Selon le ministre malien de la communication et Porte-parole du gouvernement, M. Yaya Sangaré sur son compte Twitter le 20 août 2019, près de 5 711 545 dollars (environ 3.375.000.000 F Cfa) vont être repartis entre 66 partis politiques éligibles comme aide financière de l’Etat au titre de l’année 2018. Une aide contestée à cause de ses retombées mitigées sur la démocratie malienne.
L’aide publique aux formations politiques est attribuée «conformément à la Charte des partis politiques qui prévoit une aide correspondant à 0,25 % des recettes fiscales du budget d’Etat», a précisé le ministre Sangaré qui réagissait ainsi à des déclarations fustigeant cette aide publique.
Depuis l’annonce du montant de l’aubaine à repartir entre des bénéficiaires «non méritants», le ministre a été personnellement interpelé par des responsables de presse qui ont jugé cette aide «discriminatoire» et «disproportionnée» par rapport à l’aide publique à la presse. Un appui qui, depuis l’arrivée du président Ibrahim Boubacar au pouvoir en 2013, tourne entre 200 millions et 300 millions de francs Cfa par an. «Une somme modique» repartis entre plus 200 organes (radios, presse écrite et télévisions) de presse privée.
«Il est vrai que les partis politiques, s’ils jouent réellement leur rôle, sont des charpentes de la démocratie. Mais, la presse est aussi considérée comme le 4e pouvoir dans ce système politique. C’est pourquoi nous exigeons une certaine équité dans l’attribution de l’aide publique aux chapelles politiques et les médias privés», a revendiqué le responsable d’une organisation de presse.
Certains critiques ont aussi visé «l’écart considérable» entre ceux qui sont éligibles et ceux qui ne le sont pas à cette aide. «Aujourd’hui l’on crée les partis politiques soit pour être plus proche de la majorité, soit pour être proche de l’opposition pour pouvoir se positionner et profiter d’une situation donnée», a analysé M. Khalid Dembélé, chercheur au Centre de Recherche, d’Analyse Politiques, Économiques et Sociales (CRAPES) interrogé par l’hebdomadaire privé «Journal du Mali».
«Les partis sont créés non plus autour de convictions ni d’idéaux mais autour des intérêts individuels et quand c’est comme cela, ils ne sont pas fondés et les critères les disqualifient facilement», a-t-il ajouté. Un point de vue partagé par la majorité de nos interlocuteurs.
Une opportunité pour se «faire plein la poche»
En tout cas, ils sont nombreux les citoyens qui pensent que cette aide de l’Etat est juste «une aubaine» pour un certain nombre de groupuscules (dirigeants) pour se «faire plein la poche».
«Aujourd’hui quand on regarde ces partis politiques, qu’est-ce qu’ils effectuent concrètement sur le terrain ? On se rend compte facilement qu’il n’y pas de réelles formations au bénéfice des militants. Ce sont des partis personnifiés autours des leaders et qui cessent de fonctionner quand ces derniers ne sont pas là», a déploré M. Dembélé.
Les chapelles politiques bénéficiaires défendent bien naturellement cette aide dans une belle unanimité. «Si nous avons choisi de faire la démocratie, nous devons aider les piliers que sont les partis politiques, qui supportent cette démocratie. On ne peut pas parler de démocratie sans eux, ni d’apprentissage et de formation. Aujourd’hui, les partis ont besoin de cette aide et c’est important et normal qu’on puisse la leur apporter», a défendu M. Moussa Seye Diallo, Secrétaire adjoint chargé à la communication de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), chef de file de l’opposition politique.
Au Mali, c’est la loi N°05-047/du 18 août 2005, portant Charte des Partis politiques, qui consacre le financement des partis politiques. Les conditions à remplir pour bénéficier du financement public sont précisées par l’article 30 de la charte des partis politiques.
Une somme non remboursable et sans contrepartie
Ceux-ci doivent, entre autres, justifier la tenue régulière des instances statutaires du parti ; disposer d’un siège national exclusivement destiné aux activités du parti distinct d’un domicile ou d’un bureau privé ; disposer d’un compte ouvert auprès d’une institution financière installée au Mali ; tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la Section des Comptes de la cour Suprême au plus tard le 31 mars de chaque année ; justifier de la provenance de ses ressources financières et de leur utilisation ; avoir participé aux dernières élections générales législatives ou communales…
«La production de faux bilan par tout parti politique entraîne la perte du droit au financement public pour l’année suivante, sans préjudice de poursuites judiciaires», a averti la Charte.
Ainsi, les partis politiques légalement constitués et qui participent à l’animation de la vie politique sont éligibles à l’aide financière octroyée par l’Etat sous réserve de remplir les conditions précitées.
Cette aide financière octroyée par l’Etat est une somme non remboursable et sans contrepartie et dont le montant annuel représente 0.25 % des recettes fiscales. Conformément aux dispositions de l’article 29 de la charte des partis politiques, elle est repartie en fonction de 15 % des crédits pour financer les formations politiques ayant participé aux dernières élections générales, législatives ou communales ; 40% des crédits pour financer les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale (proportionnellement au nombre de leurs députés au parlement) ; 35 % des crédits pour les financer au prorata des conseillers communaux obtenus le jour du scrutin ; et 10 % des crédits pour les financer proportionnellement au nombre de femmes élues à raison de 5 % pour les députées et 5 % pour les conseillères communales.
A noter que l’aide financière est payée par le trésor public par virement dans les comptes bancaires, auprès d’institutions financières installées au Mali.
Moussa Bolly LE MATIN