vendredi 22 novembre 2024
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Analyse du projet de monnaie unique de la CEDEAO du 17-18 juin 2019 à Abidjan: Contexte et Problématique

La présente analyse porte sur la monnaie unique, telle qu’elle est issue de la réunion de la CEDEAO, tenue du 13 au 15 juin 2019, à Abidjan, en Côte-d’Ivoire. Le régime de change flexible assorti de ciblage d’inflation a été retenu comme cadre de politique monétaire, pendant que le modèle de la future Banque Centrale de la CEDEAO est celui du  Modèle de Système fédéral des Banques centrales et que la Monnaie Unique de la CEDEAO est  dénommée ECO. 

Concernant l’état de convergence macroéconomique, les États membres sont invités à prendre les mesures idoines en vue de respecter de manière durable les critères de convergence macroéconomique en tant que conditions sine qua non pour la création d’une union monétaire crédible au sein de la CEDEAO.

Mon intervention, qui se limite à l’appréciation du projet de monnaie unique de la CEDEAO tel qu’il ressort de cette réunion d’Abidjan, déroulée les 17 et 18 juin 2019, résulte de mes analyses fondées sur l’Économie scientifique, c’est-à-dire de l’Économie dotée de la théorie de la mesure qui considère la monnaie comme représentant l’instrument de mesure dans cette discipline, tout comme le thermomètre l’est pour la thermodynamique et qui permet d’assurer la justice et la juste mesure des valeurs des biens et services ainsi que de tous les droits et obligations économiques.

De l’utilisation optimale de la monnaie unique 

À ce titre, mon analyse présuppose une utilisation spécifique et optimale de l’instrument monétaire pendant que toute autre utilisation qui constitue une déviation par rapport à cette utilisation va comporter des coûts qui vont grever inutilement le montant des ressources destinées aux activités de développement.

Quand l’ignorance dicte les règles de fonctionnement de la monnaie  

En considérant le mode de fonctionnement de la monnaie unique africaine de l’Eco en régime de change flexible, les pays de la CEDEAO se placent dans la logique d’un flottement généralisé de leur monnaie, à la différence d’avec le FCFA qui, défini comme une quantité fixe d’euros, flottait en permanence par rapport aux autres devises non européennes, ce qui pose un certain nombre de questions préalables.

En effet, avant de flotter par rapport aux autres devises, quel serait le lien entre cette monnaie unique, d’une part, avec les anciennes monnaies des pays africains membres de la CEDEAO, dont le FCFA, le Cédi du Ghana, le NFG ndlr: Nouveau franc guinéen) de Guinée-Conakry, le Naira du Nigeria et d’autre part, avec les autres devises existantes ?

De ce choix de flottement généralisé,  les pays membres de la CEDEAO auront été guidés par l’expérience monétaire à travers l’Histoire. Ce faisant, ces pays, en se préoccupant de la variation de leur monnaie commune par rapport aux autres monnaies sur les marchés internationaux, tournent le dos à l’expérience monétaire de la zone franc et perdent de vue le rôle d’instrument de mesure de l’Eco dans leur économie.

Ces pays n’ont, donc, pas conscience qu’ils sont en train de façonner un instrument de mesure qui n’a aucune dimension définie et qui est appelée à changer en permanence, tout en occasionnant des dépenses inutiles en devises pour tenter de stabiliser le cours d’une monnaie naturellement vouée à l’instabilité permanente sur les marchés internationaux.

Dans ces conditions, que valent bien les mesures prises avec un tel instrument qui se trouve être inutilement coûteux par rapport à son utilisation optimale ?

Ainsi, non seulement ces pays vont supporter des coûts inutiles pour soutenir un cours artificiel alors que les mesures prises dans ces conditions n’ont pas de sens et que les calculs effectués à la suite de ces chiffres ne pourront guère signifier quelque chose de précis.

Donc, ces pays n’ont pas conscience des débauches inutiles d’énergie auxquelles ils vont devoir consentir en dépensant des quantités de devises pour maintenir dans un intervalle limité le cours de leur monnaie commune et pour finir par laisser prévaloir la réalité du marché. Autrement dit, après avoir âprement lutté pour maintenir le cours de cette monnaie, ces pays vont finir par perdre la lutte et laisser baisser le cours de l’Eco.

Par ailleurs, ces pays de la CEDEAO, échangeant très peu entre eux, vont demander très peu leur propre monnaie pour alimenter le commerce intra-CEDEAO.

Par conséquent, ces pays, apparaissant beaucoup plus acheteurs que vendeurs sur les marchés internationaux, vont voir leur monnaie jouer le rôle de « mauvaise monnaie » aux côtés des autres monnaies avant de pouvoir faire ses preuves.

Par conséquent, le cours de cette monnaie sera forcément orienté durablement à la baisse.

Les conséquences de cette baisse vont se traduire par une inflation rampante importée à travers les importations facturées dans une monnaie fondante ; la stabilité monétaire que les pays connaissaient, notamment dans les anciens pays utilisateurs du FCFA, aura volé en éclats tout en faisant regretter, plus tôt qu’on ne l’aurait imaginé, la période révolue du FCFA et tout en faisant rappeler à ces pays, anciennement utilisateurs du FCFA, que « le FCFA est mort, mais vive le FCFA », l’inconvénient d’avoir changé parce qu’il fallait changer sans avoir cherché à répondre à la question, comment changer, étant donné que tout changement n’était pas forcément souhaité. !!!

Donc, sans trop en savoir sur le mode fédéraliste du fonctionnement des banques centrales des pays membres de la CEDEAO, le schéma proposé par les autorités de la CEDEAO pour le fonctionnement de leur monnaie unique Eco, ne présente rien de rassurant. Au contraire, ces pays semblent se contenter du même schéma européen de monnaie unique européenne, l’euro, en adoptant l’éco qui va remplacer les monnaies locales nationales comme cela fut le cas en 2002 dans les pays européens membres de l’euro.

Malheureusement, le caractère irréversible attaché à cette initiative devrait les inciter à méditer sur le cas de l’Italie qui, en Europe, tente aujourd’hui une procédure de contournement, voire de désobéissance des dispositions communautaires en matière de gestion publique ou, dans une moindre mesure, sur la situation de la Grande-Bretagne avec le Brexit inapplicable et qui ne finit pas de diviser non seulement en Europe, mais également en Grande-Bretagne.

Dr Lamine Kéïta

 

Djibril Coulibaly

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