Conférence d’entente nationale, prévue pour la semaine prochaine, ne sont pas de nature à prendre à la légère. Pour des assises qui se veulent une lingerie interne où l’on compte y laver de vieux linges sales pour un renouveau escompté, tous les préparatifs doivent être minutieusement passés au peigne fin. Ce, afin qu’ils soient exempts de toute erreur préjudiciable à l’objectif assigné à la rencontre en question. Tel n’est visiblement pas le cas, d’où les réactions venant des partis poli- tiques de l’opposition et des groupes armés qui n’ont pas voilé leurs soucis vis-à-vis du calendrier établi. Toute chose qui a quelque peu incité les organisateurs à revoir leur copie.
De quelle façon cette copie a-t-elle été revue ? Juste de quoi montrer aux insatisfaits du chronogramme établi du 27 mars au 2 avril, qu’ils ne sont pas insensibles à leurs cris du cœur. Pour preuve, le Gouvernement s’est juste contenté d’élargir la durée de la conférence à plus d’une semaine. Initialement prévue pour s’achever le 2 avril, il va, donc, s’agir d’une conférence marathon dont le lancement est maintenu pour le 27 mars alors que la fin des travaux reste désormais indéterminée. Cette petite ouverture faite par le Gouvernement laisse planer un autre risque sur ces assises, celui de les voir perdurer dans le temps avec tout ce qu’elles peuvent entrainer comme coût supplémentaire et risque d’enlisement dans les verbiages. Il s’agit également d’un recul qui ne prend pas en compte la totalité des préoccupations de ceux qui se sont déclarés contre le format initial. Ce ne sera, certes, plus une «conférence d’entente nationale express» telle que l’opposition malienne l’avait désignée ; mais, l’insuffisance des consultations à la base que dénoncent les contestataires est ignorée.
Tout comme les groupes armés rivaux du Nord, l’opposition a estimé qu’il n’y a pas eu assez de consultations à la base. En d’autres termes, la préparation de ces assises, qui doivent regrouper 300 personnes, a été jugée insuffisante. Le Gouvernement dit vouloir canaliser la conférence autour de deux thèmes: les causes profondes de la crise au Nord et une charte pour la paix. Mais des voix se sont élevées pour demander qu’on y parle aussi et, surtout, de la gouvernance actuelle. Désaccords, il y en a eu à bien d’autres niveaux.
Dans une lettre conjointe adressée au Président du Comité de Suivi de l’Accord ainsi qu’au Haut Représentant du Président de la République et au Médiateur de la République, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme ont simplement demandé un report de la rencontre.
Tout en dénonçant que les dates du 27 mars au 2 avril 2017 «ont été fixées unilatéralement par le Gouvernement, sans accord préalable des autres parties», la CMA et la Plateforme soulèvent la non effectivité des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudéni, le processus du cantonnement, les patrouilles mixtes qui sont pour le moment limitées à Gao, le redéploiement de l’armée tel que prévu dans l’Accord, le retour des Refugiés et la problématique de l’Azawad.
Elles soulignent que «les circonstances semblent, donc, être de nature à hypothéquer gravement le succès de la Conférence d’entente nationale. A cette date, sa tenue consacrerait davantage la désunion qui, partout, menace nos efforts d’apaisement, plutôt qu’elle ne consacrerait le retour à la concorde nationale».
Mais le Gouvernement semble vouloir passer sous silence tous ces griefs en parlant désormais du lancement de la conférence le lundi prochain au lieu de lui concéder un report pur et simple à une date ultérieure, histoire de reculer pour mieux sauter. C’est peut-être pour cette raison que les réactions demandant un report ne se sont pas limitées seulement aux acteurs impliqués dans ce dossier. Des chercheurs maliens n’ont pas été du reste.
En effet, dans une tribune publiée sur le site du journal français LE MONDE, deux chercheurs maliens, Kamissa Camara, analyste politique affiliée au Centre d’études africaines de l’Université de Harvard et au National Endowment for Democracy, à Washington, et Mahamadou Konaté, Professeur et Analyste politique dans plusieurs écoles d’élite du Mali, notamment l’Ecole d’état-major nationale et l’Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye, ont fait une mise en garde contre la tenue d’une conférence “bâclée“. «En théorie, la Conférence d’entente nationale pourrait bien être la fondation du règlement définitif de ce conflit séparatiste ainsi que le suggère l’accord d’Alger. Mais il faut, pour cela, que la conférence soit précédée par le retour de la confiance entre les différentes parties signataires et par un dialogue constructif au sein de la classe politique malienne. Une conférence d’une telle envergure mérite plus de préparation, d’engagement, de sensibilisation. Car, entre entente et mésentente, il n’y a que trois lettres que l’Histoire devrait nous faire méditer. Trois lettres qui présagent de l’avenir du pays», ont-ils décrit.
Avec toute cette pléiade de réactions contre le calendrier préétabli, on finit par déduire que le Gouvernement, en maintenant un semblant de lancement des assises sur ce 27 mars, feint ainsi sa ruse de voiler un véritable report. Il lui est préférable de parler de lancement pour se limiter à cette seule journée plutôt que d’officialiser un report pur et simple. N’est-ce pas là une astuce visant à atténuer la dérision d’un échec à peine voilé ?
Katito WADADA : LE COMBAT