Que signifient les mots « bélé », « simbo », « penda » ?
Il me vient l’envie de vous causer d’un mot bambara rare : la racine « bélé » aujourd’hui en désuétude dans le bambara des milieux urbains. C’est cette racine qui construit par exemple le mot « bélé-bélé-ba » de « grand, gros, volumineux ».
C’est une racine universelle à l’échelle du continent. On la retrouve dans le terme touareg « béléhè » qui désigne le fait de « gaver (les jeunes filles) » donc de les rendre « grosses » ; ou dans le terme dogon « bélu », toujours de « grand, gros, volumineux » tel dans la notion « na bélu » de « grand ancêtre » ; ou encore dans le mot swahili « béléya », dont nous traiterons à une autre occasion.
C’est une racine héritée d’une souche proto-historique commune à tous les peuples africains. Cette souche avait pour habitat le Sahara-central entre le néolithique et le mésolithique (6 000 à 12 000 ans avant J. C).
Le Sahara était alors une savane verdoyante, et c’est son assèchement entre 5 000 et 6 000 ans avant J.C, qui fit les actuels Africains migrer vers le sud (et vers l’Est, pour les futurs ancêtres des Égyptiens). Confère, les travaux du professeur Fabrizio de Mori sur « La Momie Noire » – Université la Sapienza de Rome.
En l’an 1 000 de notre ère, les descendants de cette souche matricielle avaient fini d’investir tout le continent, de Dakar à Djibouti et du Caire au Cap de bonne espérance. Un processus de peuplement qui n’inclut bien sûr pas les souches plus antérieures que sont les Bushmen et les Adzabé. Lesquels vivent sans interruption dans leurs habitats actuels depuis 100 000 ans avant J.-C.
Un autre héritage fascinant de cette souche centre saharienne est la racine « simba » qui désigne le « lion » dans le lingala, le swahili et presque toutes les langues bantu.
Dans le malinké, cette racine a évolué pour donner le mot « simbo » (simple apophonie du vocable « a » en « o »). Dans cette langue malinké, « simbo » désigne le « chasseur » – simple équivalence sémantique de l’idée « chasseur animal » à celui de « chasseur humain ».
Un dernier exemple tout aussi fascinant est celui de la racine « pènda » qui dans le swahili et le lingala, signifie « aimer ». Dans le peul, « Pènda » est un prénom exclusivement réservé à la fille comme l’objet « d’amour » le plus précieux dans cette culture.
Une infinité d’autres racines héritées de cette souche néolithico-mésolithique foisonne un peu partout sur le continent. Tous les peuples africains n’ont jamais fait que parler la même langue… sans en avoir conscience… car ils sont tous nés de la même tribu.
Malick Naillé Coulibaly