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Oui, vous avez bien lu et vos yeux ne vous jouent aucun mauvais tour. La semence des Apollon helvètes est très gravement dégradée selon les conclusions d’une très sérieuse étude réalisée dans le pays par des chercheurs du non moins sérieux département de médecine génétique et de développement de l’Université de Genève de (UNIGE). Ces conclusions renversantes, mesurées avec la précision d’une horloge suisse, sont à lire dans les colonnes de la revue spécialisée Andrology. Elles sont sans appel : « 60% des jeunes Suisses se trouvent en-dessous des normes de l’OMS. (…) Il (sperme) contiendrait trop peu de spermatozoïdes, provoquant ainsi des difficultés pour procréer ». L’étude réalisée entre 2005 et 2017 a porté sur un échantillon de 2 523 jeunes hommes de 18 à 22 ans conçus et nés en Suisse. Sur cet échantillon, seuls « … 43 % ne souffrent d’aucune anomalie, ce qui veut dire qu’une majorité de ces hommes ont une qualité spermatique sous-optimale. Ils ne sont donc que 38 % à avoir des paramètres supérieurs aux normes établies par l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS ».
L’étude révèle que trois facteurs déterminent la fertilité : la concentration de spermatozoïdes par millilitre (ml) de sperme, mais aussi leur mobilité et la morphologie des principaux concernés. Or 60% des jeunes Suisses ont au moins l’un de ces trois paramètres en dessous des normes de l’Organisation Mondiale de Santé (OMS). Les chercheurs de l’UNIGE enfoncent un peu plus le clou : « Dans le pays, la concentration médiane du sperme se quantifie à 47 millions de spermatozoïdes par ml, ce qui place les Suisses en queue de peloton (…) A l’échelle européenne, seuls le Danemark et la Norvège, tous deux avec 41 millions par ml, sont en dessous. En tête des pays européens, se trouve l’Espagne, avec une concentration de 62 millions par ml ».
A l’échelle de deux générations, la concentration de spermatozoïdes dans les pays développés à travers le monde a été presque divisée par deux, passant de 99 à 47 millions par ml, révèle l’étude de l’UNIGE. Et que dire de l’objectif de cette étude ? Serge Nef, chercheur à l’UNIGE explique que « Le but était tout d’abord d’évaluer, en Suisse, la qualité spermatique et la santé reproductive des jeunes hommes. Mais également d’évaluer si cette qualité du sperme était dépendante de l’environnement ou des zones géographiques ».
Une des principales conclusions de l’étude de l’UNIGE est qu’elle met en évidence le lien entre la faible qualité spermatique et l’augmentation des cancers des testicules. En effet, la Suisse possède le plus haut taux de ce type de cancer, soit 10 personnes sur 100 000. Autre conclusion qui pourrait faire froid dans le dos, c’est lorsque les chercheurs font des combinaisons entre cette étude et une précédente portant sur les femmes suisses. Le couperet tombe en deux petites phrases dans la bouche de Serge Nef : « On sait qu’au cours des dernières, années on a une augmentation de l’âge auquel les femmes ont leur premier enfant, en sachant qu’au-delà de 35 ans, la fertilité chez les femmes diminue rapidement. La conséquence, c’est qu’on risque de faire face à l’augmentation des couples infertiles en Suisse ».
Après les révélations, place maintenant aux explications si, bien entendu, elles existent. Et le moins qu’on puisse dire ou écrire, c’est qu’elles n’ont probablement rien à voir avec la qualité des coffres forts suisses, les secrets bancaires très jalousement gardés, les chalets, les stations balnéaires, l’industrie pharmaceutique ou la technologie de pointe des Helvètes. Alors ? Il faut remonter à une étude précédente de l’ancien Institut de veille Sanitaire (INVS) qui avait démontré un lien avec l’environnement, expliquant que les hommes vivant dans des zones agricoles étaient les plus touchés par une dégradation de leur sperme, probablement du fait de leur exposition à des pesticides. On apprend aussi qu’une autre étude réalisée à Taïwan avait démontré que la pollution de l’air détériorait la qualité du sperme. Même là, on n’y est pas puisque la Suisse est l’un des seuls pays épargnés par ce problème environnemental, avec des niveaux de concentration de particules fines dans l’air bien en dessous de ses voisins européens.
On est en plein mystère suisse ; mystère aussi opaque que le manteau de secret en alliage inviolable qui entoure le trésor de guerre du FLN ; l’or nazi qui aurait été « recyclé » dans les banques suisses ou, plus récemment, les centaines de millions de Francs suisses qu’y auraient dissimulé des dirigeants déchus comme Marcos (Philippines), Duvalier (Haïti), Ceausescu (Roumanie), Noriega (Panama), Shalck-Goldowski (trésorier de l’ex-Allemagne de l’Est)…
Connaissant bien le goût des suisses pour les défis et surtout la qualité de leurs ressources humaines –manufacture, industrie, recherche, Garde suisse pontificale depuis le XVIème siècle – il est plus évident qu’ils ne sauraient se contenter de semi-réponses. Ce n’est pas leur genre surtout sur une telle matière qui relève carrément des domaines de la santé et de la sécurité publiques. Ils garderont bien un œil ouvert sur les conclusions de l’étude de l’UNIGE et promettent de revenir vers les 2 523 conscrits dans une dizaine d’années pour effectuer de nouveaux prélèvements. A cette échéance-là, peut-être que ce qui a l’air d’être flou aujourd’hui sera totalement élucidé et dévoilera ses mystères à la communauté scientifique nationale et internationale. Sinon, des étalons africains pourraient bien offrir leurs services dans le cadre d’une coopération Sud-Nord mutuellement avantageuse, sans qu’il y ait besoin de crier aux loups envahisseurs qui fondraient sur les jeunes et belles brebis des alpages suisses.
Serge de MERIDIO