Il était jusqu’ici attendu par plus d’un comme devant comparaitre devant la Cour Pénale Internationale (CPI) tout comme cela avait été le cas avec Ahmad Al Faqi Al Mahdi, condamné à 9 ans de prison, par la juridiction de La Haye. Aliou Mahamar Touré, l’ancien Chef de la Police islamique de Gao va devoir connaître son sort devant les Juges maliens à la Cour d’assises de Bamako. Cette décision prise cette semaine par la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako met du pain sur la planche de la Justice malienne qui se retrouve désormais avec deux gros calibres issus de la crise de 2012. Amadou Haya Sanogo, prenant son mal en patience dans sa villa carcérale de Sélingué, en est le premier.
Aliou Mahamar Touré a officié pendant la période 2012-2013 tout comme Ahmad Al Faqi Al Mahdi sous l’occupation des groupes armés.
Deux justiciables bien distincts
Le premier est l’homme qui avait semé la terreur dans la ville de Gao jusqu’à son arrestation en décembre 2013. Aliou comme on l’appelle, faisait partie des fous de Dieu qui appliquaient «la charia» dans la Cité des Askia pendant l’occupation des Régions du Nord. C’est lui qui orchestrait les torture et répressions dans la ville de Gao pendant toute la période où le Nord du Mali était occupé par les Islamistes. A cette époque, la ville est contrôlée par le MUJAO (Mouvement pour l’Unité et le Jihad en Afrique de l’Ouest). Un mouvement qui impose sa vision de la charia et harcèle les populations locales avec l’aide précisément du Commissaire Aliou. Cet ancien vendeur de peau de bêtes est natif de la ville de Gao, il aide les Islamistes à leur arrivée en ville et devient très vite un de leurs Représentants les plus zélés. Comme un Chef djihadiste, l’homme se déplace avec une escorte de plusieurs hommes, il est armé, porte des grenades en bandoulière et un fouet qu’il utilise sans réserve pour battre les habitants. En particulier, les femmes accusées d’avoir des mœurs déviantes. Couper la main aux présumés voleurs et tirer sur des ‘’infidèles’’ étaient le lot de son quotidien.
Le second ne se trouve pas encore dans les mailles de la Justice malienne pour non seulement avoir versé du sang humain, mais pour avoir cassé des murs. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, un petit fonctionnaire de l’Education nationale, a été accusé d’avoir dirigé des attaques contre neuf mausolées et une mosquée de Tombouctou, tous répertoriés au Patrimoine mondial de l’UNESCO, lorsque la ville subissait le joug des hommes d’Abou Zeid et d’Iyad Ag Ghaly, en 2012.
A chaque Chef d’accusation sa juridiction
C’est, donc, en criminels bien distincts l’un de l’autre que ces deux hommes ne vont pas connaître les mêmes juridictions bien qu’ayant commis leurs crimes pratiquement à la même période et à la faveur de la même crise djihadiste. Si le second s’est retrouvé dans les collimateurs de la CPI qui lui a infligé, en septembre 2016, neuf ans de prison ferme, c’est bien eu égard à ses crimes ayant impacté un patrimoine d’ordre mondial. Les 9 mausolées de Tombouctou et la mosquée Sidi Yahia jouissent de la protection de l’organisme onusien en charge de la promotion de la culture. Il ne fallait, donc, pas les toucher pour qui veut être justiciable seulement au Mali.
Pour le cas d’Aliou Mahamar Touré, ce sera le premier procès pour juger des crimes commis sous l’occupation islamiste, à se tenir en terre malienne ; car, les proches de ses victimes se sont portées partie civile avec quelques autres familles de Gao. Bien qu’aucune date n’ait pour l’heure été fixée pour les assises auxquelles son procès est renvoyé, l’Avocat de la partie civile s’est réjoui de ce jugement à l’échelle locale qui apparaît comme un véritable 2e test pour la Justice malienne.
La Justice malienne attendue sur le coup
En effet, le jugement de l’ex-Chef de la junte de Kati, Amadou Haya Sanogo, et celui d’Aliou Mahamar Touré, tous deux par des Cours d’assises, ont toutes les chances de se révéler des verdicts de l’année 2017 au cas où la Justice malienne parvenait à en finir avec ces deux dossiers dans le courant de cette année en cours. Habituée aux dossiers de moindre envergure que ces deux derniers renvoyés aux assises, la Justice malienne s’offre l’occasion de prouver son professionnalisme aux yeux de la Communauté internationale. Puisque, force est de constater qu’en décidant que le Chef de la police islamique de Gao réponde de ses actes à l’interne, les Juges maliens auront les yeux de la CPI rivés sur eux comme cela avait été le cas lors de l’ouverture du procès de Sanogo en novembre 2016. On a encore en tête la déclaration faite à cette époque par Madame Fatou Ben Souda, la Procureur de la CPI : ‘’Conformément aux dispositions du Statut de Rome, mon Bureau reste fermement résolu à examiner la situation en République du Mali. Mon Bureau continuera à mettre tout en œuvre dans le cadre de son mandat et dans la limite de ses moyens pour veiller à ce que les auteurs des crimes relevant de la compétence de la CPI ne restent pas impunis et à ce que les victimes obtiennent la justice qu’elles méritent tant», avait-elle lancé en sentinelle à la Justice malienne. Pourvu, donc, que celle-ci soit suffisamment aguerrie !
Katito WADADA : LE COMBAT