Si « La Guerre de Troie n’aura pas lieu », il faut cependant admettre que les protagonistes de l’information n’auront de cesse de tenter ou d’introduire le Cheval de Troie, par tous les moyens, dans les Citadelles les plus défendues. Nous sommes en plein dans la guerre de l’information ; elle fait rage et fait feu de tout bois. Des Etats aux individus les plus quelconques, tout le monde a conscience que le processus de production de l’information, son management, sa manipulation… sont au cœur des enjeux les plus préoccupants du moment. A telle enseigne que des spécialistes ne sont pas loin de penser que l’humanité serait entrée dans « l’ère post-vérité ».
Il ne faut pas d’ailleurs s’en étonner puisque le besoin d’informer, de s’informer, d’utiliser l’information à son propre avantage… est aussi vieux que l’apparition de l’homme sur la terre. Dans « l’Art de la guerre », Sun Tzu – qui aurait vécu en Chine plusieurs siècles avant J-C et serait contemporain de Confucius – écrit qu’il existe deux moyens infaillibles de faire la guerre et de la gagner : le recours à la force et le recours aux techniques de manipulation. « Tout l’art de la guerre est fondé sur la duperie », écrit Sun Tzu. « Ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemie sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un état sans opérations prolongées », poursuit-il. Enfin, nous édifie-t-il, « Toute campagne guerrière doit être fondée sur le faux-semblant ; feignez le désordre, ne manquez jamais d’offrir un appât à l’ennemi pour le leurrer, simulez l’infériorité pour encourager son arrogance, sachez attiser son courroux pour mieux le plonger dans la confusion : sa convoitise le lancera sur vous pour s’y briser ».
Sans aucun doute, on peut conclure que ce stratège hors pair avait déjà perçu le rôle capital que pouvait jouer la manipulation de l’information pour vaincre des armées ennemies. Peut-on, pour autant, le considérer comme l’ancêtre des « fake news » tels qu’on les connaît aujourd’hui ? Je ne m’y risquerai pas même si d’autres ont franchi allègrement le pas.
Alors, faut-il se résoudre à laisser le grand boulevard ouvert aux « fake news » sans ralentisseur, sans obstacles, sans système de signalétique qui amoindrirait ou anéantirait totalement leur impact ? Ne rien faire est une compromission qui n’est pas une option sérieuse d’où le « fact checking » qui est une technique enseignée dans les écoles de journalisme et abondamment utilisée par les journalistes d’investigation.
Ce nouvel anglicisme réinventé dans le sillage des « fake news » signifie simplement « vérification des faits ». Qui est l’essence même du journalisme. « La vérification des faits est une technique consistant d’une part à vérifier en temps instantané la véracité de faits et l’exactitude des chiffres présentés dans les médias par des personnalités politiques et des experts, d’autre part à évaluer le niveau d’objectivité des médias eux-mêmes dans leur traitement de l’information. Cette notion est apparue aux États-Unis dans les années 1990 sous l’appellation de « fact checking ». Wikipedia ajoute que « Mise en pratique par des journalistes d’investigation dans le cadre de leur profession, la méthode s’est démocratisée grâce à des logiciels aidant les particuliers à vérifier les faits. Elle s’est même automatisée avec l’apparition en 2013 de robots conçus pour la pratiquer sans intervention humaine. Et dans la mesure où la majorité des bidonnages (fakes), des trollages et des canulars sont diffusés sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter eux-mêmes y recourent depuis 2016 ».
Il faut même ajouter que tous les grands groupes de médias recourent à cette technique et ont ouvert des rubriques sur leurs sites internet où des cas emblématiques de « fake news » sont passés au crible. Vous souvenez-vous de cette vidéo qui a circulé il y a peu au Mali dans laquelle on montrait des exécutions sommaires attribuées aux Forces de Défense et de Sécurité de notre pays ? Grâce au « fact checking », cette cabale honteuse a été démontée et les vrais auteurs de ce massacre abominable identifiés.
Malheureusement, malgré des résultats probants apportés dans certains cas, le « fact checking » n’a pas que des supporters. « … l’efficacité de la vérification de faits est progressivement remise en cause, voire contestée, au point qu’en 2016 un grand nombre de commentateurs estiment qu’elle ne permet pas de contrecarrer les effets des contre-vérités proférées par les personnalités politiques, même les plus évidentes… », écrit Wikipedia.
Pour le moment, le monde parait presque impuissant à concilier le binôme « fact checking » et « fake news » qui, manifestement, n’est pas prêt de se mettre en couple pour filer le parfait amour.
Serge de MERIDIO INFO SEPT
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