un coup d’État institutionnel ? La survie de l’État ne serait-elle pas menacée ? Les terroristes ne vont-ils pas s’accaparer du pays comme ils menaçaient de le faire après le putsch du 22 mars 2012 avant l’intervention de la France à travers l’Opération Serval ? L’incapacité des leaders du M5-RFP à apporter des réponses claires à ces questions poussent de nombreux Maliens à ne pas adhérer à l’idée de la démission d’IBK.
Fatoumata Kéita
Stagiaire